ANNULATION DE LA DATE DES COMMUNALES EN GUINEE : Un problème déplacé et non résolu
La présidentielle guinéenne, sauf changement de dernière minute, aura lieu le 11 octobre 2015. Quant aux élections communales, elles n’auront plus lieu en mars 2016, comme initialement prévues. Elles auront lieu à une autre date qui sera fixée de manière consensuelle entre le pouvoir et l’opposition. La décision a été prise en assemblée générale, le 20 juin dernier à Conakry. Avant tout propos, il y a lieu de se féliciter que l’opposition et le pouvoir guinéens, de guerre lasse, aient accepté de s’asseoir autour d’une même table pour discuter, afin de trouver des solutions aux problèmes qui sont les leurs. Cela, on l’espère, permettra de décrisper un tant soit peu l’atmosphère sociopolitique en Guinée où les tensions communautaires ont pignon sur rue et où l’armée à la gâchette facile. A ce propos, on se rappelle, naguère, ces manifs de l’opposition qui, le plus souvent, ont dégénéré en chasse à l’homme, laissant des cadavres sur le carreau. La Guinée n’a pas besoin de cela. Car, elle revient de loin. Longtemps victime de l’incurie de ses dirigeants, le peuple guinéen aspire au bien-être social. Et il ne saurait être l’otage d’une élite politique en mal d’inspiration, tant elle est incapable de dépasser ses ego surdimensionnés. En tout cas, c’est tout à l’honneur de la classe politique guinéenne d’avoir compris que le dialogue est la meilleure option qui soit pour régler les problèmes, d’où qu’ils viennent et que ce faisant, il n’existe pas de problème sans solution. C’est une question de bonne foi et de sincérité.
Le pouvoir ne dit pas clairement si les communales se dérouleront avant la présidentielle
On ne peut pas négocier avec un couteau derrière le dos et vouloir que l’adversaire se montre réceptif. Quand on va à des négociations, c’est pour trouver un compromis, et qui dit compromis, sous-entend des concessions de la part des différentes parties prenantes. C’est ce que l’on attend de l’opposition et du pouvoir guinéens qui, en principe, doivent se retrouver cet après-midi pour arrêter de façon consensuelle une date pour les communales. Car, faut-il le rappeler, l’opposition est dans son bon droit de demander que les communales soient antéposées à la présidentielle, et cela pour deux raisons essentielles. La première, c’est que cela a déjà fait l’objet d’un accord en 2013. Le président Alpha Condé avait pris l’engagement d’organiser les communales avant la présidentielle pour plus de crédibilité du scrutin, avant de faire marche arrière. Pour quelle raison ? Bien malin qui pourra y répondre. La seconde raison qui découle de la précédente, c’est que depuis l’avènement du président Condé au pouvoir, jamais la Guinée n’a connu d’élections communales. A la place des élus locaux, ont été nommés des préfets-maires qui, à en croire l’opposition, ne sont rien moins que les suppôts du régime en place. Ce qui n’est pas faux quand on sait qu’en Afrique, il n’existe pas de devoir d’ingratitude envers celui qui vous a promu à un poste de responsabilité. Alors que faire ? Il revient au président Condé de respecter ses engagements en accédant à la requête de l’opposition qui mène là un combat juste. Certes, il a déjà fait un grand pas en annulant la date polémique retenue pour les communales ; mais bien des observateurs sont restés sur leur soif dans la mesure où le pouvoir ne dit pas clairement si les communales se dérouleront avant la présidentielle. Il s’est contenté de déplacer le problème sans jamais le résoudre. S’agit-il là d’une pure diversion visant à gagner du temps ? Rien n’est moins sûr. Mais la suite nous en dira davantage sur la bonne ou mauvaise foi de Condé.
Boundi OUOBA