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CRISE POLITIQUE AU BENIN


Au Bénin, l’état de santé de l’ex-président Boni Yayi, cloitré chez lui, à domicile, depuis les incidents meurtriers consécutifs aux élections législatives de fin avril dernier, n’en finit pas de faire des vagues. En effet, après la sortie de ses avocats, il y a quelques jours, pour exprimer leurs inquiétudes sur la dégradation de la santé de leur client et dénoncer l’injustice qu’il subit, c’était au tour des populations de la région natale de l’ex-chef d’Etat, notamment celles des villes de Savé et de Tchaourou, d’exprimer leur indignation face à la situation. Quatre jours durant, elles ont affronté l’armée qui entendait dégager les barricades érigées sur les principales artères desdites villes en signe de protestation contre les arrestations arbitraires de manifestants qui dénonçaient les conditions inhumaines de détention de l’ex-président.

Talon est en train d’assassiner la démocratie béninoise

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on peut comprendre l’émotion de ces populations. Car, au-delà de l’indignation, ces manifestants traduisent leur reconnaissance à l’ancien président dont il n’est pas exclu qu’elles aient pu bénéficier, autrefois, des largesses. Ce n’est, en effet, un mystère pour personne qu’en Afrique, les villes natales des chefs d’Etat jouissent de privilèges particuliers pendant le mandat de leur fils. La réaction des habitants des villes de Savé et de Tchaourou est d’autant plus compréhensible qu’ils partagent le combat de Boni Yayi devenu le symbole de l’opposition au régime de Talon, depuis qu’il a dénoncé le « coup d’Etat électoral » à l’occasion des dernières élections législatives dont il a demandé l’annulation pure et simple. Mais ce que l’on comprend moins, c’est la féroce répression que le régime Talon a choisi d’opposer aux manifestants. Et pour justifier ce déchaînement de violences, les autorités n’ont pas trouvé mieux que de seriner la rengaine bien connue de la connexion entre les manifestants et des forces étrangères. En effet, selon le conseiller du ministre de l’Intérieur, les forces de l’ordre auraient été la cible de tirs nourris de la part de chasseurs traditionnels « recrutés à grands frais dans un pays voisin ». Tout en dénonçant ces scènes apocalyptiques qui n’ont pas de place dans un Etat de droit, il faut aussi et surtout dénoncer cette paranoïa du pouvoir qui fait tout pour accuser Boni Yayi d’intelligence avec des forces étrangères pour justifier le crime politique qu’il prépare contre lui.  En tout cas, cette spirale de violences vient confirmer, une fois de plus, tout le mal que l’on peut penser du président Talon. L’homme, comme il le donne à voir dans ce feuilleton des élections législatives dont cette rocambolesque séquestration de Boni Yayi et son corollaire de manifestations, est en train d’assassiner la démocratie béninoise. Car, de quel mal peut-on accuser Boni Yayi quand on sait qu’il n’a fait qu’user de sa liberté d’expression telle que garantie par la loi fondamentale béninoise ?

Les lézardes dans le mur du vivre-ensemble ne peuvent qu’être propices à l’infiltration des forces du mal

Avec cette sanglante répression, Talon s’est revêtu de ses oripeaux de dictateur et achève de vendanger l’héritage démocratique d’un pays qui était l’un des phares de la démocratie en Afrique.
Cela dit, il faut encore espérer que Talon reviendra à de meilleurs sentiments en écoutant les voix qui s’élèvent pour lui demander de savoir raison garder dans cette rivalité personnelle et politique qui l’oppose à Boni Yayi. Il y va d’abord de son intérêt personnel et ensuite de celui du Bénin tout entier. Et pour cause. D’abord, si le pire arrivait à l’ex-président, il en porterait l’entière responsabilité et il n’est pas exclu qu’il en réponde un jour devant la justice. Et pour paraphraser l’éminent historien Joseph Ki-Zerbo, même s’il échappait à la Justice des Hommes, il n’échapperait pas au tribunal de sa conscience, à celui de l’histoire ni à celui de Dieu. Ensuite et toujours dans ce scénario du pire, les contestations contre son régime s’amplifieraient ; toute chose qui pourrait pourrir son mandat. Les lézardes dans le mur du vivre-ensemble ne peuvent qu’être propices à l’infiltration des forces du mal qui se sont signalées aux portes du pays, avec les évènements du Parc national de la Pendjari. Et cela d’autant plus que les accusations à l’encontre des pays voisins, peuvent avoir pour effet de mettre à mal la coopération transfrontalière face à un péril qui se nourrit justement de la porosité des frontières. C’est en raison de tous ces risques qu’il faut sauver le soldat Boni Yayi.

« Le Pays »


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