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CRISE POLITIQUE EN COTE D’IVOIRE


La polémique sur la candidature d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) à un troisième mandat, continue de faire des vagues et est en train de prendre une tournure inquiétante en Côte d’Ivoire. En effet, le 13 août dernier, annoncé comme celui de tous les dangers en raison des marches et contre-marches initialement programmées dans le pays, a connu des manifestations de l’opposition suivies de heurts dans plusieurs villes de l’intérieur du pays comme Bonoua, Divo, Adzopé, Sikensi et à Abidjan, où des pneus ont été brûlés et des voies obstruées, malgré la non-autorisation desdites manifs par les  autorités compétentes. Dans les rangs des partisans de l’ex-président de l’Assemblée nationale en exil, Guillaume Soro, on annonce des arrestations. Quant aux jeunes du RHDP qui voulaient manifester leur soutien au chef de l’Etat, ils ont respecté les consignes d’interdiction. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à moins de trois mois de la présidentielle, la Côte d’Ivoire danse sur un volcan. Et tout porte à croire que plus on s’approchera de la date du scrutin, plus la pression montera.

 

Les ingrédients d’une nouvelle crise d’envergure sont en train d’être réunis

 

D’autant que le retrait, des listes électorales, des noms de figures emblématiques de l’opposition comme Laurent Gbagbo  et Charles Blé Goudé acquittés par la Cour pénale internationale (CPI)en janvier 2019, ne passe pas non plus au sein de leurs militants. C’est dire si avec ces tiraillements tous azimuts, les ingrédients d’une nouvelle crise d’envergure sont en train d’être réunis. Mais si la Côte d’Ivoire bascule, ce serait principalement de la responsabilité du chef de l’Etat, Alassane Ouattara et de l’ex-président Henri Konan Bédié (HKB), et subsidiairement de celle de la classe politique ivoirienne en général. Car, en l’absence d’un Laurent Gbagbo pratiquement mis hors jeu en raison de ses déboires judiciaires, ce sont ADO et HBK aujourd’hui le problème en Côte d’Ivoire. On est d’autant plus fondé à le penser que tout porte à croire que la candidature d’ADO à un troisième mandat, qui fait rageusement  débat en Eburnie, au delà de la disparition de son dauphin, est la conséquence de celle de Bédié. C’est pourquoi si le pays brûle à nouveau, ils en seront tenus pour responsables devant l’histoire. Car, ç’aura été le refus de passer la main à la nouvelle génération de l’un, Bédié, qui aura justifié le déni de la parole donnée de l’autre, ADO, pour se remettre dans la course à l’échalote. C’est dire si aujourd’hui plus que jamais, la Côte d’Ivoire se retrouve être l’otage d’une vieille garde politique à la rancune tenace et représentée par deux septuagénaire et octogénaire qui, après avoir fait leurs preuves et montré aussi leurs limites, refusent obstinément de faire valoir leurs droits à la retraite et rêvent de tenir encore et toujours le haut du pavé dans la conduite des affaires de l’Etat. Mais l’on ne trouverait pas autant à redire si leur attitude ne risquait pas de mettre à nouveau le pays à feu et à sang, pour ce qui ressemble fortement à des règlements de comptes politiques ou l’assouvissement d’ambitions purement personnelles. La Côte d’Ivoire n’a pas besoin de ça. Elle revient de loin.

 

La démocratie est plus une disposition d’esprit qu’une compilation de beaux textes

 

 C’est pourquoi à l’allure où vont les choses, on se demande si depuis la mort du président Houphouët Boigny, le père de la Nation ivoirienne, la dévolution du pouvoir ne relève pas de la  malédiction, au regard de la violence qui a, de Bédié à Gbagbo en passant par Guéi,  jusque-là entouré le départ de tous ses successeurs. ADO est-il en train d’emprunter le même chemin ? L’histoire le dira. Mais en attendant, on croyait qu’en déclarant solennellement, en mars dernier à Yamoussoukro, sa non candidature à sa propre succession, l’enfant de Kong permettrait à la Côte d’Ivoire de vaincre ce signe…ivoirien. Hélas ! A présent, on croise les doigts pour que la sagesse prévale et que les acteurs politiques ivoiriens aient ce sursaut de patriotisme pour éviter d’ouvrir une autre parenthèse douloureuse de l’histoire de leur pays. Car, ce n’est pas de la sorte que l’on construit la démocratie. En tout cas, face à ce qui se passe aujourd’hui en Côte d’Ivoire et partout ailleurs sur le continent africain comme, par exemple, en Guinée, au Togo, au Congo, au Cameroun, au Tchad, et la liste est loin d’être exhaustive, il y a lieu d’admettre enfin que la démocratie est plus une disposition d’esprit qu’une compilation de beaux textes. On en veut pour preuve l’exemple des Etats-Unis d’Amérique où il ne viendrait à l’esprit d’aucun président sortant, de chercher à ruser avec les textes pour s’octroyer un troisième mandat. Ce qui est malheureusement tout le contraire des satrapes africains qui donnent bien souvent le sentiment de s’amuser avec nos Constitutions qu’ils prennent du plaisir à tailler à leur mesure dans le but de s’éterniser au pouvoir. Et dans le cas de la Côte d’Ivoire, ADO n’est d’autant pas excusable que sa réforme constitutionnelle, présentée à l’époque comme des modifications mineures, était censée ne pas lui ouvrir la voie à un troisième mandat. Pourquoi alors avoir défendu, en son temps, au sein de son propre parti, une telle thèse et vouloir soutenir le contraire aujourd’hui en feignant de ne pas voir que cela pose problème ?  En tout état de cause, c’est un jeu dangereux dans lequel le pouvoir ivoirien pourrait laisser des plumes. C’est pourquoi il doit savoir faire face à ses responsabilités et tout mettre en œuvre pour désamorcer la crise pendant qu’il est encore temps. C’est le seul combat qui vaille vraiment la peine d’être mené. Autrement, le risque est grand que le débat de la légalité et de la légitimité de cette candidature qui est en train de prendre forme, ne vire au dialogue de sourds qui pourrait replonger le pays dans une crise dont personne ne saurait prédire ni l’ampleur ni l’issue.

 

« Le Pays »

 


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