VOTE DE LA LOI ANTICORRUPTION : Quand la transition s’attaque au cancer du Burkina
Le Conseil national de la transition (CNT) a adopté, le 3 mars 2015, une loi portant prévention et répression de la corruption au Burkina, avec 81 voix pour et une abstention, sur les 82 votants présents. Le moins que l’on puisse dire c’est que par cet acte, la transition vient d’exprimer en des termes explicites et forts, sa volonté de s’attaquer au cancer du Burkina que représente la corruption. Et il s’en est donné les moyens législatifs de le faire. De ce point de vue, l’on peut rendre un hommage mérité au Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) qui a élaboré le projet de loi ainsi qu’aux membres du CNT qui l’ont adopté.
La corruption était un instrument de gouvernance et de chantage politique
Cette loi est d’autant plus à saluer qu’elle prend en compte toutes les facettes de la corruption et intègre le délit d’apparence qui avait été suggéré par le Pr Laurent Bado, on se rappelle, mais rejeté du revers de la main par l’Assemblée nationale à l’époque de Blaise Compaoré. C’est donc un acte hautement révolutionnaire et de courage politique que la transition vient de poser au pays des hommes intègres et ce, 4 mois après son avènement. En effet, c’est la première fois, dans l’histoire politique de la Haute-Volta et du Burkina Faso, qu’une structure comme l’Assemblée nationale met en place un tel arsenal juridique contre le phénomène de la corruption. Certes, des institutions dédiées à la lutte contre la corruption ont été créées, mais elles s’apparentaient beaucoup plus à des gadgets destinés à la consommation extérieure, notamment celle des bailleurs de fonds et autres partenaires techniques et financiers, qu’à une volonté politique de lutter véritablement contre la corruption. Le cas de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE), mis en place par le pouvoir de Blaise Compaoré, peut être invoqué pour étayer ce point de vue. Cette institution de lutte contre la corruption, créée en grande pompe, l’on se rappelle, servait beaucoup plus les intérêts du régime Compaoré. Et ce dernier en avait fait, dans la pratique, un instrument politique efficace pour tenir en laisse tous ceux qui avaient des mains sales et qui, de ce fait, étaient de sérieux clients de l’ASCE. Et ils étaient nombreux, les Burkinabè de ce profil sous le règne de Blaise Compaoré. En leur sein, personne n’osait évoquer, même en privé, les dérapages du régime, de peur de subir des représailles de sa part via l’ASCE. En réalité, si Blaise Compaoré et son clan ont pu régner pendant 27 ans tranquillement sur le Burkina, c’est grâce, peut-on dire, à la corruption. L’on mangeait en toute impunité et ensuite, on la bouclait.
C’était « le mange et tais-toi ». Et l’enfant terrible de Ziniaré en était conscient. C’est pourquoi tout le monde savait que la lutte contre la corruption était une vaste comédie. Dans les faits, la corruption était un auxiliaire, un instrument de gouvernance et de chantage politique dont l’objectif ultime était de pérenniser le pouvoir de Blaise Compaoré. Et cet objectif a été largement atteint, à telle enseigne que tous ceux qui se démenaient de manière isolée contre le phénomène, étaient perçus comme des marginaux voire des fous qui essayaient de perturber le banquet offert sans frais aux Burkinabè. En s’attaquant donc à la corruption, le CNT vient de s’attaquer enfin au fondement du système Compaoré. Et ce fondement s’apparente à un cancer, puisqu’il a gangréné toutes les cellules du corps social du pays.
Un travail pédagogique doit être engagé en direction des populations
C’est pourquoi il serait illusoire de croire que le simple fait d’avoir légiféré sur la question, peut suffire à lui apporter une réponse appropriée. Il faudrait, en sus, faire suivre la loi votée, de mesures règlementaires et de textes largement diffusés dans toutes les langues du pays, susceptibles de soustraire les usagers de l’administration, des griffes de tous ceux qui n’ont pas intérêt à voir mourir cette poule aux œufs d’or qu’est la corruption.
Dans le même registre, le gouvernement de la transition devrait travailler à l’émergence d’une culture citoyenne de dénonciation de tous les cas de corruption. Et cela doit prendre en compte aussi bien les corrompus que les corrupteurs. Car, sans ces derniers, les corrompus n’existeraient pas. Tout un travail pédagogique doit être engagé en direction des populations, et tous les cas de corruption, quels que soient leurs auteurs, doivent être réprimés pour donner l’exemple, si tel est le souci de la transition de soigner comme il le faut le cancer qu’est la corruption.
Les petits poissons comme les requins doivent sentir que les choses ont fondamentalement changé.
C’est à ce prix que l’on peut porter un coup dur au système Compaoré et que l’on fera réfléchir par deux fois, tous ceux qui revendiquent ouvertement son héritage, et qui sont en train d’écumer aujourd’hui le terrain politique. Cela dit, le CNT doit se rendre à l’évidence que c’est maintenant qu’il doit s’attendre à faire face à des adversaire multiformes. A l’intérieur du pays, il se trouvera des gens pour crier à une chasse aux sorcières, à la première traduction de cette loi dans les actes. Et à l’extérieur du pays, une vaste coalition pourrait se mettre en place pour répercuter les cris d’orfraie de l’intérieur, parce que cette loi, qui est unique en Afrique, pourrait faire des émules. Les princes qui gouvernent les républiques bananières feraient tout pour faire échouer l’expérience du Burkina. Mais les autorités de la transition, tout en étant vigilantes, ne doivent pas avoir peur. Car leur combat contre la corruption, s’il est réel, sera soutenu au-delà du peuple burkinabè, par l’ensemble de tous les peuples d’Afrique et d’ailleurs.
Pour tous les sans-voix à qui la corruption a fait beaucoup de mal, plus qu’une nécessité, la lutte contre la corruption est un devoir moral et politique.
« Le Pays »
Adama Diallo
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Félicitation au RENC_LAC, au CNT et à tous ceux qui ont milité pour l’aboutissement de cette loi. Cependant, il faut tout faire comme le dit le journaliste que la loi ne reste pas lettre morte. Pour ce faire, il faut procéder à son application aux cas les plus avérés. Il faudra aussi que la déclaration des biens soient systématique. Jusqu’à présent en dehors de la déclaration du contrôleur général, aucune autre déclaration de biens n’a été publiée!! Il ne faut pas que cette loi connaisse le même sort.
6 mars 2015Hema Sahouma
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Nous accueillons cette loi avec une très grande joie.Mais il faut une bonne application pour que les enfants du peuple que nous sommes,ne subissent plus les injustices caractérisées du régime Compaoré.
6 mars 2015