BAYOULOU SIAKA, SG DU SYNDICAT DES GSP : « Si on avait baissé les bras, nos prisons seraient presque vides »
Il s’appelle Bayoulou Siaka, inspecteur GSP, Directeur de la maison d’arrêt et de correction de Ziniaré. Il est aussi le Secrétaire général du Syndicat national des agents de la Garde de sécurité pénitentiaire. Dans l’entretien qui suit, il nous livre la situation sur le mouvement de « grève » qui a lieu au sein de la GSP depuis plus de deux mois.
« Le Pays « : Quel est le rôle du corps des GSP ?
Bayoulou Siaka, inspecteur GSP : La garde de sécurité pénitentiaire a pour rôle de mettre en œuvre les peines privatives de liberté. Ceux qui sont condamnés à une peine d’emprisonnement, nous, nous sommes chargés de faire appliquer cette peine. A ce niveau, nous avons un impératif de sécurité et un impératif qui consiste à accompagner la réinsertion sociale du détenu. Le volet correction s’entend que nous devons accompagner les détenus pour qu’à leur sortie, ils ne posent plus des actes qui puissent les renvoyer en prison. Bien entendu, tout cela ne dépend pas de nous seuls, cela demande un certain nombre de moyens dont dispose toujours un pays comme le Burkina Faso.
Vous êtes en grève depuis plus de deux mois. Quelles en sont les raisons ?
Je voudrais d’abord nuancer la notion de grève parce l’appellation ne correspond pas à notre situation. Quand vous prenez tous les services de la GSP, vous verrez qu’aucun agent n’est assis à la maison pour fait de ces mouvements d’humeur. Nous avons décidé, à un moment donné, de suspendre tout simplement deux activités, parce que le gouvernement ne nous a pas donné le choix. Il s’agit des activités d’escorte des détenus vers les palais de justice et celles qui nous permettaient de recevoir de nouveaux délinquants en provenance des commissariats de police et des brigades de gendarmerie. Nous avons décidé de suspendre ces activités jusqu’à ce que le gouvernement puisse s’inscrire dans une logique qui puisse permettre à l’ensemble de la GSP, de comprendre qu’elle compte dans le système judiciaire au Burkina Faso.
Que reprochez-vous au gouvernement pour suspendre ces deux activités ?
Il faut d’abord repartir jusqu’en mai 2014 où la loi portant statuts de la GSP a été votée par l’Assemblée nationale. Bien entendu, cette loi a prévu un certain nombre de décrets d’application dont des décrets à caractère financier. Nous avons, depuis le vote de cette loi, essayé d’échanger avec le gouvernement afin de pouvoir faire adopter en Conseil des ministres un certain nombre de décrets d’application dont les décrets à caractère financier. Aujourd’hui, le point d’achoppement se trouve au niveau des décrets à caractère financier, à savoir le décret portant grille indemnitaire du personnel de la Garde de sécurité pénitentiaire et le décret portant classement indiciaire du personnel GSP. Depuis 2014, nous avons été en échange avec le gouvernement jusqu’en 2015 sous la Transition où il y a eu beaucoup de remous. Même pour mettre en place la commission qui devait travailler sur les textes, c’était la croix et la bannière. Finalement, lorsque le gouvernement a accepté qu’une commission pluridisciplinaire composée d’agents des finances, du ministère de la Fonction publique et de la Justice puisse s’asseoir pour élaborer les textes, il a trouvé qu’il fallait encore élaborer deux scénarii. En fait, c’était une manière de nous imposer une grille qui ne fait pas l’affaire du personnel GSP. Malgré tout, on a accepté d’y aller. La commission a proposé effectivement deux scénarii et le gouvernement se trouvait dans le scénario a minima. A la fin, on nous fait savoir que même dans le scénario a minima, il y avait des indemnités trop élevées qu’on ne peut pas nous céder. Les tractations se sont poursuivies jusqu’à la fin de la Transition où nous avons dit que nous étions prêts à accepter. C’est sur cette base que ces décrets ont été adoptés en décembre, vers la fin de la Transition. Nous nous sommes dit que si depuis 2014, on est arrivé à ce stade, cela ne devrait plus poser problème. Mais quand vous prenez ces décrets qui ont été adoptés, la commission avait proposé qu’ils prennent effet pour compter de janvier 2015. Mais avant leur adoption, la Transition nous a imposé le fait que, compte tenu des contraintes budgétaires, on allait reporter la prise d’effet à compter de janvier 2016. Il y a eu un revirement encore à ce niveau. Nous avons accepté toutes ces concessions et nous ne pouvons pas comprendre qu’après l’adoption de ces décrets-là, on revienne encore nous dire qu’ils n’ont pas été signés. C’est après le départ des autorités de la Transition que nous avons su que les décrets n’ont pas été signés. Nous avons approché dès fin janvier 2016, notre ministre de tutelle, l’actuel ministre de la Justice, pour poser le problème. Il nous a fait savoir qu’à ce niveau, il n’y avait pas de problème et que si c’est pour la signature, c’était déjà un acquis. Le gouvernement a pris l’engagement de signer. A l’issue de cela, nous lui avons adressé une correspondance, pour lui demander de prendre les dispositions nécessaires pour la signature desdits décrets afin de remonter le moral des agents. Aujourd’hui, nous sommes au sixième mois et lesdits décrets ne sont toujours pas signés. Avant cela, quand nous avons décidé de suspendre les deux activités, notre ministre nous a reçus pour nous dire que si c’est pour la signature des décrets, cela n’allait plus tarder. Ensuite, le ministre de la Sécurité, Simon Compaoré, et notre ministre de tutelle, nous ont reçus à deux reprises, le 2 et le 13 mai, pour nous répéter que les signatures allaient intervenir bientôt.
Selon vous, quel est le problème ?
A ce stade, nous demandons tout simplement au gouvernement de respecter sa parole. Ce qui nous a étonnés également, c’est qu’on nous réunisse à deux reprises pour nous tenir le même langage et que cela reste sans suite.
Avez-vous l’impression que le gouvernement vous tourne en rond ?
Exactement. Le gouvernement ne respecte pas ses engagements. A cette rencontre même, j’ai eu à relever personnellement que cette façon de faire, nous donne l’impression qu’on est en face des précédents gouvernements. On nous a fait tourner pendant la Transition et c’est la même méthode qui est en cours.
Quelles sont les conséquences de votre mouvement ?
Pour ce qui est des conséquences, je crois que ceux qui les subissent sont mieux indiqués pour répondre à la question. Mais si on doit parler par exemple de la suspension de l’escorte des détenus aux Tribunaux, les dossiers de jugement vont accuser un retard. Au niveau des brigades de gendarmerie et de police, je ne sais pas s’ils ont trouvé une solution palliative, sinon il pourrait y avoir des situations de surpeuplement. Mais encore une fois, je ne suis pas bien placé pour parler des conséquences.
Vous parliez tantôt de bruit dans les rangs. Que vouliez-vous dire ?
Si le gouvernement a décidé d’accorder le statut particulier à ce corps, ça veut dire qu’il s’est engagé à améliorer ses conditions de travail et de vie. C’est un espoir qu’on donne à tout ce corps. Deux ans après, on ne voit rien venir à part cette loi qui a été votée. Aujourd’hui, on n’a que cette loi qui s’applique partiellement. Tout cela crée un sentiment de déception et de frustration.
Voulez-vous dire que les GSP ont des conditions de vie très difficiles ?
Si vous faites le tour de nos établissements, vous allez vivre certaines réalités. La preuve, si vous prenez le parc pénitentiaire qui compte aujourd’hui 25 centres pénitentiaires, vous constaterez que plus de la moitié de ces établissements ne sont pas clôturés. Vous imaginez aujourd’hui ce que cela peut engendrer avec le contexte sécuritaire. Imaginez dans ce contexte de terrorisme, qu’un agent se retrouve dans un poste où il n’y a aucun obstacle qui puisse lui servir de barrière face à un ennemi ! Il est dans une situation de détresse.
Pensez-vous que le gouvernement a les moyens de résoudre vos problèmes ici et maintenant ?
Nous n’avons jamais demandé à ce qu’on résolve la question ici et maintenant mais s’il y a la volonté, on peut aller par étape ; encore faudrait-il que le gouvernement montre des gages de bonne volonté. Nous avons proposé à notre ministre de mettre en place un plan de construction progressive des clôtures mais vous allez voir que cela va traîner. C’est lorsqu’il y a des incidents qu’on sort faire des promesses. Mais on les oublie dès que l’urgence passe. Il y a certains sujets que je ne peux pas évoquer avec vous.
Dans votre différend avec le gouvernement, qu’est-ce qui prime ? Les questions financières, ou les questions de construction de murs ou autres ?
Tout est prioritaire et tout est lié. Il faut vivre pour bénéficier de meilleures conditions de travail. Mais quand on ne peut pas honorer ses charges sociales et ses besoins fondamentaux, c’est compliqué. Pour la question des décrets à caractère financier, nous disons toujours qu’apposer sa signature ne coûte pas de l’argent. Au moins, cela constitue un signe de bonne volonté. Mais ce n’est pas le cas.
Il nous est revenu que certains détenus vous demandent de les associer à votre lutte. Ils seraient prêts à vous donner un coup de main. Est-ce vrai ?
Ce n’est pas une première. Les détenus vivent avec nous et savent que nous nous battons pour qu’ils aient de meilleures conditions de détention. Bref, que les détenus nous demandent de les associer directement à notre lutte, je ne pense pas. Mais il y en a qui nous disent ouvertement qu’ils nous soutiennent dans notre lutte. Ils écoutent la radio ; ils ont la télé et donc ils suivent les informations. Ils sont au courant de l’actualité. Ils estiment que nous sommes dans notre droit.
Etes-vous prêts à faire des concessions ?
Dans une lutte, chacun doit savoir faire des concessions. Il faut que le gouvernement accepte de faire un pas. Aujourd’hui, il ne nous a donné aucun gage de bonne volonté. Nous attendons que le gouvernement réagisse. Il nous a promis.
Quand allez-vous reprendre le travail ?
Le travail en tant que tel continue. Nous avons juste suspendu des activités. Je tiens aussi à relever que ces activités ne sont pas plus importantes que la garde et la surveillance des détenus. C’est encore plus difficile de garder tout ce monde à l’intérieur. Certains citoyens ont même refusé d’emprunter les voies qui passent devant les prisons ; cela prouve à quel point c’est encore plus difficile de gérer certaines situations dans nos prisons. C’est pour dire que ces activités suspendues sont le moindre mal. Et nous avons réfléchi pour ne pas causer de tort à certaines personnes qui n’ont rien à voir dans la situation actuelle. Nous avons voulu attirer l’attention du gouvernement ; sinon on aurait pu aller au-delà. Si on avait baissé les bras, peut-être qu’aujourd’hui, nos prisons seraient presque vides.
Est-ce que cela est envisageable ?
Je ne sais pas. Pour le moment, en tant que structure syndicale chargée d’encadrer les mouvements, nous avons décidé d’agir de façon responsable. Et le gouvernement l’a reconnu en nous félicitant sur ce point. On aurait pu décider de tout fermer, mais s’il arrive que nous soyons obligés d’aller au-delà, nous allons nous retrouver en Assemblée générale pour en décider.
Est-ce qu’il y a des sanctions prévues pour vous qui êtes en mouvement ?
La question doit peut-être être posée au gouvernement. C’est lui qui sanctionne.
Combien doit coûter l’aspect financier de vos revendications ?
La commission avait fait des estimations qui étaient de l’ordre de 700 millions de francs CFA pour un effectif qui constitue pratiquement les ¾ du personnel du ministère de la Justice. Je crois que c’est gérable.
Propos recueillis par Michel NANA
yacou
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Franchement je suis decu de ce gouvernement a cause d’une somme de 700millions il y’a tout ce bouleversement j’ai honte,si tel est le cas une demission du gouvernement le probleme de ce pays est qu’on considere d’autres plus que d’autres qui n’a pas vu avec la greve des magistrats respectons nous un peu
21 juin 2016lechris
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Commentaire…ceci est un meprie a lendroit du ministre de la justice. il doit demissionner sil est un vrai burkinabé, dun ancien syndicaliste. dun praticien du droit er dun pur sang gourounsi.
22 juin 2016