TIRAILLEMENTS ENTRE LES OSC ET LES PARTIS POLITIQUES AUTOUR DES MARTYRS : La danse des charognards

La victoire, dit-on, a plusieurs pères, tandis que la défaite est orpheline. Cet adage bien connu, pourrait parfaitement illustrer le contexte burkinabè, au lendemain des événements qui ont entraîné la chute et la fuite de Blaise Compaoré du pouvoir.

En effet, le mardi 2 décembre 2014, le peuple burkinabè a rendu hommage aux martyrs de la révolution des 30 et 31 octobre derniers. S’il faut saluer la forte mobilisation des populations qui sont sorties massivement pour accompagner une demi-douzaine de ces martyrs, il faut noter qu’à l’occasion, des organisations de la société civile (OSC) ont failli en venir aux mains, pour avoir plus de visibilité dans le cortège funèbre de ces martyrs. C’est bien là un triste et indigne spectacle auquel ces OSC se sont livrées, car ni le cadre, ni les circonstances n’étaient appropriés. Ces tiraillements, qui ont mis plus d’une personne mal à l’aise, n’honorent personne, car la solennité de l’heure recommandait que cette cérémonie ne souffrît d’aucune avarie. L’essentiel étant que les choses se passent bien, et qu’un hommage vibrant soit rendu à ces martyrs, afin que leurs familles sentent toute la solidarité et la reconnaissance du peuple burkinabè, pour se convaincre que leurs proches ne sont pas morts pour rien. C’est pourquoi cette cérémonie était incompatible avec toute querelle, quelle qu’en soit l’ampleur, surtout avec des cadavres que l’on accompagnait à leur dernière demeure.

Il n’y a pas lieu de s’adonner à une quelconque guerre d’ego

Ces genres de fausses notes sont à éviter à l’avenir, même si l’on comprend que dans les circonstances actuelles,  chacun veut une place au soleil dans ce Burkina nouveau auquel la majorité des Burkinabè aspirent. Car chacun, légitimement, veut entrer dans l’histoire du bon côté. Mais il faudrait tout de même savoir raison garder, surtout en ces moments aussi douloureux, qui rappellent le lourd tribut payé par la nation dans son combat pour plus de démocratie et de liberté. On n’a pas besoin de savoir à quel parti politique  ou à quelle OSC appartenaient nos martyrs. On sait seulement qu’ils sont morts pour une cause noble.

Et la victoire sur Blaise Compaoré ne saurait être la victoire d’une seule personne, d’un seul parti ou d’une seule organisation de la société civile. C’est la conjugaison des efforts des uns et des autres qui a conduit à ce résultat inattendu. Il n’y a donc pas lieu de s’adonner à une quelconque guerre d’ego, de quelque nature que ce soit, à moins de vouloir se livrer à une danse de charognards autour de la dépouille de nos martyrs, en vue d’en tirer profit pour les échéances futures.

Car, bien avant cette altercation entre ces OSC, certains partis politiques aussi s’étaient adonné, il y a de cela quelques jours, presqu’à la même scène, autour des mêmes martyrs.

En l’occurrence, lorsqu’il s’est agi pour le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) de faire en interne le bilan de sa participation à cette manif, l’évocation du nombre de ses militants qui auraient payé de leur vie, n’a pas été du goût de tous, et pour cause. Ce parti a tout de suite été soupçonné de vouloir tirer la couverture à lui, pour s’arroger le beau rôle et s’attribuer la paternité de la victoire sur Blaise Compaoré. Il n’en fallait pas plus pour provoquer une levée de boucliers de la part des militants d’autres partis.  Mais, que cette déclaration ait été faite avec ou sans arrière-pensées, elle traduit une maladresse certaine dans le contexte actuel.

Cette victoire appartient à tout le monde

Cela dit, il ne fait aucun doute que maintenant que l’adversaire commun, Blaise Compaoré, a été écarté, la porte est grandement ouverte pour le chacun pour soi. Et les semaines et mois à venir seront déterminants, en termes d’alliances de toutes natures pour la conquête du palais de Kosyam.

Mais, ces responsables de partis et d’OSC devraient savoir faire preuve de maturité et éviter de se donner en spectacle déshonorant à la face du monde, au risque de multiplier les ombres du tableau de la révolution. Ils pourraient même entamer  le capital de sympathie dont ils bénéficient depuis le soulèvement populaire de fin octobre.

En tout état de cause, ces querelles sont inutiles, inopportunes et inappropriées,  parce que le peuple, qui sait observer, connaît la part de l’engagement de chacun dans cette lutte. Il sait apprécier la contribution de chacun à sa juste valeur. Du reste, quelle importance pour la majorité silencieuse ayant pris part aux manifs, qui n’appartient à aucun parti politique ni à aucune organisation de la société civile, de savoir à quelle chapelle appartenait tel ou tel martyr ?

Il n’y a donc pas lieu de se livrer à cette bataille de visibilité  car, assurément, cette victoire appartient à tout le monde, même si le plus dur reste à venir.

« Le Pays »