HomeA la uneESSEBSI EN FRANCE : Une visite normale chez un « président normal »

ESSEBSI EN FRANCE : Une visite normale chez un « président normal »


Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a entamé ce mardi 7 avril 2015, une visite d’Etat de deux jours en France. Ce déplacement sur les bords de la Seine, présente plusieurs intérêts.
D’abord, la Tunisie est, de tous les pays qui ont connu le printemps arabe, celui qui a le mieux négocié ce tournant de l’histoire. En effet, pendant que les autres ont basculé d’une manière ou d’une autre dans la chienlit et la violence dont ils ont encore du mal à se relever, le pays de Bourguiba a su traverser la bourrasque dans l’apaisement. Ce qui lui a permis de vivre une transition véritablement démocratique et ouverte de son histoire politique.

La Tunisie est le plus grand partenaire de la France au Maghreb

Essebsi arrive donc en France avec le manteau d’un président dont l’élection ne souffre d’aucune tache. Et cela n’est pas pour déplaire à François Hollande qui sait que toute la classe politique française se rangera derrière lui pour réserver à Essebsi un accueil à la hauteur du démocrate qu’il est. Ensuite, la Tunisie partage avec la France et ce, depuis Bourguiba, beaucoup de valeurs. Une d’elles est incontestablement la laïcité. Dans un monde arabe en proie au spectre de l’islamisme, donc à l’exclusion et à la haine des autres religions révélées que sont le christianisme et le judaïsme, la Tunisie peut se vanter d’être un îlot de tolérance confessionnelle par rapport aux autres pays où le fait de ne pas être musulman est en soi un crime aux yeux de certains. La « Fille aînée de l’Eglise » ne peut que saluer le particularisme heureux tunisien qui a su résister aux vicissitudes de l’histoire, même si par moments, il a été mis à mal par le fait de quelques marginaux.
Enfin, du point de vue des échanges économiques, la Tunisie est le plus grand partenaire de la France au niveau du Maghreb. L’ère démocratique qui vient de s’ouvrir avec l’élection d’Essebsi, est une aubaine pour renforcer ce partenariat privilégié.
Subsidiairement, il y a le fait que les Français adorent les plages tunisiennes et ses sublimes sites touristiques qui témoignent du passé glorieux du peuple tunisien et de sa longue marche vers l’indépendance arrachée à la France, mais dans des circonstances qui n’ont pas conduit à la déchirure ni à la méfiance comme ce fut le cas de l’Algérie. Pour des raisons liées à l’histoire, la France n’a pas pu tisser avec l’Algérie la même qualité de relations que celle qu’elle entretient avec la Tunisie au Maghreb. Entre le Maroc et la France, il y a des nuages qui obscurcissent leurs relations. En effet, ce pays, au regard des casseroles qu’il traîne dans le domaine des droits de l’Homme, de la posture quasi religieuse qu’il a sur la question du Sahara Occidental et de l’affaire Ben Barka, du nom de cet opposant marocain assassiné sur le sol français par les services secrets du royaume, ne peut pas avoir dans le cœur des Français la même place que celle qu’occupe la Tunisie. Ces zones d’ombre ajoutées au fait que le Maroc est une monarchie qui est, rappelons-le, un type de régime que les Français portent en horreur depuis 1789, impactent négativement le regard que les Français portent sur le Maroc, même si, paradoxalement, ils ont voué à la personne de Feu Hassan II une considération hors norme, sans doute pour sa forte personnalité et sa parfaite connaissance de la culture hellénique. Pour toutes ces considérations donc, la France mise plus sur la carte de la Tunisie au Maghreb que sur celle de l’Algérie et du Maroc.

La Tunisie attend beaucoup de cette visite

Certes, la Tunisie n’est pas une puissance régionale comme l’est l’Algérie. Mais toutes ces raisons valent bien une visite de Béji Caïd Essebsi en France. C’est pourquoi l’on peut dire que c’est une visite normale et elle s’effectue chez un « président normal », c’est-à-dire chez François Hollande. Ce dernier, on se souvient, s’était attribué ce qualificatif taquin pour marquer sa rupture avec les frasques de son prédécesseur Nicolas Sarkozy, qui faisaient de ce dernier un président « anormal » aux yeux de François Hollande.
Cela dit, cette visite qui intervient trois semaines après l’attentat du musée de Bardo dans lequel 22 touristes dont 4 Français ont été tués et à l’occasion duquel la France avait manifesté sa solidarité avec le peuple tunisien, en prenant part à la grande marche contre le terrorisme du 29 mars dernier, peut également être lue non seulement comme un témoignage de gratitude vis-à-vis de la France, mais aussi comme une démarche pour rassurer les Français. En cela, le message est, on ne peut plus clair : en dépit des derniers événements, la Tunisie demeure une destination qu’ils ne doivent pas craindre. Ce voyage sera donc placé sous le double signe de l’économie et de la sécurité. François Hollande promet déjà à son illustre hôte une coopération sécuritaire renforcée, et la cerise sur le gâteau, à propos de cette visite, est que la France s’est engagée à être l’ambassadeur de la Tunisie auprès de l’Europe.
Le moins que l’on puisse dire c’est que la Tunisie attend beaucoup de cette visite pour remettre le pays au travail et redonner de l’espoir aux nombreux chômeurs que compte la Tunisie. La France saura-t-elle se montrer à la hauteur ? Il faut l’espérer parce qu’autrement, elle apportera de l’eau au moulin de tous ceux qui croient que la démocratie et un monde arabe musulman ne peuvent pas faire bon ménage.

« Le Pays »


Comments
  • Le plus grand partenaire de la France en Afrique reste toujours l’Algérie. Mais le premier fournisseur de l’Algérie n’est plus la France. C’est la Chine.

    7 avril 2015

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