HomeA la uneSUSPENSION DE L’EXTRADITION DU FRERE CADET DE BLAISE COMPAORE

SUSPENSION DE L’EXTRADITION DU FRERE CADET DE BLAISE COMPAORE


Le temps de la Justice n’est décidément pas celui de…l’opinion publique burkinabè qui s’attendait à ce que François Compaoré revienne au Burkina Faso comme il l’avait quitté, en catimini et contre son gré. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a, en effet, suspendu son extradition ordonnée par le Conseil d’Etat français, en application de l’article 39 de son règlement et au regard de l’infraction visée par la demande d’extradition qui, au Burkina Faso, est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à plusieurs années de réclusion. Cette décision à effet suspensif a été prise afin d’éviter que l’Hexagone ne remette immédiatement le frère cadet de l’ancien président du Burkina aux autorités judiciaires de son pays, bien que la législation française lui offre un degré de recours supplémentaire. La juridiction strasbourgeoise veut donc se donner du temps pour examiner à la loupe les risques de torture et de mauvais traitements allégués par les avocats du requérant, avant de valider ou d’annuler le décret  pris par Paris le 21 février 2020 ouvrant la voie à son retour forcé au pays. En attendant, François Compaoré pourra continuer à boire son petit lait ou se goberger à la vodka dans sa résidence parisienne en compagnie de ses avocats, en espérant qu’à terme, la procédure toujours en cours sera abandonnée. Pourtant, rien n’est moins sûr, même si ses avocats, toujours forts en gueule, continuent de pointer du doigt l’impéritie absolue de la Justice burkinabè, en soutenant leur plaidoirie par des arguments ridiculement enfantins qui font croire que l’extradition de leur client l’exposerait à une mort certaine en cellule, des suites de traitements inhumains et dégradants.

 

Cette affaire finira par être jugée, tôt ou tard

 

C’est l’hôpital qui se moque de la charité, quand on sait que les dures réalités carcérales que François Compaoré dénonce  et  cherche à éviter à tout prix sont, cruel revers du destin, celles qui ont été créées par le régime de son frère qui a dirigé le Burkina 27 ans durant en s’appuyant sur la force des uns et en profitant de la peur des autres. Il est donc fort probable que les juges européens prennent, le moment venu, une certaine distance vis-à-vis des arguties de l’un de ses  avocats, François Henri Briard, qui  a fait devant la presse, un usage surabondant de superlatifs vendredi dernier pour saluer le courage et la clairvoyance des membres de la Cour européenne, en affichant un sourire un peu goguenard, un peu adolescent. Mais rira bien qui rira le dernier, et le moins qu’on puisse dire, c’est que les soutiens de François Compaoré qui jubilent et félicitent les juges européens pour être restés attachés de manière littéraliste au droit en pensant que leur champion s’est tiré d’affaire, manquent de retenue s’ils ne sont pas tout simplement orphelins de patience et de bon sens. Car, comme l’a précisé la Cour, cette suspension n’est nullement un prélude à l’annulation du décret d’extradition, comme pour dire au « petit président » et à ses partisans que « quand on ne connait pas la direction du vent, il ne faut pas jouer avec la poudre de piment ». François Compaoré le sait, et le seul combat qu’il va mener est celui qui retardera au maximum la terrible échéance, notamment le face-à-face fatidique avec le juge d’instruction burkinabè qui décidera de l’inculper ou de le blanchir, en tout cas, de le fixer sur son sort dans cette saga judiciaire qui a commencé dès le lendemain de l’assassinat de Norbert Zongo et ses compagnons en 1998, par des individus encagoulés et postés en rase campagne. Et si l’objectif est de gagner du temps dans l’espoir que d’éventuels témoins gênants du crime disparaissent ou qu’un membre de sa famille biologique ou politique arrive au pouvoir pour enterrer de nouveau l’affaire, cette dernière finira par être jugée, tôt ou tard, même si ce sera devant la justice immanente qui, elle, est impartiale et infaillible.

 

Hamadou GADIAGA


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