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CONTESTATION POST-ELECTORALE EN MAURITANIE


Moins de 24 heures après qu’il a revendiqué la victoire à la présidentielle du 22 juin dernier, Mohamed ould Ghazouani a été déclaré vainqueur, le lendemain du scrutin, par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). En effet, c’est par 52,01% des voix que le candidat du pouvoir a coiffé au poteau ses principaux challengers qui ont respectivement récolté 18,58% pour le second et 17, 87% pour le troisième, les autres concurrents n’ayant pas atteint les 10%. Mais en attendant la validation de ces résultats provisoires par le Conseil constitutionnel, l’opposition qui rejetait les résultats avant même leur publication officielle, en a rajouté une couche puisqu’elle entend battre le pavé dans les jours à venir pour exprimer son mécontentement. Une façon de mettre la pression sur la Commission électorale.

En agissant comme il l’a fait, le candidat du pouvoir jette la suspicion sur sa victoire

Autrement, comment comprendre cet empressement de l’opposition à vouloir ruer dans les brancards en occupant la rue, après avoir appelé ses partisans à protester dans le cadre de la loi ? Le décor est donc planté. Mais à ce jeu, c’est le pouvoir et son candidat qui sont les plus à condamner, pour n’avoir pas eu la patience d’attendre la proclamation des résultats avant de crier victoire. Mais que voulez-vous, nous sommes en Mauritanie où la tendance semble à cette pratique où les militaires revendiquent la victoire toujours et gagnent. Mais en agissant comme il l’a fait, le candidat du pouvoir jette la suspicion sur sa victoire. Et l’opposition peut être d’autant plus fondée à croire qu’il a voulu couper l’herbe sous ses pieds que le score de 52% a toutes les allures du minimum syndical dont le candidat du pouvoir avait besoin pour l’emporter au premier tour. En tout cas, l’on peut se demander si les chiffres n’ont pas été arrangés pour éviter un second tour potentiellement plein d’incertitudes pour le général. Quoi qu’il en soit, même s’il avait gagné à la régulière, sa sortie prématurée le dessert en ce sens qu’elle peut paraître comme une façon de forcer la main à la Commission électorale. Et le timing de la proclamation des résultats dans la foulée de l’incartade du général, amène à se demander si la CENI n’a pas joué le jeu du candidat au pouvoir. En tout cas, cela ne la met pas à l’abri des critiques d’autant plus que les résultats viennent comme pour entériner la victoire revendiquée par ce dernier. Comment peut-il en être autrement quand le président sortant lui-même ne s’est pas gêné pour le moins du monde, de s’afficher aux côtés de son dauphin pour revendiquer la victoire avant même l’annonce des résultats ? C’est à se demander même s’il ne s’est pas laissé aller au jeu de celui qui se présente d’ores et déjà comme son Medvedev, puisqu’il ne cache pas sa volonté de candidater plus tard à la magistrature suprême. De quoi jeter le discrédit sur des élections dont de nombreux observateurs s’accordent pourtant à saluer le bon déroulement et la tenue dans une relative accalmie. Toujours est-il que, pour le garant de la Constitution qu’il est, c’est une attitude condamnable, qui ne grandit ni n’honore le président Abdel Aziz qui avait pourtant positivement marqué les esprits en ne succombant pas à la tentation du « tripatouillage constitutionnel » pour s’accrocher au pouvoir.

Il faudra que l’opposition mette un point d’honneur à apporter des preuves tangibles

Maintenant qu’il s’est ostensiblement affiché avec son poulain en donnant le sentiment d’avoir travaillé à l’imposer, ce dernier risque d’étrenner un mandat entouré de suspicion. C’est dire si avec les véhémentes protestations de l’opposition, les ingrédients d’une crise électorale sont à en train d’être réunis en Mauritanie. Quelle en sera l’ampleur ? Bien malin qui saurait répondre à cette question.  En tout état de cause, l’on attend de voir comment le pouvoir de Nouakchott va gérer cette période délicate et quelle sera la réponse des autorités aux exigences de l’opposition qui demande la publication des résultats « bureau de vote par bureau de vote». Une chose est sûre : l’exigence d’un recomptage des voix semble être un combat perdu d’avance car, sous nos tropiques, c’est un scénario qui n’a jamais eu de chances d’aboutir. On l’a vu en Côte d’Ivoire, dans la crise postélectorale de 2010-2011 où le président Laurent Gbagbo n’a jamais eu gain de cause jusqu’à sa chute dans les conditions que l’on sait. Plus récemment, en début d’année, cela a été le cas en République démocratique du Congo où l’opposant Martin Fayulu n’a pas fini de ruminer sa colère contre le pouvoir de Joseph Kabila qu’il accuse d’avoir volé sa victoire au profit de Félix Tshisékédi, aujourd’hui président. C’est dire qu’en l’état actuel des choses, il est difficile d’en rêver en Mauritanie. En attendant, si l’on peut reprocher au général Ghazouani son manque de retenue en se proclamant vainqueur avant l’heure, toute chose qui est en passe de mettre le feu aux poudres au lendemain de la présidentielle, il reste que, plus que de simples accusations, il faudra que l’opposition mette un point d’honneur à apporter des preuves tangibles pour étayer le hold-up électoral présumé du candidat du pouvoir. Cela pourrait éviter d’exacerber la crise.

« Le Pays »


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