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EDOUARD ZERBO, MAIRE DE TOUGAN


Edouard Zerbo est arrivé à la tête de la commune urbaine de Tougan à l’issue des élections municipales de 2016, sous la bannière du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Il est par ailleurs le président de l’Association des municipalités du Burkina Faso (AMBF), section Boucle du Mouhoun. Nous l’avons rencontré à son bureau à Tougan pour aborder avec lui des sujets d’ordre politique, économique et social. Lisez !

« Le Pays » : Comment êtes vous entré en politique ?

Edouard Zerbo : Dire comment je suis arrivé sur la scène politique, c’est résumer la politique en une élection. Sinon, j’étais présent sur la scène politique. Mais il faut reconnaître que c’est suite à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 que j’ai vraiment eu un engagement politique. C’est donc après l’insurrection que j’ai eu la volonté de m’afficher en politique.

Généralement, en Afrique, pour réussir en politique, il faut disposer de certains atouts : soit vous êtes riche, soit vous avez un parrain qui vous « pistonne ». Est-ce votre cas ?

Je suis venu en politique sans aucune considération. Autrement dit, ce n’est pas parce que je suis riche que je suis venu en politique. Dire que j’ai un bailleur qui me « pistonne » selon votre expression, je ne le pense pas. Moi, je suis venu en politique parce que je pense que je peux apporter ma contribution au développement de ma commune. Cela ne veut pas dire que c’est moi qui vais sortir l’argent de ma poche pour développer la commune, loin de là. Mais il faut reconnaître que quand on est dans la politique, il ne faut pas trop être dans le besoin. Quand on est dans le besoin en politique, on aura tendance à penser à soi-même d’abord, à sa situation, à sa famille, à sa propre situation que d’améliorer les conditions de vie des populations. Pour venir en politique, selon ma propre conviction, il ne faut pas être dans le besoin. Quand aujourd’hui vous êtes maire ou député, les gens pensent que vous avez l’argent et chacun vient vers vous avec ses problèmes. Si vous ne pouvez pas un tant soit peu subvenir à certains besoins de la population démunie, cela devient compliqué. Pour être un responsable politique, il faut quand même avoir le minimum. Sinon, je n’ai pas un opérateur économique derrière moi, qui me donne de l’argent pour faire la politique, non. Mais j’ai des amis de bonne volonté qui, de temps en temps, me soutiennent.

Vous dites qu’il faut avoir le minimum avant d’être en politique. Est-ce que ce n’est finalement pas ce côté qui a favorisé votre élection en 2016 à la tête de la commune de Tougan ?

Pas du tout. Je vous disais tantôt que je suis venu en politique sans aucune considération. De ce fait, ma situation financière ne peut en aucun cas être le motif des populations. J’ai été élu sur la base d’un programme de société. Les populations ont trouvé que je peux apporter un plus à ma commune. D’ailleurs, rien n’indiquait que j’étais plus riche que les autres prétendants.

Pourquoi le choix d’aller au MPP et non pas dans un autre parti politique?

Vous savez, dans un pays, il existe plusieurs partis et chacun fait le choix en fonction du programme de développement. Moi, j’ai délibérément choisi d’aller au Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) pour l’accompagner dans la réalisation de son programme.

Quels sont les défis auxquels votre commune est confrontée ?

Les défis, il y en a beaucoup. Premièrement, on a le défi de l’autosuffisance alimentaire. Nos populations qui sont de braves agriculteurs, se battent pour se nourrir au quotidien. Ensuite, il y a le défi de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Dans ce sens, depuis notre arrivée à la tête de la commune, nous sommes en train de nous battre pour que les populations évitent au maximum de boire l’eau des marigots et de certains puits, de qualité douteuse. Nous sommes donc à pied d’œuvre dans les différents villages pour la construction de forages pour nos populations. Il y a aussi le défi d’infrastructures, surtout dans le domaine scolaire. Vous vous imaginez que jusqu’en 2020, on a toujours des écoles sous paillottes. Présentement, nous sommes en train de nous battre afin d’éradiquer ce phénomène, avec l’accompagnement du pouvoir central. Egalement, dans le domaine sanitaire, il nous faut encore des Centres de santé et de promotion sociale (CSPS). A cela, s’ajoute le défi sécuritaire. Vous n’ignorez pas que la province du Sourou est confrontée au phénomène du terrorisme et la commune de Tougan, le chef-lieu de la province du Sourou, de façon directe ou indirecte, est impactée par cette insécurité. Les autorités militaires et paramilitaires travaillent d’arrache pied pour assurer la sécurité des biens et des personnes. Je profite de votre micro pour leur rendre un vibrant hommage. Il y a aussi le défi de l’emploi. Nous avons des jeunes diplômés qui sont là et malheureusement, nous n’avons pas d’emplois pour eux.

A combien s’élève le budget annuel de votre commune ?

Le budget de la commue varie d’une année à une autre. Comprenez que ce n’est pas le même montant chaque année. Ainsi, pour ce qui concerne notre commune, le budget pour l’année 2020 est équilibré en recettes et en dépenses à 483 696 961 F CFA répartis en investissements et en charges de fonctionnement.

Comment appréciez-vous la subvention de l’Etat aux collectivités territoriales ?

Je voudrais, de prime abord, remercier le pouvoir central pour cet effort d’accompagnement des collectivités territoriales. Chaque année, l’Etat apporte une contribution aux collectivités afin de leur permettre de mener certaines de leurs activités. Quand on analyse les ressources propres des communes du Burkina Faso, elles sont vraiment faibles. Ce qui signifie que ces ressources ne leur permettent pas de faire des réalisations conséquentes. C’est au regard de tout cela que le pouvoir central nous appuie en subvention. Mais il faut reconnaître que cette subvention est insuffisante. Mais, nous comprenons l’Etat car nous sommes une masse d’environ 371 communes qu’il doit accompagner.

Peut-on dire que la hache de guerre entre agriculteurs et éleveurs dans votre commune, est enterrée ?

Dire aujourd’hui qu’entre agriculteurs et éleveurs, il existe un amour parfait n’est pas vrai. Il y a, par moments, des foyers de tensions entre ces différents acteurs et cela est dû au fait que la population augmente sans cesse. Ainsi, l’espace réservé aux activités agricoles devient plus vaste du fait de la pression démographique et du même coup, cette action réduit considérablement l’espace de pâturage. Ce qui fait que par moments, il y a des animaux qui vont dans les champs et s’il y a des dégâts, ce sont des plaintes et des conflits à n’en pas finir. Ce sont des problèmes que nous gérons chaque année, surtout à l’approche de la saison des pluies. Nous essayons, à notre niveau, de concilier les positions. Parfois, ça marche. Parfois aussi, ça ne marche pas. Nous disons toujours aux différentes parties que la solution n’est pas d’aller en Justice car, si la Justice tranche en disant que telle partie a raison et telle autre a tort, cela devient automatiquement une opposition de deux camps. Cela ne favorise pas le vivre-ensemble dans la communauté. Pour ce qui nous concerne, nous avons toujours prôné le dialogue afin que ces conflits se règlent à l’amiable.

Comment sont vos relations avec vos collaborateurs avec qui, dit-on, vous avez des rapports tendus ?

Je vous dis que nous travaillons, ici, en parfaite collaboration depuis notre arrivée à la tête de la mairie. En tout cas, ce que vous dites, je n’en ai pas encore fait la remarque. Je vous rassure que je n’ai pas de problème avec qui que ce soit à la mairie ici.

Le foncier aujourd’hui est devenu le talon d’Achille des élus locaux. Comment gérez-vous ce problème au quotidien ?

D’une manière générale, on fait de notre mieux pour apporter nos solutions aux problèmes fonciers dans la commune. Chaque jour que Dieu fait, nous recevons des gens ici et chacun vient avec son problème. On regarde, on essaie de gérer ce qui est gérable et ce que nous ne pouvons pas gérer, nous le référons à qui de droit. La question du foncier est l’une des problématiques que les communes connaissent de nos jours. Vous avez vu vous-même qu’aux alentours de Tougan, on ne peut plus avoir un espace vide pour faire quoi que ce soit. Aujourd’hui, si l’on annonce une infrastructure et on appelle le maire pour un terrain, ce sont des insomnies qui commencent pour vous. Cela est dû à la loi 34 consacrée au foncier rural, qui concède la propriété coutumière aux terriens de sorte que si la commune veut un terrain pour réaliser une infrastructure aujourd’hui, il faut qu’elle aille vers les propriétaires terriens pour négocier. Cette négociation n’est pas facile parce que tout simplement les gens ont monnayé leurs terrains. Vous partez négocier un terrain, les propriétaires vous disent qu’ils veulent bien vous le donner, mais exigent qu’on les dédommage alors qu’on connaît les moyens financiers des collectivités. Donc, cela n’est pas facile pour nous. Même si quelquefois la négociation porte fruit, elle traîne de sorte qu’il y a des projets qu’on perd. Nous avons perdu un projet à cause de ces négociations qui traînent. Il s’agit du projet de construction de la caserne de la gendarmerie nationale que le Programme de gestion intégrée des espaces frontaliers au Burkina Faso (PROGEF) voulait réaliser dans la commune. Ils nous ont demandé de trouver un terrain de quatre (4) hectares et nous sommes restés à négocier pendant une année et finalement, le projet en avait marre et il est parti ailleurs. C’est dire à quel point nous avons des problèmes au niveau de la gestion du foncier. Ce que je viens de dire concerne les zones hors lotissement. A l’intérieur de la zone lotie, ce sont aussi des problèmes tels que les plaintes, les doubles attributions, etc.

Rappelez-nous les grandes réalisations que votre équipe a faites depuis son installation à la tête du Conseil municipal de Tougan !

Il me sera un peu difficile de faire une liste exhaustive de ces réalisations ce jour. Mais au moment venu, la liste vous sera fournie car nous prévoyons une journée de redevabilité. Toutefois, de manière globale, en termes d’infrastructures, nous avons réalisé six (6) Collèges d’enseignement général pendant l’année 2017, deux (2) écoles primaires avec des latrines et des magasins et un lycée. Aussi, nous avons fourni des tables-bancs (environ 200 chaque rentrée scolaire) et du matériel de bureau pour les établissements de la commune. Il y a également des infrastructures marchandes que nous avons réalisées pour les populations et des hangars à l’intérieur du grand marché. Nous avons aussi réalisé un nouveau marché de fruits que nous n’avons pas encore inauguré du fait des mesures-barrières contre la maladie à coronavirus. On a aussi la nouvelle gare routière qui est en construction, de même que le lycée technique. En matière d’eau potable, il y a eu beaucoup d’efforts qui ont été consentis par le Conseil municipal. C’est vrai que nous n’avons pas la liste complète des forages que le directeur provincial de l’Eau et de l’assainissement doit nous fournir. Mais il y a une cinquantaine de forages que nous avons réalisés à travers toute la commune. Nous avons aussi réalisé une piste rurale entre Kassan et Nassan ainsi que le tronçon Tougan-Daka grâce au projet de bitumage de la RN 10 et de la RN 21. On note également le bitumage des voiries à l’intérieur de la ville avec l’accompagnement de Son Excellence Paul Kaba Tiéba. Pour les Centres de santé et de promotion sociale (CSPS), nous avons fourni des matelas et autres matériels médicaux.

Quelles sont vos relations avec les maires des zones touchées par le terrorisme dans la gestion du flux de populations ?

Nous entretenons des relations de collaboration. Etant donné que je suis le président de l’Association des municipalités du Burkina Faso, section Boucle du Mouhoun, je me dois de me porter volontaire auprès des 47 maires que nous sommes. Maintenant, pour revenir au cadre spécifique de la province du Sourou, surtout dans le cadre de la gestion de la crise, nous nous rencontrons régulièrement chez le haut-commissaire pour échanger sur diverses questions, surtout sur les aides que l’Etat nous envoie. Nous essayons de voir comment nous pouvons faire la répartition puisque quoi qu’on dise, tous les déplacés ne sont pas venus à Tougan. Il y a certains qui se sont limités dans d’autres chefs-lieux de départements.

Quelle analyse faites-vous de la gestion de cette pandémie par les autorités burkinabè ?

C’est une question qui dépasse un peu mes compétences. Je pense que les autorités politiques et sanitaires de notre pays font de leur mieux pour faire face à la pandémie du coronavirus qui a vraiment semé la désolation dans le monde. N’étant pas un technicien de la santé, nous observons les techniciens gérer le problème.

Depuis 2017, la grogne sociale ne retombe pas au Burkina. Quel commentaire faites-vous de cette situation ?

D’abord, il faut dire que toute grève a un impact négatif sur le développement d’une nation. S’il y a des manifestations, les enfants ne vont plus à l’école et forcément, c’est le système éducatif qui prend un coup. Dans le domaine financier, c’est encore pire. Quand les financiers vont en grève, surtout ceux de la régie financière, c’est une énorme perte pour l’Etat parce que l’argent qui devrait rentrer ce jour-là, ne rentre plus pour fait de grève. De façon globale, les grèves ont toujours eu un impact négatif sur le rendement des activités. Maintenant, je pense que les partenaires sociaux et le pouvoir central doivent pouvoir s’asseoir, discuter et se dire les vérités. Nous savons tous que le Burkina Faso est un pays en voie de développement, avec des ressources limitées. Il faut souvent que les revendications soient raisonnables. Une chose est de poser des revendications, une autre est de voir ce qui peut être réalisé dans les plus brefs délais. Pour moi, la meilleure solution, c’est le dialogue et sans dialogue, nous allons passer notre temps à nous accuser dans les rues et c’est vraiment regrettable pour la Nation.

Pour vous qui êtes financier et agent de l’Etat, est-ce le moment d’appliquer l’IUTS, dans ce Burkina où les populations, surtout les fonctionnaires du public, peinent à joindre les deux bouts ?

L’application de l’IUTS, je pense, a été discutée par les autorités compétentes et je ne sais pas si je suis le mieux placé pour dire si c’est le moment ou pas. Toujours est-il que le pouvoir central, selon lui, cherche à corriger une injustice qui existait entre les agents du privé et ceux du public. Ce qu’il faut dire, c’est que même les syndicats reconnaissent cette injustice. Mais ce que les syndicats voulaient, c’est la suppression de l’IUTS dans le privé pour que cela soit équitable. Cette manière de faire n’arrange pas le pouvoir central, au regard des pertes qu’il va enregistrer. Et la suite de l’histoire, vous la connaissez. Je pense que les gens doivent dialoguer afin de trouver des solutions qui arrangent tout le monde.

Au regard de ces mouvements sociaux à n’en pas finir, le terrorisme et la pandémie du coronavirus, d’aucuns estiment que le pouvoir actuel n’a pas été à la hauteur des attentes des Burkinabè. Quel commentaire en faites-vous?

Dans la vie, chacun est libre de ses opinions et moi, en tant que militant du parti au pouvoir, je suis en train de me battre pour que les choses rentrent dans l’ordre. Le problème actuellement au Burkina est que les gens pensent qu’après l’insurrection, tout allait systématiquement devenir rose. Non, ce n’est pas ainsi. Je pense qu’il y a beaucoup de défis à relever et nous devrons tous travailler ensemble à relever ces défis. Maintenant, si certains pensent que la gestion du pouvoir n’est pas bonne, comme je l’ai dit, ce sont leurs opinions sinon je ne suis pas de cet avis.

Comment voyez-vous déjà les élections à venir ?

Les élections présidentielle et législatives sont effectivement prévues pour le 22 novembre prochain jusqu’à preuve du contraire, et le pouvoir central travaille à respecter cette date. C’est vrai, le Burkina Faso, à l’instar d’autres pays, connaît des difficultés telles que l’insécurité et la pandémie du coronavirus, et organiser des élections dans ces conditions, ne sera pas simple. Vous avez vu que le processus d’enrôlement qui avait démarré a été interrompu à un moment donné, mais je pense que tout est rentré dans l’ordre. L’enrôlement suit son cours normal et on a l’espoir que les élections se tiendront à bonne date. Le Mali qui vit la même situation, a pu tenir ses élections. Donc, je pense que le Burkina Faso, à son tour, pourra aussi tenir ses élections.

Propos recueillis et retranscrits par Taré Soumaïla YARO
(Correspondant)


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