SUCCESSION DE JACOB ZUMA A LA TETE DE L’ANC : Ramaphosa saura-t-il chausser les bottes de Mandela ?
Depuis le retrait et la disparition de son leader charismatique, Nelson Mandela, l’African National Congress (ANC) semble devenu l’ombre de lui-même. En effet, de Thabo M’Beki à Jacob Zuma, aucun des leaders du parti qui ont succédé à l’icône de la lutte anti-apartheid en Afrique du sud, n’a pu se montrer à la hauteur. Sous le magistère de Jacob Zuma en particulier, l’ANC a presque touché le fond, avec une gouvernance des plus décriées à la tête de l’Etat, qui lui a valu une kyrielle de motions de censure. N’eût été le soutien aveugle des députés de l’ANC, Jacob Zuma n’aurait certainement pas terminé son mandat à la tête de l’Etat sud-africain. Et entre scandales de corruption, de détournements de deniers publics et autres affaires de mœurs, ce ne sont pas les motifs de destitution qui manquaient.
Des deux candidats, Ramaphosa est le moindre mal
C’est dans ces conditions que s’est tenu le Congrès de l’ANC, à l’effet de renouveler les instances du parti, notamment régler la question de la succession de Jacob Zuma à la tête du parti. Et c’est finalement le vice-président Cyril Ramaphosa qui est sorti vainqueur du duel qui l’opposait à Nkosazana Dlamini-Zuma, l’ex-épouse du président sortant. La question que l’on pourrait se poser, est de savoir si ce dernier saura chausser les bottes de Nelson Mandela, pour redonner au parti son lustre d’antan. La question est d’autant plus importante qu’au sein du parti, ce n’est pas aujourd’hui la grande sérénité. Après 10 ans de règne, Zuma laisse derrière lui un parti gagné par de fortes dissensions internes. Par exemple, le truculent leader de la jeunesse du parti, Julius Malema, ne s’est pas fait prier pour claquer la porte et aller faire valoir ses compétences ailleurs. Et rien ne dit que la saignée ne va pas continuer, au sortir de ce congrès qui a vu la direction du parti changer de main, en faisant au passage des frustrés dans les rangs des perdants. Et le nouveau président devra travailler à la reconstruction du parti dont l’image aura été sérieusement écornée pendant les dix ans de règne faits de frasques et de pitreries de Jacob Zuma. Cette opération de restauration de l’image du parti s’impose d’autant plus que le nouveau président du parti a de fortes chances de succéder à Jacob Zuma à la tête de l’Etat sud-africain. Mais pour cela, il faudra travailler à reconquérir les anciens fiefs perdus comme Johannesburg et Pretoria, lors des dernières élections municipales de 2016. Dès lors, l’on comprend que Cyril Ramaphosa ait voulu ratisser large, en annonçant une rupture totale avec la gouvernance Zuma dont il n’est pas exclu qu’il remette sur le tapis la question de la destitution. Pour autant, Ramaphosa qui fut l’un des combattants de la première heure avec Nelson Mandela, saura-t-il se poser en rassembleur pour fédérer à nouveau toutes les énergies autour de la cause du parti ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Et en la matière, des deux candidats qui se disputaient la présidence du parti, l’on peut dire qu’il est le moindre mal. Et ce, eu égard à son parcours et à ses qualités personnelles, mais aussi aux faiblesses de sa rivale, Dlamini-Zuma, dont la trop grande proximité avec le président sortant qui lui a du reste porté tout son soutien, n’a pas forcément joué en sa faveur. Sans oublier son bilan mitigé à la tête de la commission de l’Union africaine où elle n’a pas laissé de bons souvenirs, beaucoup lui reprochant d’avoir mis ses ambitions personnelles et sa carrière au-dessus des intérêts de l’institution panafricaine.
L’ex-syndicaliste devenu homme d’affaires devra imprimer sa propre marque à la marche du parti
En tout état de cause, à l’étape actuelle, conquérir la tête de l’ANC est une chose, et réussir à accéder à la magistrature suprême du pays en est une autre, tant les choses ont aujourd’hui changé en Afrique du sud. Surtout après les dix ans de règne de Jacob Zuma, qui ont été un véritable gâchis pour le parti et pour le pays. Et il y a fort à parier que si l’ANC ne change pas son fusil d’épaule, il risque de se faire tailler des croupières par d’autres partis émergents lors des prochaines consultations électorales. Car, le mécontentement est grand non seulement au sein de la population, mais aussi au sein des militants à la base. Le plus dur reste donc à venir. Ramaphosa sera-t-il l’homme de la situation ? L’on attend de voir. Mais quoi qu’il en soit, l’un des défis et pas des moindres auquel il risque de ne pas échapper, est celui de la lutte contre la corruption qui revient comme une ritournelle, dans une Afrique du sud fortement gangrenée par l’affairisme, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. L’ex-syndicaliste devenu homme d’affaires devra donc travailler à redorer le blason du parti, mais aussi à imprimer sa propre marque à la marche du parti par une gouvernance vertueuse. C’est en cela que l’héritage de Nelson Mandela s’avère des plus lourds à porter.
« Le Pays »