SUPPRESSION DE L’AIDE AMERICAINE AU NIGER : Un mal pour un bien
Le 10 octobre 2023, soit plus de deux mois après les évènements, les Etats-Unis d’Amérique ont qualifié la prise de pouvoir par les militaires à Niamey, de coup d’Etat. Cette annonce, selon un haut responsable américain, intervient après que les USA ont « épuisé toutes les voies disponibles pour préserver l’ordre constitutionnel au Niger ». Et comme il fallait s’y attendre, cette mesure prise par le gouvernement de Joe Biden, n’est pas sans conséquences. En effet, consécutivement à cette posture américaine, le pays de l’Oncle Sam suspend son aide au développement au pays du général Tchiani que l’on accuse d’avoir déposé et détenu le président élu Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023, à l’exception de l’aide humanitaire. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette nouvelle mesure de rétorsion économique à l’encontre du Niger, constitue de grosses tuiles sur le béret de l’homme fort de Niamey. En effet, les montants en jeu sont évalués à 442 millions de dollars. Pour un « pays pauvre très endetté » comme le Niger, pour reprendre l’expression en vogue il y a une décennie, cela va sans aucun doute avoir d’importantes conséquences sur le tissu socio-économique du pays.
La décision américaine vient isoler davantage diplomatiquement le Niger
Des soubresauts politiques suite aux inévitables difficultés économiques, ne sont même pas à exclure. Car, comme le dit l’adage anglais, « a hungry man is an angry man » (un homme qui a faim est un homme en colère). Cette éventualité est d’autant plus forte que la mesure de suspension de l’aide américaine intervient après celle de l’Union européenne (UE) et surtout après l’embargo économique des pays frères de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Au-delà des implications d’ordre social et économique, la décision américaine vient isoler davantage diplomatiquement le Niger. Néanmoins, la suspension de l’aide économique américaine au Niger, ne remet pas, pour l’instant, en cause, la coopération militaire. Même si Washington avait annoncé au lendemain du coup d’Etat, le repositionnement de ses troupes présentes sur le territoire nigérien par précaution, un millier de boys devrait encore demeurer dans le pays. Le Pentagone garde aussi une base majeure de drones près de la ville d’Agadez. Cela dit, ce qui apparait comme un malheur pour les autorités nigériennes, constitue une occasion en or pour donner un contenu à la souveraineté du pays dont se montrent très jalouses les populations nigériennes. D’ailleurs, il n’est un secret pour personne que l’aide internationale n’a jamais véritablement développé un pays et finit par installer dans la mentalité des populations, une logique d’assistanat permanent qui annihile tout effort de progrès économique et social. Et en la matière, le Niger peut bénéficier de l’expérience de son voisin malien qui a fait preuve de résilience et d’un patriotisme économique sans faille quand le pays s’est vu imposer les mêmes sanctions économiques.
Tout départ est une nouvelle opportunité pour les nouveaux arrivants
L’une des voies la mieux tracée pour développer une économie résiliente, est la promotion de la bonne gouvernance pour assainir la gestion des finances publiques pour que chaque centime dépensé aille dans le sens du bien-être des populations. On le sait, en effet, c’est moins la rareté des ressources dans les pays pauvres qui compromet les efforts de développement, que la gestion efficiente des deniers publics. L’autre voie de la résilience de l’économie nigérienne, c’est l’ouverture vers de nouveaux partenaires économiques comme la Chine, la Russie ou l’Iran qui ne posent pas de conditionnalités pour nouer des échanges économiques mutuellement avantageux avec les pays du Sahel. C’est d’ailleurs en cela que la suspension de l’aide américaine au Niger est un couteau à double tranchant. En effet, au moment où les pays africains font l’objet de toutes les convoitises de nouveaux concurrents, en raison de la richesse supposée ou avérée du continent, tout départ est une nouvelle opportunité pour les nouveaux arrivants. Il appartient donc au Niger de jouer à fond l’arme de la séduction pour faire pâlir de jalousie tous les anciens alliés qui le fuient aujourd’hui comme un pestiféré. Et en la matière, il a des atouts dont le plus connu est sa richesse en uranium très convoité pour les besoins énergétiques des grandes puissances. C’est pour toutes ces raisons donc que l’on peut penser que la suspension de l’aide américaine est un mal qui vaut un bien. Ceci étant, s’il y a bien un pays que la suspension de l’aide américaine au Niger, réjouit, c’est bien la France d’Emmanuel Macron qui trouve là un allié de taille dans sa croisade contre le régime militaire de Niamey. Toutefois, l’on peut douter de la volonté américaine de faire dans la même intransigeance française. Car les USA pourraient bien se retrouver dans la même posture que l’Hexagone, c’est-à-dire voir leurs troupes poussées vers la sortie. C’est, en tout cas, l’un des risques encourus par les USA après leur décision qui a sans doute été difficile à prendre en raison de la configuration actuelle dans les pays du Sahel. Mais pouvait-il en être autrement quand on sait qu’aux Etats-Unis, aux termes de la loi, la désignation d’une prise de pouvoir comme coup d’Etat, signe la fin de l’aide apportée au pays ? Et tout cela dans un contexte de pré-campagne électorale.
« Le Pays »