HomeA la uneCRISE AU NORD-MALI :Bamako, le dindon de la farce ?

CRISE AU NORD-MALI :Bamako, le dindon de la farce ?


 

La Mission des Nations unies au Mali (MINUSMA) est une fois de plus endeuillée. Les Casques bleus ont encore été victimes de l’explosion d’une mine au Nord-Mali, faisant 4 morts, de nationalité tchadienne, et de nombreux blessés. Au regard de l’ampleur des dernières attaques, on a des raisons de dire que les forces internationales au Nord-Mali sont vraiment dans l’œil du cyclone. En tout cas, compte tenu de la détermination de ces extrémistes, les Nations unies devraient se rendre à l’évidence, si ce n’est pas encore le cas, que pacifier cette zone sera une tâche de longue haleine. Il importe de ce fait que les dispositions sécuritaires soient renforcées au maximum et que des mesures soient prises pour anticiper autant que faire se peut, les actions des terroristes. Pour ce faire, l’opération Barkhane devrait être mise à contribution, étant donné que c’est son domaine d’intervention.

C’est visiblement Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui a juré de faire payer à tous les pays au chevet du Mali leur engagement, qui est à pied d’œuvre. Certes, la série d’attaques terroristes qui frappent les rangs des Casques bleus, ces derniers temps, portent la signature du Mouvement pour l’unicité du  jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Mais, il n’est un secret pour personne que ce mouvement évolue sous l’aile protectrice d’AQMI dont il est d’ailleurs l’émanation. Ecarté des pourparlers inter-maliens, le MUJAO entend peut-être attirer l’attention sur lui et démontrer sa frustration à travers des actes de violence. Comme pour rappeler que les autres groupes armés comme le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qui négocient, n’ont pas les moyens de pacifier la zone et que, par conséquent, toute quête de solution qui se ferait sans la prise en compte des desiderata des islamistes, est vouée à l’échec.

 

Il serait même difficile de ne pas voir une complicité entre ces mouvements armés

 

Il n’est pas non plus exclu que le MNLA dont les accointances avec ces islamistes n’ont jamais vraiment été démenties, soit de mèche avec le MUJAO. Bien que ces deux mouvements se soient disputés le contrôle du Nord-Mali dans de violents combats à un certain moment, on se rend compte qu’aujourd’hui, les positions du MNLA à Kidal ne sont pas l’objet d’attaques comme c’est le cas pour celles des forces internationales qui appuient le Mali. Ce n’est certainement pas anodin. Les attaques récurrentes contre les troupes des Nations unies, tout en étant un moyen pour les islamistes de se venger des pays ayant des soldats déployés au Mali, pour avoir contribué d’une manière ou d’une autre à les chasser des zones qu’ils contrôlaient, serait en même temps un moyen pour le MNLA de mettre la pression sur Bamako, et in fine, sur la communauté internationale. Il serait même difficile de ne pas voir une complicité entre ces mouvements armés quand on sait que c’est le MNLA qui a réclamé récemment la libération d’un des éléments dangereux du MUJAO qui avait été fait prisonnier par l’armée malienne.

En tout cas, les mouvements armés du Nord-Mali, nonobstant quelques divergences, sont d’accord sur un point : leur volonté d’arracher de façon définitive le contrôle du Nord du pays aux autorités maliennes. Il est clair que les islamistes n’ont jamais digéré d’avoir été chassés des territoires où ils faisaient la pluie et le beau temps. Les groupes rebelles qui négocient avec Bamako, surtout le MNLA, n’ont pas non plus encore vraiment renoncé à leur idée d’arracher l’autonomie du territoire qu’ils ont baptisé Azawad. Et on peut penser que le MNLA, qui a été utilisé par les islamistes pour conquérir le Nord-Mali, a entrepris de se servir, à son tour, du MUJAO pour reconquérir de façon durable l’Azawad auquel il tient tant.

 

L’exécutif malien est seul, en réalité, contre tous les groupes armés

 

C’est peut-être pour cela qu’il n’a jusque-là pas vraiment condamné les attaques terroristes des islamistes. Certes, la revendication du MNLA et des autres groupes armés présents aux pourparlers d’Alger, est politique et économique alors que celle des islamistes est religieuse. Mais ces deux entités visent, au fond, le même territoire. L’Azawad devrait servir, en effet, de socle territorial au califat islamique dont rêvent le MUJAO et les autres islamistes qui écument la zone. C’est à partir de ce territoire qu’ils comptent ensuite conquérir toute l’Afrique de l’Ouest. C’est dire qu’à court terme au moins, MNLA et MUJAO ont une plateforme minimale commune qui est de se rendre maîtres d’une manière ou d’une autre, du Nord-Mali.

Au regard de cet intérêt commun, les groupes armés, toutes tendances confondues, peuvent bien collaborer pour vaincre Bamako, quitte à régler en interne leurs comptes plus tard. Ce qui laisse croire que c’est Bamako le dindon de la farce dans cette histoire de négociations sur le Nord-Mali. L’exécutif malien est seul, en réalité, contre tous les groupes armés en ce sens que ceux qui prétendent négocier avec lui collaborent visiblement en sous-main avec les islamistes infréquentables. La bonne foi fait vraiment défaut au sein de la galaxie des groupes armés qui peuplent le Nord-Mali et leur jeu trouble cache mal leurs accointances. Tant et si bien qu’il n’est pas exagéré de craindre que les négociations d’Alger soient vouées à l’échec, que ce soit dans les conclusions qui seront prises ou dans leur mise en œuvre. Cela amène à se demander si les médiateurs n’auraient pas été mieux inspirés de mettre sur la table des discussions inter-maliennes, cette question de califat islamique. Cela aurait eu le mérite d’amener les uns et les autres à donner, ne serait-ce que leur position officielle sur la question. Car, il faut bien convenir que dans le contexte actuel du Nord-Mali, aucune clarification de position n’est de trop.

 

« Le Pays »

 


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