SORTIE DU PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE DU BENIN :Vers la fin des yes man
Le Bénin a encore apporté la preuve qu’il est une vitrine démocratique en Afrique. En effet, le président de l’Assemblée nationale, Mathurin Nago, pourtant très proche de Yayi Boni, ne s’est pas gêné de critiquer, en des termes acerbes, la gouvernance du chef de l’Etat. Il a notamment dénoncé « la multiplication des actes et des scandales de corruption et de malversation ».
On ne doit pas craindre de qualifier la sortie de Mathurin Nago, d’acte de courage et de témérité
La situation est d’autant plus préoccupante, a renchéri le chef du Parlement, que ces actes sont impunis. Cette sortie, sous nos tropiques, pour plusieurs raisons, présente un intérêt.
D’abord, l’on peut saluer, a priori, le courage du président du Parlement béninois. En Afrique, en général, les responsables des institutions doivent leur place à la « générosité » et à la confiance du président de la République. Par conséquent, même dans leurs rêves, ils ne se voient pas en train d’égratigner ce dernier. Au nom de leur attachement viscéral au principe de redevabilité, certains se croient dans l’obligation de toujours caresser « leur bienfaiteur » dans le sens du poil. D’autres s’asseyent sur leur dignité, en se transformant tout simplement en griots du « roi », dignes de la cour du roi du Manding, Soundjata Keïta. C’est pourquoi l’on ne doit pas craindre de qualifier la sortie de Mathurin Nago, d’acte de courage et de témérité qui honore non seulement sa personne, mais aussi la démocratie béninoise.
Ensuite, cette sortie pourrait contribuer à briser la réputation de chambres d’enregistrement que traînent bien des parlements africains. Ces derniers, auxquels la Constitution attribue, entre autres, le pouvoir de contrôle des actions de l’exécutif, se prostituent dans certains pays, au point de fermer hermétiquement et criminellement les yeux, même sur les failles les plus visibles du gouvernement. Il est vrai que, de par le passé, des proches de princes africains ont pu sortir du bois, pour dénoncer publiquement leurs dérives, mais ils représentent une minorité négligeable, par rapport à la caste des yes man qui écument les palais présidentiels d’Afrique.
La sortie du président du Parlement pourrait traduire l’avènement de la culture de la non-redevabilité
Cela dit, l’on peut affirmer sans risque de se tromper, que l’une des pathologies de la démocratie, « version africaine », est l’unanimisme politique. Celui-ci se fait le plus souvent contre l’intérêt supérieur des populations. Tels des larrons en foire, les institutions font bloc autour du président de la République, pour lui permettre de poser des actes dont le préjudice pour la paix, la démocratie et le développement est immense. Un tel environnement politique favorise l’émergence de potentats qui finissent par s’auto-attribuer des qualités divines. Tout le monde connaît les dérives des dictateurs, mais tout le monde les applaudit à tout rompre, même quand ils sont au summum de leur mégalomanie.
Tout en n’occultant pas le fait que la sortie du président du Parlement pourrait être liée à un calcul politique, l’on peut se permettre déjà de la saluer, car elle pourrait traduire l’avènement de la culture salutaire de la non-redevabilité et du même coup annoncer la fin des yes man. Ce serait tant pis pour tous ceux qui croient que la moindre critique dirigée contre les rois qui nous gouvernent, constitue une hérésie.
Pousdem PICKOU