HomeA la uneVEILLEE D’ARMES A KINSHASA : Quand Kabila prépare le bûcher pour son peuple  

VEILLEE D’ARMES A KINSHASA : Quand Kabila prépare le bûcher pour son peuple  


 

En République démocratique du Congo, la polémique enfle de plus belle, suite aux propos tenus, le week-end dernier,  par le secrétaire général du parti au pouvoir, à l’occasion d’une manifestation de soutien au chef de l’Etat, et relatifs à l’organisation éventuelle d’un référendum pour réviser la Constitution au profit de Joseph Kabila, candidat  à un troisième mandat présidentiel. Il n’en fallait pas plus pour faire réagir les leaders de l’opposition, piqués au vif par une telle déclaration. Morceaux choisis : « Nous restons vigilants et nous disons que si jamais il n’y a pas d’élection, la Constitution doit quand même être respectée, donc le mandat de Kabila doit prendre fin et il va s’ouvrir une période de transition que la classe politique va organiser sans Kabila ». Ainsi s’exprimait Félix Tshisékédi, secrétaire général de l’UDPS, parti membre du G7, une coalition de partis politiques d’opposition contre un troisième mandat de Joseph Kabila.  De son côté, le gouvernement n’exclut pas la possibilité d’un référendum, et le ministre de la Communication a clairement indiqué qu’«il faut que les gens cessent de croire qu’on peut nous limiter dans notre liberté ».

Les semaines et mois à venir sont potentiellement porteurs de dangers

Le décor est donc planté, et si ce n’est une veillée d’armes du côté de Kinshasa, cela y ressemble fort. Tout cela, à cause d’une seule personne : Joseph Kabila, arrivé au pouvoir par effraction et par les liens du sang quelques jours après l’assassinat de son président de père  en 2001, et qui se refuse à jouer le jeu démocratique comme le recommande la Constitution, après quinze ans de règne dont deux mandats consécutifs à la tête de l’Etat. Si fait que les semaines et mois à venir sont potentiellement porteurs de dangers, si la sagesse ne prévaut pas d’ici là dans le cœur des Congolais. En tout cas, il est de plus en plus manifeste que Kabila ne veut pas quitter le pouvoir au terme de son deuxième mandat constitutionnel et qu’il fait des pieds et des mains pour y rester ; quitte à brûler son pays s’il le faut, compte tenu des propos va-t-en-guerre que tiennent les opposants et partisans à son troisième mandat, qui semblent pourtant le laisser de marbre. Pire, l’on a même l’impression que c’est lui-même qui est à la manœuvre,  préparant ainsi le bûcher pour son peuple. Et cela pour plusieurs raisons : D’abord, à travers la répression insidieuse qui s’abat sur les opposants, comme ce fut le cas de Moïse Katumbi.  Ensuite, au regard de la récente décision de la Cour constitutionnelle l’autorisant à rester au pouvoir après la fin de son deuxième mandat, jusqu’à l’installation du nouveau président. Autant dire, en attendant Godot.   Enfin, à travers des sorties fracassantes comme celle de Henri Mova. Pour le président congolais et ses partisans, s’il doit y avoir un successeur à Joseph Kabila, ce sera Joseph Kabila et personne d’autre. Comme si le sort du pays était lié au sien. Et à voir la mobilisation dans ses rangs, l’on en vient à se demander comment ce jeune président a-t-il pu embarquer tout ce beau monde dans son funeste projet, au point qu’ils ne puissent plus s’en défaire. La réponse la plus probante est qu’il a certainement réussi à mouiller la barbe à tous, si fait que leur soutien semble tenir plus du souci de préserver leurs intérêts égoïstes que de celui de travailler à un meilleur ancrage de la démocratie dans leur pays. On l’a vu aussi sous d’autres cieux dans les républiques bananières, où seule primait la politique du ventre et du bas-ventre. Et en la matière, le Congo est en train de s’encrasser dans les contre-valeurs de la démocratie, en renouant avec le culte de la personnalité voire la personnification du pouvoir, pour un président que d’aucuns accusent même de parricide. C’est dans ce cadre que l’on pourrait ranger la célébration de l’anniversaire du « Raïs Congolais », vécue comme un événement par ses partisans, mais qui s’avère aussi anachronique qu’indécente dans le contexte actuel. En tout cas, cette mobilisation ne veut absolument rien dire. Car, quand on est au pouvoir, on a tous les moyens de remplir les stades recto-verso, pour des manifestations de soutien au prince régnant. Le pouvoir congolais ne doit pas se faire d’illusions. On l’a vu au Burkina Faso. Aussi  le pouvoir serait-il mal inspiré de croire que tout ce beau monde est acquis à la cause du président Kabila. C’est une mobilisation factice qui donne l’illusion d’une popularité certaine au chef de l’Etat. A moins que ce petit président, à la tête de ce grand pays, ne veuille se chatouiller pour rire.

Le sens civique et l’esprit patriotique sont ce qui manque le plus au sein de la classe politique congolaise

Cela dit, quand on regarde dans les rangs des opposants, l’on a des doutes quant à leurs capacités à changer le cours de l’histoire de leur pays. Car, les ego sont si nombreux et si surdimensionnés que l’on se demande si les opposants sauront véritablement faire bloc pour faire barrage aux velléités de confiscation du pouvoir par Kabila fils . Rien n’est moins sûr. D’autant que, pour la plupart, ces opposants ont, d’une façon ou d’une autre, tous contribué à aider Kabila à asseoir sa dictature au cours de sa décennie de pouvoir. Et l’on ne sait pas si l’on peut vraiment compter sur le vieux Etienne Tshisékédi dont la cohérence de la démarche politique manque quelquefois de lisibilité. Tant le personnage semble plus regarder dans le rétroviseur que vers l’avenir, avec des prises de position parfois aux antipodes de celles de ses camarades de lutte. Si fait que l’on n’est pas loin de penser que le sens civique et l’esprit patriotique sont ce qui manque le plus au sein de la classe politique congolaise actuelle, où la préoccupation majeure semble le manger et le boire, pour ensuite aller danser à la gloire du seigneur Kabila. En tout cas, ce pays ne cessera jamais de surprendre. Aussi peut-on se demander si les Congolais ont réellement le souci de la démocratie et de la paix. En tout état de cause,  l’on s’achemine lentement mais sûrement vers un bras de fer dont personne ne peut prévoir l’issue. D’autant que pour avoir vu par exemple son voisin de l’autre côté du fleuve contourner des dispositions constitutionnelles  de son pays, Joseph Kabila semble sûr de son coup.

 « Le Pays »


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