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TRANSITION AU MALI


Le médiateur de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, Goodluck Jonathan, a repris du service après l’installation des nouvelles autorités de la Transition à Bamako. L’objectif de la délégation qu’il conduit est de s’assurer que les élections prévues dans environ 9 mois, se tiendront effectivement à bonne date et de faire la pression sur le duo Assimi Goita-Choguel Maiga pour que le nouveau gouvernement en gestation soit le plus inclusif possible. Sur ces deux préoccupations qui tiennent à cœur à l’institution ouest-africaine, des garanties ont été données aux missi dominici de la sous-région.  En effet, le colonel Assimi Goita, après avoir promis de respecter les délais impartis pour le scrutin lors de son discours d’investiture, a, à nouveau, réaffirmé devant la délégation sous-régionale,  son engagement à tenir le pari. De son côté, le tout nouveau Premier ministre, Choguel Maiga, après avoir affirmé lors de la manifestation du M5 à l’occasion de l’anniversaire de sa création, que le Mali tiendrait ses engagements internationaux, aurait entrepris des consultations allant dans le sens des souhaits de la CEDEAO pour la formation du nouvel exécutif malien.

 

On ne peut pas donner aux officiers maliens, le bon Dieu sans confession

 

 

 La question que l’on peut cependant se poser après le satisfecit qu’affichent les émissaires après les premières rencontres au sommet de l’Etat malien est la suivante : peut-on croire sur parole les militaires ? La question est loin d’être saugrenue car il y a moins d’une semaine, l’entourage du Chef de l’Etat bruissait de l’impossibilité de tenir les 9 mois  pour l’organisation des élections. C’est, en tout cas, en substance ce que laissait entendre un proche conseiller du président de la Transition. Et cette déclaration vient corroborer l’attitude de la soldatesque malienne qui laissait déjà planer le doute sur la tenue à bonne date du scrutin au motif qu’il faudrait tenir compte des aléas, même si lesdits aléas n’étaient pas clairement identifiés. Tout ceci indique très clairement que l’on ne peut pas donner aux officiers maliens, le bon Dieu sans confession, mais la communauté internationale veille au grain en maintenant la pression pour les dissuader d’un éventuel retournement de kaki. L’avalanche des sanctions prises par la CEDEAO qui a suspendu le Mali de ses instances, par l’Union Africaine (UA) qui, en plus de la suspension de ses instances, n’exclut pas des sanctions ciblées, par la France qui a suspendu les patrouilles conjointes avec les Forces armées maliennes (FAMA) et enfin par les Etats-Unis qui ont suspendu leur coopération militaire, participe de cette ambition. L’on comprend alors l’importance de la mission du médiateur de la CEDEAO qui apparait comme l’œil de cette communauté internationale et qui, effarouchée par le second putsch des Boys de Kati, n’entend pas se faire raconter des balivernes. Cela dit, l’on peut se demander si la CEDEAO est encore crédible aux yeux des populations maliennes dans le processus politique en cours au Mali et si elle n’envoie même pas des signaux contraires aux nouvelles autorités de la Transition. En effet, l’on ne comprend pas pourquoi après avoir suspendu le pays de ses instances, elle se réserve le droit d’interférer dans ses affaires internes en apportant les exigences qui sont aujourd’hui les siennes.

 

Il importe que Goodluck Jonathan quitte les rives du Djoliba avec une claire idée de la marche qui conduit aux élections

 

 

Pire, l’on peut même accuser l’organisation sous-régionale de manquer de constance dans le dossier malien. En effet, après avoir exigé une transition dirigée par des civils après le coup d’Etat d’août dernier, elle n’en est plus qu’à demander un gouvernement inclusif. On  décèle là un net recul de la CEDEAO par rapport à ses premières exigences et même par rapport à ses propres principes. Mais l’on peut comprendre cette attitude de l’organisation ouest-africaine qui a voulu faire preuve de real politik et surtout éviter d’asphyxier économiquement une population qui souffre déjà énormément de la crise sécuritaire. Il était aussi difficile, pour les dirigeants ouest-africains, de se détourner du Mali qui est lié de façon ombilicale  à l’insécurité galopante dans toute la région. La CEDEAO marche donc sur des œufs et doit faire preuve de beaucoup de tact. Mais les conséquences de cet équilibrisme sont déjà nettement visibles. Dans de nombreux pays par exemple, les internautes ne se cachent plus pour appeler les militaires à s’emparer du pouvoir devant l’incompétence des pouvoirs civils à gérer efficacement la crise sécuritaire. Il faut donc craindre que le cadeau fait par l’organisation sous régionale à Assimi Goita en le préservant de vraies sanctions, ne crée un grave précédent qui gangrènerait tout l’espace communautaire avec de graves conséquences pour la démocratie et les libertés individuelles et collectives qui vont avec. Mais là n’est plus véritablement le débat. « L’eau versée, dit-on, ne se ramasse pas ». Ce qui importe aujourd’hui est que Goodluck Jonathan quitte les rives du Djoliba, pas seulement avec un chapelet de promesses, mais aussi avec une claire idée de la marche qui conduit aux élections qui remettront le Mali sur les rails de l’Etat de droit. Cela peut sembler prématuré mais il ne faut pas donner le temps aux politiques maliens souvent attachés à leurs seuls intérêts, d’échafauder des stratagèmes pour faire perdurer l’exception malienne. Et c’est véritablement là, la délicate tâche à laquelle doit s’atteler la CEDEAO dans les jours à venir  et l’ex-président nigérian, le moins que l’on puisse dire, a le profil de l’emploi. Il reste à savoir s’il dispose de tous les moyens pour mettre à nu toutes les stratégies de camouflage du treillis malien.

 

« Le Pays »       


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