HomeA la uneCONGO-BRAZZAVILLE : Le référendum de tous les périls

CONGO-BRAZZAVILLE : Le référendum de tous les périls


 

C’est le 25 octobre prochain que le projet de réforme constitutionnelle devant permettre à Denis Sassou Nguesso de présenter sa candidature à l’élection présidentielle de 2016 sera soumis par voie référendaire aux Congolais, malgré le concert de récriminations et de mises en garde venant de l’intérieur comme de l’extérieur du pays. C’est, en effet, un Sassou Nguesso droit dans ses bottes qui a annoncé le 22 septembre dernier  la tenue de ce référendum pour, dit-il, « permettre au peuple congolais de s’exprimer librement et démocratiquement sur le contenu du document qui synthétise ses préoccupations actuelles, et ouvre la voie à une alternance apaisée ». On aurait applaudi à tout rompre si l’aventure référendaire avait été consensuelle, si elle ne devait pas profiter à Sassou Nguesso et si son initiateur n’était pas l’un des ploutocrates les plus controversés du continent. Le président congolais, qui totalise 31 ans de pouvoir n’en a visiblement pas assez de présider aux destinées de ce richissime petit Etat de l’Afrique centrale, malgré son âge avancé (72 ans) et rédhibitoire au regard de la Constitution actuelle qui fixe à 70 ans l’âge maximum pour tout candidat à la présidence de la République. Les thuriféraires et autres fantassins du verbe haut que Sassou Nguesso a envoyés en première ligne pour convaincre ses concitoyens de l’accepter pour dix ans encore comme locataire du Palais du peuple (présidence congolaise) auront cette fois-ci fort à faire, parce que la jeunesse congolaise est exaspérée par la gestion clientéliste et monopolistique des ressources économiques du pays par le clan familial et les courtisans du président septuagénaire. Et malgré le black-out des médias d’Etat sur l’insurrection populaire du peuple burkinabè en octobre dernier contre son président et chef de file des tripatouilleurs de Constitution, les Congolais ont suivi avec intérêt l’éviction de Blaise Compaoré grâce à la détermination des Burkinabè assoiffés d’alternance et de démocratie. Certes, il y a eu entre-temps le contre-exemple du Burundi de Pierre Nkurunziza avec son 3è mandat obtenu au forceps, mais au regard de la très forte mobilisation dont tous les opposants à la forfaiture en cours de préparation ont fait preuve  lors des meetings organisés à Brazzaville et à Pointe noire, le président congolais gagnerait à ne pas franchir le Rubicond de la bêtise, au risque de sortir de la scène politique par la plus petite des portes. Malheureusement, tout comme Blaise Compaoré, il semble réfractaire à tout appel au bon sens, et cette myopie politique est d’autant plus dangereuse qu’il s’agit là du Congo Brazzaville où les plaies de la fratricide guerre civile de 6 ans (1993-1999) dont Sassou lui-même fut l’un des principaux acteurs ne se sont pas encore totalement refermées.

Il ne reste plus aux Congolais qu’à prendre leur destin en main

Le risque est donc grand qu’après ces démonstrations de force de part et d’autre (pouvoir et opposition) par meetings interposés, les propos et les actes des uns et des autres ne glissent insidieusement vers des considérations ethno-régionalistes. A seulement une semaine de ce référendum de tous les périls, aucun signe de décrispation ou de fléchissement des différentes parties, bien au contraire ! Le gigantesque meeting organisé le 17 octobre à Pointe noire par les anti-référendum a été émaillé d’incidents, un policier ayant tiré sur les manifestants, tuant deux personnes et en blessant 13 autres. Les leaders du Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique (Frocad) et de  l’Initiative pour la démocratie au Congo (IDC) qui sont les têtes de proue des manifestations contre le changement constitutionnel ont été convoqués, hier dimanche, par le procureur de la République de Pointe noire et ont été interdits de quitter la deuxième ville du Congo pour rallier Dolisie où un autre meeting était prévu. Cet harcèlement exercé par les partisans zélés du régime sur les chantres de la résistance contre le « putsch constitutionnel » en cours au Congo, ne pourra certainement pas refréner les ardeurs de ces derniers, et il est à craindre que le meeting annoncé pour le 20 octobre prochain à Brazzaville soit le point de départ des violences et des règlements de compte. Ce chaos qui se profile à l’horizon est bien visible comme une protubérance au milieu du visage, mais, paradoxalement, rien ne semble fait pour l’éviter, ou, à tout le moins, en limiter les dégâts. L’Union africaine (UA), championne du monde dans les retards à l’allumage, se contente, pour l’instant en tout cas, des appels à la retenue qui pourraient être interprétés par les sbires de Sassou Nguesso comme des appels à la répression. On s’était félicité des réactions et des condamnations  immédiates et fermes de l’UA et des chancelleries occidentales suite au putsch militaire du Général Gilbert Diendéré au Burkina Faso, et on s’était même mis à rêver de mesures similaires à l‘encontre de tous les despotes du continent, qu’ils soient à la tête d’un pays sahélien ou d’un Etat riche en pétrole et en matières premières. Malheureusement, avec ce qui est en train de se passer au Congo, on a l’impression que la communauté internationale n’avait lancé qu’un simple ballon d’essai, qui s’est vite dégonflé comme une baudruche. Même la France officielle adopte, en effet, une attitude prudentielle, certainement pour ne pas contrarier le président congolais qui s’est engagé à protéger les intérêts économiques de la Métropole à travers l’octroi de crédits d’impôts à Total et à plusieurs entreprises françaises. Il ne reste donc plus aux Congolais qu’à prendre leur destin en main et à se dire qu’à cœur vaillant, rien d’impossible. Après tout, les Burkinabè ont détricoté un système vieux de trois décennies, sans intervention extérieure et sans plonger leur pays dans les profondeurs abyssales d’une guerre civile. Les Congolais peuvent en faire autant, à condition qu’ils placent l’intérêt de leur pays au-dessus des calculs politiciens et égoïstes qui les avaient conduits dans l’abîme à la fin des années 90.

Hamadou GADIAGA


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