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DIALOGUE MAJORITE/M5 AU MALI


Sur les rives du Djoliba, les lignes semblent enfin bouger. En effet, après avoir longtemps refusé l’offre de dialogue du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), les leaders du Mouvement du 5 juin (M5) ont finalement accepté de s’asseoir autour de la même table que les tenants du pouvoir. Pour la première fois depuis le début de la crise politique et sociale qui secoue le Mali, des rencontres ont lieu entre les ténors du mouvement contestataire et des représentants de la majorité présidentielle. Après l’iman Mahmoud Dicko qui s’était entretenu, le 21 juin dernier, avec la majorité, c’était au tour des autres leaders de la contestation de prendre langue avec les émissaires du palais de Koulouba, le 23 juin dernier. Qu’est-ce qui a finalement eu raison de la résistance de l’iman Dicko et de ses compagnons de lutte ? Telle est la question que l’on peut se poser suite à cette évolution récente de la crise. L’on pourrait d’abord penser que l’opposition a cédé à la pression de la communauté internationale.

Il existe de réels risques que la base sociale du mouvement s’effrite

On se souvient, en effet, que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), très inquiète de la situation au Mali, avait dépêché, à Bamako, des émissaires pour tenter de renouer le fil du dialogue entre les deux camps ennemis. Mais avant les missi dominici de la communauté ouest-africaine, de nombreuses chancelleries étrangères présentes dans la capitale malienne, avaient développé des initiatives en direction des leaders du M5 visant à les amener à saisir la main tendue du chef de l’Etat. Il est donc tout à fait possible que l’opposition n’ait pas voulu prendre le risque de se mettre à dos la communauté internationale dont aucune force politique au Mali ne peut objectivement, en l’état actuel, se passer. Mais l’on peut aussi imaginer que le M5 lui-même est traversé par des courants contraires qui l’ont contraint à lâcher un peu du lest. On le sait, en effet, certains partis politiques membres du mouvement, refreinent difficilement leur intérêt face à l’offre de gouvernement d’union nationale faite par le chef de l’Etat. Il n’est donc pas exclu qu’en optant pour la ligne dure, on constate l’apparition de lézardes dans le mur de la cohésion de la contestation et que certains leaders abandonnent en catimini leur position pour rejoindre avec armes et bagages, le camp adverse, moyennant quelques strapontins ministériels. Dans le même ordre d’idée, il est tout à fait possible que la satisfaction de certaines revendications sociales par le pouvoir, ait émoussé les ardeurs de certains acteurs ou sympathisants du mouvement, notamment les personnels enseignant et soignant. Il existe donc de réels risques que la base sociale du mouvement s’effrite. L’un dans l’autre donc, c’est peut-être à son corps défendant que le M5 est allé sous l’arbre à palabre.  Mais quelles que soient les raisons qui motivent la posture conciliante des leaders du M5 envers le pouvoir, même si à cette étape, aucune proposition concrète pour une sortie de crise, n’a été mise sur la table, l’on peut déjà se féliciter de ces rencontres qui constituent une importante avancée en ce sens qu’elles créent un canal de discussions et d’échanges entre protagonistes qui se regardent en chiens de faïence.

Tout laisse croire que les solutions de sortie de crise envisagées, relèvent plus d’arrangements politiques

On peut en déduire que les Maliens semblent avoir enfin compris que quelles que soient les tournures qu’aurait prises la crise, ils finiraient par s’asseoir autour de la même table pour régler leurs différends. On peut d’autant plus se réjouir de ces rencontres qu’elles n’ont pas tourné court comme on en voit très souvent en pareilles circonstances. Mieux, elles ont permis de préparer d’autres pourparlers. Il reste à espérer que les deux parties, au moment venu, négocient la main sur le cœur et non avec un poignard dans le dos.  Cela dit, le tout n’est pas de créer un cadre de dialogue. L’enjeu principal reste la quintessence même des discussions qui doivent aller dans le sens des aspirations de la rue. Or, pour l’instant, tout laisse croire que les solutions de sortie de crise envisagées, relèvent plus d’arrangements politiques que de mesures concrètes destinées à endiguer la corruption, freiner la course à l’enrichissement illicite et produire plus de résultats sur le front de la lutte contre l’insécurité. En effet, ce qui semble aujourd’hui cristalliser toutes les attentions, c’est la formation d’un gouvernement d’union nationale, la démission de la Cour constitutionnelle, la dissolution de l’Assemblée nationale ou la reprise des élections législatives dans certaines circonscriptions électorales. Les intérêts du petit peuple sont donc occultés et il y a de fortes chances qu’il se fasse entuber  par les politiques. Et contre toute attente, le grand gagnant de cette loterie politique risque d’être le président IBK qui est en phase de réussir le pari de détourner l’attention des préoccupations réelles du peuple, en embarquant la Nation tout entière dans des manœuvres politiques dont il reste le maître du jeu. Et c’est là que l’opposition doit faire attention. En fonçant tête baissée dans un gouvernement d’union nationale, s’il venait à voir le jour, sans une véritable feuille de route destinée à répondre aux attentes du peuple, elle se rendrait comptable de la mauvaise gouvernance tant décriée du régime de IBK. Et comme lui, l’opposition finira donc par avoir en face d’elle le peuple insurgé.

« Le Pays »


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