SORTIE DU ROYAUME CHERIFIEN SUR LA RASD : L’unité de l’UA à l’épreuve du retour du Maroc
Le retour du Maroc au sein de l’Union africaine (UA), s’il était une nécessité, n’en demeure pas moins un gros facteur de risques pour l’Organisation continentale. Et ce ne sont pas les déclarations du ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, qui convaincront du contraire. Loin s’en faut. En effet, il a déclaré que son pays « ne reconnaîtra jamais » la République Arabe Sahraouie démocratique (RASD). Comme on le sait, c’est l’admission de cette dernière au sein de l’OUA en 1982, qui avait provoqué le courroux et le retrait du Maroc. Pour son retour au sein de la « famille africaine », le Royaume chérifien a d’abord posé la condition de la mise à l’écart de la RASD. Face à la fin de non-recevoir qui lui avait été opposée, surtout par des soutiens du Sahara occidental et non des moindres au sein de l’UA que sont l’Algérie, l’Afrique du Sud et le Nigeria, le Maroc avait dû se résoudre à faire machine arrière. Il s’est vu obligé de faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Du moins en théorie.
Le pays de Mohamed VI n’a jamais vraiment décoléré à l’endroit de la RASD
Car, avec la récente sortie de son ministre des Affaires étrangères, on se rend compte que le pays de Mohamed VI n’a jamais vraiment décoléré à l’endroit de la RASD et de ses soutiens. Sa posture entre-temps conciliante, relevait juste de la stratégie. C’est que le pays avait certainement fini par comprendre que la politique de la chaise vide n’arrangeait pas outre mesure sa situation dans cette guerre qui l’oppose au Front Polisario. Du reste, le constat est là, amer pour lui. Son retrait de l’OUA, devenue UA, une trentaine d’années durant, n’a visiblement pas fait avancer sa cause. A présent de retour à l’UA, il semble ne vouloir qu’une chose : mener le combat de l’intérieur. Et visiblement, il n’entend pas perdre du temps. Ainsi, avant même que l’encre des signatures actant son retour au sein de l’UA, n’ait eu le temps de sécher, il tombe le masque et sort ses griffes. Au risque de mettre mal à l’aise les pays amis qui ont milité pour son retour dans l’organisation. Car, il faut bien le reconnaître, l’UA qui a déjà assez de chantiers difficiles à conduire, se serait bien passée de ces confrontations qui s’annoncent rudes en son sein. En tout cas, avec la volonté du Maroc, annoncée à haute et intelligible voix, de tout mettre en œuvre pour affaiblir les soutiens de la RASD au sein de l’UA, il faut s’attendre à une réaction. Difficile d’imaginer ces puissants soutiens assister, les bras croisés, aux nouvelles velléités du Royaume chérifien. Bien entendu, le Maroc, grâce à sa puissance économique et financière, travaillera à s’entourer davantage d’alliés. Surtout que le pays a de bonnes pratiques et des succès en matière de lutte contre le terrorisme. Il se pourrait aussi qu’il applique la diplomatie du chéquier, histoire d’amadouer quelques pays africains. Le Royaume chérifien a donc les moyens de démobiliser des soutiens de la RASD et de mobiliser ainsi du monde autour de sa cause. Toute chose qui ne sera pas sans conséquence sur la cohésion même de l’UA. Reste que la RASD a aujourd’hui pour elle le droit en ce sens que l’UA, par sa devancière, l’a reconnue et acceptée en son sein. C’est dire si faire changer cette donne ne sera pas une mince affaire, surtout au regard de ce que cela peut avoir comme conséquences en termes de survie même de l’Organisation continentale. Même si d’aventure, une majorité de « petits pays », pour des raisons financières, venaient à être acquis à la cause du Maroc, les choses ne feraient que se compliquer davantage. Car penser à éjecter la RASD, c’est prendre le risque de se retrouver avec une UA conspuée par l’Algérie, la République sud-africaine et le Nigeria pour ne citer qu’eux. L’UA se retrouverait donc davantage affaiblie, vu le poids, en son sein, des pays cités.
Il faut espérer que tous les protagonistes sachent raison garder
Pour le Front Polisario, le retour du Maroc au sein de l’UA, n’est donc pas si dangereux que cela. Bien au contraire. Ce retour permet de remettre au goût du jour, une crise qu’on avait tendance à oublier. Il constitue une opportunité pour remettre sur la table, le règlement de cette crise. La présence de la RASD et du Maroc autour d’une même table lors des sommets de l’UA ramène, en effet, au devant de la scène, cette crise que l’UA, aux côtés et avec l’aide des Nations unies, devra s’employer à régler. En tout état de cause, il faut espérer que tous les protagonistes de cette crise sachent raison garder. Car ce qui est en jeu, c’est l’unité même de l’UA éprouvée par le retour du Maroc. Si chaque acteur ne met pas de l’eau dans son vin, à commencer par le Maroc, la maison commune africaine qui n’est déjà pas une référence de solidité, risque de se fragiliser davantage. Une situation qui ne serait pas à l’honneur ni à l’avantage d’aucun pays du continent africain.
« Le Pays »