HomeFocusVOTE D’UNE LOI ELECTORALE CONTROVERSEE AU SENAT EN RDC : Kabila à l’école de Nkurunziza

VOTE D’UNE LOI ELECTORALE CONTROVERSEE AU SENAT EN RDC : Kabila à l’école de Nkurunziza


Sans surprise, le Sénat congolais, réuni hier 11 août, en session extraordinaire, a voté la loi controversée sur la répartition des sièges pour les élections locales et provinciales. Bien que les sénateurs de l’opposition aient boycotté la session, cette loi est passée comme un courrier à la poste car elle a été votée  par les 77 sénateurs du pouvoir sur 108 sénateurs au total. Le moins que l’on puisse dire est que ce projet de loi qui divise la classe politique congolaise connaît bien des péripéties.  Rejeté en 1re lecture par l’Assemblée nationale aux motifs qu’il a été bâclé en raison de son élaboration précipitée et de sa non-conformité à la Constitution, il avait été finalement adopté en procédure d’urgence et transmis au Sénat le même jour, qui, à son tour, l’avait rejeté pour incohérence. Pour les sénateurs, en effet, le projet n’avait pas de fondement constitutionnel en ce sens qu’il violait la Constitution qui donne à tout Congolais ayant l’âge requis pour voter, le droit de se faire enregistrer. C’est donc un retour à la charge que fait le pouvoir congolais, en convoquant à nouveau le Sénat autour du même projet.

Cette loi prépare les conditions de la modification constitutionnelle que Kabila a en ligne de mire 

Pourquoi cette fébrilité et cette persistance suspectes ? Pourrait-on se demander. Officiellement, pour le parti présidentiel, le Parti du peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD),  «il faut que cette loi soit promulguée pour que les élections soient effectivement couplées….. Voilà pourquoi nous voulons que la loi passe», comme le dit Ramazani Shadari, secrétaire général adjoint et porte-parole du parti. Mais on s’en doute, cette loi fait bien l’affaire du régime Kabila, car elle comporte volontairement des zones d’ombres que le pouvoir pourrait exploiter à son seul profit. Nonobstant le flou qu’elle entretient pour la répartition des sièges dans certaines circonscriptions électorales du pays, cette loi prépare les conditions de la modification constitutionnelle que Kabila a en ligne de mire. On comprend alors les cris d’orfraie de l’opposition qui dénonce un acte anticonstitutionnel. Mais elle n’aura désormais que ses yeux pour pleurer car la loi  a été votée, conformément à la volonté du prince régnant. Sans douter de la pertinence des réajustements techniques apportés au projet, il est certain, comme il est coutumier sous nos cieux, que le régime a préparé autrement cette session. Comme on le dit couramment, « beaucoup d’eau a coulé sous les ponts».  Les sénateurs ont certainement été « enfeuillés » et c’est pourquoi, comme c’est devenu récurrent dans nos républiques bananières, ils se sont livrés à un jeu de prestidigitation pour retourner leur veste. Cela est d’autant plus vrai que les sénateurs  acquis à la cause du pouvoir n’auront eu besoin de  contestations mais juste trente cinq minutes tout au plus pour voter la loi. Toute chose qui vient prouver une fois de plus qu’en Afrique, les convictions politiques et idéologiques n’ont que la durée de vie des éphémères. Ce passage en force vient surtout confirmer la nature dictatoriale du régime Kabila. En Afrique, quand le roi veut, Dieu veut. Aucun  obstacle n’est rédhibitoire pour le prince régnant, très souvent encouragé dans les dérives par sa cour de partisans mus seulement  par leur ventre et leur bas-ventre.

En se ralliant à la volonté du dictateur comme on le prévoyait, le Sénat apporte une preuve supplémentaire que bien des institutions démocratiques en Afrique sont des coquilles vides et pèsent inutilement sur le dos du contribuable. A la bourse des valeurs de ces institutions créées pour paraître sur le continent, le Sénat congolais, à coup sûr acheté, par ce vote, confirme bien sa forte cotation.

C’est au peuple congolais de tracer les lignes de son avenir 

Quant à Kabila, on s’en doute, ce passage en force est un ballon d’essai pour son projet de tripatouillage constitutionnel. Il met ainsi ses pieds dans les pas mortifères de Nkurunziza et, tout comme lui, il court à sa perte, entraînant son pays avec lui dans de sombres destins. En effet, l’issue de ce funeste dessein est fatalement l’instabilité pour un Congo qui porte depuis son indépendance, le gène de la guerre. Mais pour ces dictateurs qui se repaissent de la charogne de leur peuple, la guerre est une industrie et leur sert surtout à maquiller les violations des droits de l’homme et les crimes politiques de toute nature. Ce ne seront pas les récriminations de l’opposition  ni de la société civile embastillée,  qui arrêteront  cet ogre de Kabila, débarrassé du seul ennemi qui pouvait troubler son sommeil, en l’occurrence ce Jean-Pierre Bemba aujourd’hui à la CPI. Manifestement, le cas burkinabè n’a pas fait école en Afrique centrale. Peut-être que tous ces dictateurs qui nagent dans les eaux saumâtres des tripatouillages constitutionnels se gaussent-ils de Blaise Compaoré, qui, à leurs yeux, n’aurait pas eu assez de cran pour résister à la bourrasque de la contestation populaire burkinabè. Il est à craindre même que naisse dans cette partie du continent, une Internationale des dictateurs pour soutenir et financer un contre-printemps démocratique en Afrique et ce, sous le regard désabusé de la communauté internationale.

Le salut viendra-t-il de l’Eglise catholique qui, jusque-là, avait fait preuve de fermeté vis-à-vis du despote ? Une chose est certaine, c’est le peuple congolais qui tient entre ses mains son destin et c’est à lui de tracer les lignes de son avenir.

« Le Pays »


Comments
  • Que ne feront pas les chefs d’Etat pour s’accrocher au pouvoir?

    12 août 2015

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