HomeA la uneGREVE AU MINEFID : Les syndicats bandent les muscles, le gouvernement menace

GREVE AU MINEFID : Les syndicats bandent les muscles, le gouvernement menace


 

 

La Coordination des syndicats du ministère en charge de l’économie et des finances (CS-MEF) a mis en exécution sa menace d’aller en grève les 4 et 5 avril 2018. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce mot d’ordre a été suivi. Nous avons fait le constat en  sillonnant  quelques services dudit ministère dans la capitale burkinabè,  Ouagadougou, le 4 avril 2018.

 

Plusieurs  agents du   ministère de l’Economie, des finances et du développement   ont déserté leurs lieux de travail habituels, le 4 avril 2018,  pour se retrouver au ministère où se tient le piquet de grève.  Et ce, pour répondre à l’appel lancé par la Coordination des syndicats du ministère en charge de l’économie et des finances (CS-MEF), les 4 et 5 avril 2018. Ce qui a paralysé des activités de  tous les services du ministère en charge de l’économie et des finances.  Agents des impôts, des douanes, des finances, de  l’école des régies financières, des services  statistiques, du   Trésor, tous ont répondu à l’appel.  Notre périple a débuté à la   direction du Centre des  impôts de Bogodogo,  à quelques mètres  de la pédiatrie Charles De Gaulle.    A notre arrivée aux environs de  midi, toutes les portes, tous les guichets  de ce service étaient hermétiquement fermés. Seuls quelques représentants de la coordination des syndicats étaient à la rentrée principale, pour le suivi de la grève. Histoire de  bander   les muscles, est –on tenter de dire !  «  Nous ne sommes pas autorisés à prendre la parole. Nos responsables sont au ministère.  C’est à eux de vous faire le point », nous a-t-on  dit.  Quelques infortunés  usagers, non informés et  mis devant le fait accompli, étaient obligés de rebrousser chemin.  Comme ces deux jeunes que nous y avons rencontrés. Ces derniers étaient venus pour  acheter des timbres fiscaux  pour des formalités d’acte de mariage.  C’est la déception qui se lisait sur leurs visages.   Après ce service, nous prîmes la direction du Bureau des douanes de Ouaga route, communément appelé Ouaga inter. Là,  seuls  quelques douaniers étaient visibles. Certains agents ont été réquisitionnés  par le ministère pour assurer le service minimum, a-t-on appris.

 

Grève suivie à 100%

 

Ici, nous faisons en sorte que ceux qui ont des marchandises  périssables, sortent le plus tôt possible, nous a informé notre source qui a requis l’anonymat. Les conducteurs et autres usagers, mis devant le fait  accomplis, se sont mis par petits groupes pour échanger sur la préoccupation du moment.    «  Nous sommes ici depuis  ce matin, mais personne ne s’occupe de nous. Habituellement,   nous commençons les formalités dès le premier jour de notre arrivée.  Et au bout de 72 heures au maximum, nous finissons et repartons », a expliqué  Abdoulaye Sana, conducteur de remorque transportant de la farine de blé, venu de Lomé au Togo. Ses inquiétudes sont partagées par deux autres conducteurs  qui sont venus du Ghana. Pour eux, cette grève  entraînera des dépenses supplémentaires puisqu’ils dureront plus que prévu, le temps de pouvoir accomplir les formalités douanières avant de décharger leurs marchandises.   C’est avec tristesse que   Adama Traoré   que  avons rencontré au Trésor une heure plus tard, nous raconte sa mésaventure. «  Ce matin, j’étais ici pour  me faire établir un certificat de non engagement.  J’ai  été reçu comme il se doit et on m’a donné rendez vous cet après-midi à  15h pour le retrait.  Malheureusement, lorsque je suis arrivé ce soir, tout était fermé », a relaté  Adama Traoré.  Pendant que ces infortunés usagers  se plaignaient du sort qui leur était   réservé,    les grévistes, eux, faisaient le point de la grève au ministère.      « Ce sont  des sentiments de satisfaction qui nous animent ce soir.  Le piquet de grève  que nous avons voulu installer ici,   a rassemblé tous les travailleurs du ministère de Ouagadougou.  Nous n’avons  pas eu  moins de 2000 personnes qui  ont convergé vers ce point. Nous  pouvons dire que la grève que nous avons  initiée, a été une satisfaction totale »,  s’est réjoui  le président de mois de  la CS-MEF, Mathias Kadiogo.   Malgré la réquisition de certains agents,  a-t-il dit, la grève                 a été suivis à 100% puisque cette réquisition n’a pas produit les effets escomptés.    A la question de savoir combien de francs le gouvernement perd du fait de l’effectivité de cette grève, Mathias Kadiogo dit ne pas pouvoir évaluer et que c’est aux premières autorités du pays de le faire.   Mais qu’à cela ne tienne, a-t-il dit, la lutte continuera.   A l’en croire, au premier jour de la grève de 48 heures, il n’y a  pas eu d’échanges avec le gouvernement. « Le gouvernement a décidé de ne  plus discuter avec nous.  Depuis la journée du vendredi 30 mars 2018, le gouvernement avait promis de nous entendre.  Mais jusque là, rien ! », a-t-il conclu.

 

Issa SIGUIRE

 

 

 

La réaction  du gouvernement

 

Suite au préavis de grève de la Coordination des syndicats du Ministère en charge de l’économie et des finances (CS-MEF), prévue pour les mercredi 4 et jeudi 5 avril 2018, le Gouvernement vient, par le présent communiqué, porter les informations ci-après à l’attention des agents du Ministère de l’économie, des finances et du développement (MINEFID), de ses usagers et de l’opinion publique.

Selon les termes du préavis de grève, les organisations membres de la CS-MEF “exigent :

– le respect des engagements des autorités par la reconduction du check off au MINEFID unilatéralement suspendu,

la restauration de la dotation du carburant de fonctionnement aux agents, supprimée par arrêté n° 2017-541/MINEFID/CAB du 26 décembre 2017 ;

– la mise en œuvre intégrale de tous les accords conclus entre nos différentes organisations syndicales et le gouvernement ;

–  le relogement des travailleurs du MINEFID dans le bâtiment R+4 du MINEFID ;

– l’arrêt des réformes entreprises au sein du MINEFID sans l’adhésion des travailleurs,

–  la résiliation des contrats de vérification des importations avec les sociétés privées ;

 – l’adoption de statuts sécurisants pour tout le personnel du MINEFID.

 Après le dépôt du préavis de grève, adressé à Son Excellence Monsieur le président du Faso, le Gouvernement, fidèle à sa tradition de dialogue constructif, guidé par l’intérêt national, a instauré le dialogue avec la CS-MEF et au cours de concertations qui se sont déroulées les 28, 29 et 30 mars 2018, sous la conduite du ministre de la Fonction publique, du travail et de la protection sociale, des réponses précises ont été apportées à chacune des préoccupations faisant l’objet du préavis de grève.Au regard des réponses apportées par le gouvernement, il apparaît des points de convergence notables sur l’ensemble des préoccupations de la CS-MEF, en dehors du point sur les réformes qui seraient entreprises au sein du MINEFID sans l’adhésion des travailleurs et de celui sur l’adoption de statuts sécurisants pour tout le personnel du MINEFID.

C’est pourquoi le Gouvernement tient-il à indiquer qu’il reste disposé à la poursuite du dialogue et en appelle au sens de la responsabilité des partenaires sociaux du MINEFID, afin que des solutions satisfaisantes pour toutes les parties puissent aboutir.

En conséquence, il invite la CS-MEF à s’inscrire dans l’approfondissement des concertations propices à la satisfaction de ses préoccupations.

Le Gouvernement sait compter également sur le sens de la responsabilité des travailleurs du MINEFID qu’il appelle au travail les 4 et 5 avril 2018.

Le Gouvernement les rassure, autant que les usagers, que les dispositions sont prises pour assurer leur accès aux différentes administrations du MINEFID.

Il rappelle aux travailleurs du MINEFID que les absences non justifiées seront sanctionnées conformément aux dispositions réglementaires.

Le Gouvernement réaffirme son entière disponibilité au dialogue social dans le respect des lois de la République.

Le ministre de la Communication et des relations avec le Parlement, Porte-parole du gouvernement

Remis Fulgance Dandjinou

 

 La coordination des syndicats du MINEFID dément formellement le communiqué du gouvernement.

Dans son communiqué, le Gouvernement informe qu’au regard des réponses apportées lors des négociations tenues les 28, 29 et 30 mars 2018, il y a des points de convergences sur l’ensemble des préoccupations de la CS-MEF sauf deux (02) points à savoir les questions relatives aux réformes et de l’adoption de statuts sécurisants pour les personnels du ministère de l’Economie, des finances et du développement (MINEFID). Par conséquent, tout en invitant les travailleurs du MINEFID à se désolidariser du mot d’ordre de grève, le gouvernement brandit les menaces de sanctions contre les travailleurs qui seront en lutte ! En dépit de ces menaces, le gouvernement informe qu’il est disposé au dialogue !Par le présent, la CS-MEF entend apporter un démenti formel au communiqué du gouvernement qui n’a pas traduit fidèlement la réalité des faits. En effet, la CS-MEF tient à informer l’ensemble des travailleurs du MINEFID et l’opinion publique sur les éléments suivants :

– il n’y a pas encore de convergence de points de vue entre le Gouvernement et la CS-MEF sur les points de revendications, objet du préavis de grève des 04 et 05 avril 2018. De ce fait, aucun procès-verbal n’a été signé entre le Gouvernement et la CS-MEF ;
– le Gouvernement clame sa disponibilité au dialogue. La CS-MEF doute de cette disponibilité. En effet, au soir du 30 mars 2018, c’est la délégation gouvernementale qui avait demandé une suspension des négociations et il a proposé de revenir à la CS-MEF. De ce jour, jusqu’à la date du présent communiqué soit quarante-huit (48) heures, le gouvernement n’est plus revenu à la CS-MEF pour une quelconque reprise des négociations !

– des menaces de sanctions à l’encontre des grévistes : il s’agit des intimidations afin de démobiliser les travailleurs du MINEFID en lutte pour de meilleures conditions de vie et de travail. La CS-MEF dénonce ces menaces qui constituent une atteinte aux libertés démocratiques et syndicales.

Au lieu de se pencher conséquemment et sans faux- fuyants sur les justes et légitimes préoccupations des travailleurs du MINEFID afin d’éviter qu’un ministère aussi sensible que stratégique aille en grève, le gouvernement a opté pour la diversion et le dilatoire comme il avait fait avec l’affaire des fonds communs dès le dépôt du préavis de grève de la CS-MEF.

La CS-MEF invite tous les travailleurs du MINEFID à observer dans la discipline le mot d’ordre de grève des 4 et 5 avril 2018. Par ailleurs, tout en réitérant sa disposition au dialogue, elle porte à l’attention du gouvernement et du Peuple qu’elle se battra résolument jusqu’à l’examen satisfaisant de sa plateforme revendicative.

Pour la CS-MEF,
Le président de mois,
Mathias Kadiogo

 

Le  MESSAGE DE SOUTIEN DU COLLECTIF SYNDICAL CGT-B

Collectif Syndical CGT-B :
CGT-B, SYNATEB, SYNATIC, SYNATEL, SYNTAS, SATB, SYNPTIC, SYNACIT, SYNASEB, SYNAMICA.

Message de soutien à la lutte de la coordination des syndicats du Ministère en charge de l’Économie et des Finances (CS-MEF)

Camarades Secrétaires généraux des syndicats membres de la coordination des syndicats du MINEFID ;
Camarades membres des bureaux nationaux des syndicats membres de la coordination des syndicats du MINEFID ;
Camarades militantes et militants des syndicats membres de la coordination des syndicats du MINEFID,
Je prends la parole en ce premier jour de votre grève de quarante-huit (48) heures pour vous adresser le message de soutien du collectif syndical CGT-B. Je voudrais avant tout propos vous exprimer la solidarité agissante du collectif syndical CGT-B et vous encourager dans la juste lutte que vous avez engagée pour exiger la résolution de votre plateforme articulé autour des points que je cite :
« 1. le respect des engagements des autorités par la reconduction du check off au MINEFID unilatéralement suspendu ;
2. la restauration de la dotation du carburant de fonctionnement aux agents, supprimée par Arrêté n°2017-541/MINEFID/CAB du 26 décembre 2017 ;
3. la mise en œuvre intégrale de tous les accords conclus entre nos différentes organisations et le Gouvernement ;
4. le relogement des travailleurs du MINEFID dans le bâtiment R+4 du MINEFID ;
5. l’arrêt des réformes entreprises au sein du MINEFID sans l’adhésion des travailleurs ;
6. la résiliation des contrats de vérification des importations avec les sociétés privées ;
7. l’adoption de statuts sécurisants pour le personnel du MINEFID
».

Camarades secrétaires généraux ;
Camarades militantes et militants,
Nous avons suivi hier soir un communiqué du gouvernement relatif à votre grève. En suivant ce communiqué, si on peut se réjouir du fait que le gouvernement ait engagé des discussions avec vos syndicats, on ne peut que s’indigner des menaces à peine voilées proférées par le gouvernement. En effet, après avoir indiqué qu’un préavis a été déposé et que les points de revendication contenus dans ledit préavis ont fait l’objet de discussions qui se seraient bloquées sur deux des points de la plate-forme, il a indiqué que « les absences non justifiées seront sanctionnées conformément aux dispositions réglementaires ».

Une telle annonce constitue une grave atteinte à la liberté syndicale, notamment au droit de grève reconnu dans notre loi fondamentale, de même que par les conventions du BIT, ratifiées par notre pays.
Elle vient en contradiction flagrante avec le discours sur la disponibilité au dialogue social tant chanté par le gouvernement.
Le Collectif syndical CGT-B dénonce ce double langage et met en garde le gouvernement contre toute velléité de répression des travailleurs. Camarades militantes et militants des syndicats membres de la coordination,
Nous observons que le gouvernement a orchestré une polémique à dessein sur la réforme du système de rémunération des agents publics de l’État et sur les fonds communs, en particulier ceux du MINEFID. Notre collectif, tout en vous rassurant de son soutien ferme, tient à souligner les positions suivantes sur les sujets qui font actuellement couler beaucoup d’encre et de salive :
– sur la question du dialogue social où le gouvernement veut faire comprendre à l’opinion que le mouvement syndical est radical, rappelons simplement que votre coordination a écrit au Premier Ministre depuis le 16 février 2016 par lettre numéro 2016-04/CS/MEF sans suite sur le dossier. Les centrales syndicales ont également interpelé la délégation gouvernementale le 05 juin 2016 sur les risques de dérapage dans la gestion dudit dossier. Il a fallu attendre l’imminence de la grève pour tenter des négociations les 28, 29 et 30 mars 2018 sur la question, soit plus de deux ans après la lettre adressée au Premier Ministre. La remise en cause de façon unilatérale du check off par les Autorités du ministère qui n’a d’autre but que d’affaiblir vos organisations en les privant de ressources et en invoquant un décret que le gouvernement traîne à mettre en œuvre, est une preuve d’un manque de sincérité dans l’effectivité du dialogue social ;
– sur la question de la réforme du système de rémunération des agents publics de l’État, nous pensons que les autorités ne visent qu’un objectif : diviser les travailleurs, les opposer aux autres couches sociales afin de pouvoir remettre en cause leurs acquis historiques. Pour nous, la question qui mérite aujourd’hui d’être posée, et qui doit faire l’objet d’une conférence nationale, est celle de la bonne gestion des ressources de l’État. Si le gouvernement veut trouver des solutions idoines aux maux qui plombent le développement du pays, il doit s’engager dans une réflexion globale sur la richesse nationale et sa gestion en incluant dans cette conférence nationale le règlement des questions sur la gestion des mines, du foncier, des « caisses noires », des fonds de souveraineté, des institutions budgétivores, des émoluments des autorités à tous les niveaux, du recouvrement des créances de l’Etat (cas des autorités qui doivent à la SONABEL, CARFO, CNSS et autres prêts) etc. Toute autre démarche relève de la diversion;
– la question des fonds communs doit être abordée avec responsabilité et sérénité. Il n’est pas juste de les présenter comme l’entrave au développement du pays en ignorant les accords qui les ont mis en place et en n’engageant pas un débat franc sur la question, notamment avec les syndicats concernés. Du reste, comme l’a évoqué le journal L’ECONOMISTE DU FASO NUMERO 246 du lundi 02 au dimanche 08 avril 2018 à sa page 2, et 3ème colonne « C’est pour cela qu’il faut arrêter le lynchage des bénéficiaires des fonds communs comme s’ils les percevaient de façon indue».
Notre collectif syndical CGT-B pense que les autorités sont actuellement mal inspirées de vouloir s’attaquer aux acquis des travailleurs du Burkina Faso en commençant par les fonds communs. Il invite l’ensemble des travailleurs et des populations à avoir une lecture sereine et profonde de l’attitude des Autorités quant aux velléités d’opposer les différentes couches sociales de notre pays.

Camarades secrétaires généraux ;
Camarades militantes et militants,
Le Collectif syndical CGT-B vous exhorte à rester mobilisés, unis et solidaires face aux tentatives engagées pour vous intimider et vous diviser.
Il appelle l’ensemble de ses militantes et militants sur toute l’étendue du territoire à soutenir la juste lutte de la coordination des syndicats du MINEFID ;

Vive le collectif CGT-B !
Vive la coordination des syndicats du MINEFID !
Vive la solidarité syndicale !
Je vous remercie de votre aimable attention !
Fait à Ouagadougou, le 04 avril 2018
Pour le bureau de la coordination nationale
du collectif syndical CGT-B


Bassolma BAZIE,
Porte-parole du collectif CGT-B
Secrétaire Général Confédéral de la CGT-B

 

 

 


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