VIOLENCES DANS L’ARRONDISSEMENT 8 DE OUAGADOUGOU : Les populations encore sous le choc, Zèph en colère
L’arrondissement 8 de Ouagadougou était en proie à une vive tension dans la soirée du 6 décembre dernier. Des domiciles et biens privés de certains conseillers dudit arrondissement ont été saccagés puis incendiés, en réponse à la motion de défiance votée par le conseil municipal de l’arrondissement 8 qui a acté l’éviction du maire Mahamadi Zongo de son fauteuil. Nous avons fait le constat des dégâts enregistrés, le 7 décembre 2016.
Nonghin, dans l’arrondissement 8 de Ouagadougou. Il est 10h lorsque nous empruntons le six-mètre dans lequel habite Stéphane Bayala, élu de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) de cet arrondissement dont le domicile a été saccagé. Devant la porte, plusieurs personnes, des hommes majoritairement, sont assises. L’ambiance est mortifère. Le portail, de couleur noire, porte les stigmates du passage des vandales, tout comme les arbres et fleurs qui, au lieu d’embellir la devanture de la demeure, trônent à terre. Dans la cour, une moitié de matelas épargnés par les flammes, repose sur ce qui reste d’un sommier de lit calciné. Les vitres des fenêtres et des portes, brisées, jonchent le sol. Pour accéder au salon, il faut passer par une porte caillassée, tandis que les débris de verre et des pots de fleur crissent sous les pas. On trouve alors une pièce sens dessus-dessous, tout comme dans la cuisine jouxtant le salon. Là, des restes de repas sont encore sur le gaz. Seule la porte de la cuisine témoigne aisément de la barbarie des visiteurs du jour. Si ces 2 pièces n’ont pas été incendiées, ce n’est pas le cas des 3 chambres de la maison, surtout celle principale. Dans cette dernière, une odeur âcre flotte tandis que les cendres et quelques affaires qui n’ont pas été totalement consumées par le feu, recouvrent le sol.
« J’ai vu arriver les auteurs du triste spectacle que vous voyez », nous confie Ilias Tiendrébeogo, un voisin de Stéphane Bayala. Selon ses dires, c’est aux alentours de 14h, le 6 décembre dernier, que des jeunes, à moto, sont arrivés. «Nous étions assis sous un arbre lorsqu’ils sont arrivés. Une trentaine environ. Ils étaient armés de machettes et de pioches et proféraient des menaces à notre encontre », a-t-il dit.
Selon Ilias Tiendrébeogo, c’est après avoir entendu des coups de feu que ses amis et lui se sont dispersés, laissant les visiteurs du jour accomplir leur basse besogne.
Pendant que nous discutons avec lui, Zéphirin Diabré, président de l’UPC, accompagné d’élus dudit parti, fait son entrée. Il est 10h 22mn. Avec le maître des lieux, il fait le constat des dégâts.
Cela est arrivé, a dit Stéphane Bayala, suite à une gestion non saine du maire Mahamadi Zongo.
«Beaucoup de conseillers dont certains du MPP se sont trouvés mal à l’aise dans sa gestion. Il y a donc une motion de défiance qui a été rédigée. Cette motion donne droit à un vote. Après le vote, le maire s’est retrouvé avec 3 voix contre 9, donc déchu.
«Nous avons appelé le 17 … ; sans réaction »
Après le vote, nous avons été menacés sur place. Nous sommes allés au niveau de la caserne des sapeurs-pompiers où des éléments nous ont conduits ensuite au niveau de la gendarmerie. De là-bas, on a appris que les mouvements se dirigeaient vers nos familles. Donc pour informer la police, nous avons appelé le 17 et on a signalé. On nous a fait attendre plus de 30 minutes sans réaction. Et le résultat est ce que vous avez constaté », a expliqué Stéphane Bayala. A la question de savoir le problème de fond qui les oppose au désormais ex-maire de l’arrondissement 8, il a fait savoir que tout est expliqué dans la motion de défiance qui a été rédigée et qui sera incessamment publiée.
Non loin du domicile de Stéphane Bayala, l’auberge « Les caïmans » a également été saccagée et incendiée. Elle est la propriété de Kassoum Simporé, conseiller municipal du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) de l’arrondissement 8 de Ouagadougou. A notre arrivée sur les lieux peu avant 11 h, la police nationale gardait l’édifice, tandis que des éléments de la police scientifique étaient à l’œuvre à l’intérieur de l’auberge. La grande porte d’entrée de l’établissement portait des traces de machettes et l’emblème, une représentation de 2 caïmans, est noircie par les flammes. Nous n’aurons pas l’autorisation d’aller plus loin. Le propriétaire des lieux que nous avons approché plusieurs fois, a dit ne pas être disposé à s’entretenir avec les Hommes de médias pour le moment. « Je vous recontacterai en temps opportun », a-t-il assuré, lorsque nous prenions congé de lui peu avant 12h. Quant au maire déchu, nos tentatives de rentrer en contact avec lui sont restées vaines.
Thierry Sami SOU
Zéphirin Diabré, président de l’UPC
« J’interpelle les principaux responsables du MPP pour qu’ils éduquent leurs militants… »
« Nous sommes animés par des sentiments de colère. Non pas parce qu’il est membre de l’UPC, mais parce que c’est un citoyen qui a été agressé lâchement par des individus mal intentionnés, pour des raisons qui ont trait à son engagement politique. Au-delà de son appartenance à l’UPC, c’est quelque chose que l’on ne peut pas accepter, encore moins tolérer. C’est un élu du peuple, il a donc la liberté de se comporter au sein du conseil municipal selon ses convictions. Il n’est pas normal que les débats qui ont lieu à ce niveau se traduisent par des actes de sauvagerie de cette nature.
Nous sommes en colère contre ceux qui ont perpétré l’acte. Nous sommes également en colère contre les autorités de notre pays.
Il m’a été donné d’entendre que des signaux ont été envoyés aux forces de défense et de sécurité, longtemps à l’avance. Mais leur réaction n’a pas été à la hauteur de la menace. Cela nous pose un problème. Lorsque des citoyens font appel à la force publique parce qu’il y a un danger qui plane sur eux, il faut que les dispositions idoines soient prises automatiquement. Notre parti va protester avec la plus grande énergie, non seulement auprès du gouvernement, mais aussi auprès du président du Faso que je vais demander à rencontrer dès son retour de Paris.
On ne peut pas accepter ce genre de choses. Le Burkina n’est pas un pays de sauvagerie où des militants politiques mal éduqués par leurs responsables sans conviction politique, doivent se livrer à ce genre de choses.
J’interpelle les principaux responsables du MPP pour qu’ils éduquent leurs militants et les contrôlent, afin que ce genre de choses n’arrive plus ».
Propos recueillis par T.S.