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AFFAIRE KAROUI EN TUNISIE


Ainsi a décidé le juge. L’homme d’affaires Nabil Karoui battra sa campagne électorale pour le second tour de l’élection présidentielle, depuis sa cellule de prison, tout comme d’ailleurs il en avait été le cas au premier tour. En effet, alors que le candidat, parvenu à se hisser à la seconde place de la compétition derrière le juriste ultraconservateur Kais Saeid avec 15.5% des suffrages exprimés, demandait sa libération, le juge en charge de l’affaire s’est refusé à statuer sur sa requête, se déclarant incompétent. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette décision de la Justice constitue une douche froide pour Nabil Karaoui qui avait déjà été débouté sur la même affaire par la Cour d’appel le 3 septembre dernier, une décision confirmée 10 jours plus tard par la Cour de cassation. Elle constitue aussi une douche froide pour ses nombreux partisans et sympathisants qui peuvent se sentir orphelins ou égarés, comme des brebis en l’absence de leur pâtre. Sans nul doute peut-on aussi rencontrer les mêmes sentiments d’incompréhension et de confusion chez certains acteurs de la communauté internationale comme l’Union européenne qui, au nom de la présomption d’innocence et de l’égalité de chances des candidats, donnaient de la voix pour demander la relaxe de l’homme d’affaires poursuivi pour blanchiment d’argent et évasion fiscale. Mais faut-il pour autant faire le requiem de Nabil Karoui pour ce scrutin ? La sagesse tirée de la fable dit « qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ». Et cela est d’autant plus vrai que l’homme avait déjà réussi à faire mentir tous les pronostics en se qualifiant pour le second tour de la compétition. Il y a même fort à parier que la décision du juge vienne doper la cote de sympathie du prisonnier qui s’estime victime d’une conjuration du Premier ministre Youssef Chaled et de ses amis islamistes. Mieux, le sentiment que cette décision soit un déni de justice destiné à plomber l’envol de leur candidat, peut galvaniser ses troupes qui, à l’instar d’une équipe de football réduite à dix, vont s’étriper pour hisser sur le piédestal le plus élevé, leur idole.

Il faut que les Tunisiens acceptent de déconnecter dans leur mental, l’agenda politique de l’agenda judiciaire

Cela dit, il faut tout de même craindre pour la sérénité du reste du processus électoral qui, jusque-là, brillait par son organisation et surtout par l’acceptation par tous des résultats, y compris les tenants du pouvoir qui se sont illustrés soit dit en passant par leur fair-play. En effet, nul n’est besoin d’être rompu à l’art des arabesques pour lire les prémices de la crise électorale à l’issue du second tour. Le ton est donné par Nabil Karoui lui-même. « Ces élections deviendraient une vraie mascarade démocratique si je n’étais pas libéré », dit-il. Ses partisans n’ont pas traîné pour emboucher la même trompette en brandissant la menace de demander l’invalidation du scrutin pour inégalité de traitement entre les candidats. Sans jouer au théoricien de l’apocalypse, l’on ne peut écarter les risques d’instabilité qu’encourt la Tunisie qui n’avait pas besoin de ça, au moment même où elle est déjà lorgnée du coin de l’œil par le péril terroriste, si l’affaire venait à virer à la contestation électorale tout comme l’indiquent ces signes avant-coureurs. C’est donc le lieu d’en appeler au bon sens et à la retenue des différents acteurs pour éviter de faire péter la cocotte-minute. Pour ce faire, il faut déjà que les Tunisiens acceptent de déconnecter dans leur mental, l’agenda politique de l’agenda judiciaire, même si le timing et l’enchaînement des évènements permettent difficilement de croire à l’effet de la simple coïncidence ou du pur hasard.

Saho


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