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INVESTURE DE EVARISTE NDAYISHIMIYE


Après sa saisine par le Conseil des ministres par rapport à la succession lourde de risques, du défunt président Pierre Nkurunziza, la Cour constitutionnelle du Burundi a clos le débat dès le lendemain, en ordonnant au tout nouveau président élu, le Général Evariste Ndayishimiye, de prêter serment « dès que possible ». Cette investiture est prévue pour le 18 juin 2020. C’est donc la fin du suspense et des supputations sur l’identité du successeur du pasteur-président, d’autant que la Cour constitutionnelle qui a tranché le débat, est la seule habilitée à constater la vacance du pouvoir, à interpréter les dispositions constitutionnelles en matière de succession dans le cas d’espèce et à investir le nouveau président. Même si juridiquement, cette décision de la Cour est sujette à caution au regard de l’article 121 de la loi fondamentale burundaise qui stipule qu’en cas de décès du président en exercice, l’intérim est assuré par le chef du parlement jusqu’à l’élection d’un nouveau président dans les 3 mois qui suivent, elle peut se justifier politiquement quand on sait qu’elle émane d’une institution inféodée au parti au pouvoir qui a remporté la dernière élection présidentielle. Si on ajoute au caractère partisan de la Cour, les incertitudes liées à une transition politique au Burundi, on ne peut guère être surpris par l’arrêt rendu vendredi dernier par les ‘’Shérifs’’ de la vie politique et institutionnelle dans ce pays, qui donne quitus au dauphin du défunt Nkurunziza pour prendre le bâton de commandement dans les jours à venir. Pour les puristes en droit qui considèrent que le Général Ndahishimiye n’est pas pour le moment le président du Burundi d’autant qu’il n’a pas encore prêté serment, ce serait une violation flagrante de la Constitution si le candidat élu venait à danser au rythme de la musique débitée en fin de semaine dernière par l’institution que beaucoup de Burundais considèrent, à tort ou à raison, comme la cinquième roue du carrosse ou tout simplement comme une caisse de résonnance du parti au pouvoir.

Il ne serait pas étonnant que Ndayishimiye s’affuble lui-même du titre de 14e apôtre du Christ

Quoi qu’il en soit, c’est un bien mauvais présage pour le Burundi post-Nkurunziza, car, on pensait qu’avec la disparition du satrape, une nouvelle ère s’ouvrirait pour toutes les victimes du régime répressif de ce dernier avec la reddition des comptes et une justice équitable pour tous. Sans faire de procès d’intention à celui qui va bientôt déposer ses valises au palais présidentiel Ntare Rushatsi, on est presque certain qu’il va marcher sur les traces de son prédécesseur, au grand malheur de ses compatriotes déjà persécutés et au fond de l’abîme, économiquement parlant. Le ton a été donné samedi dernier lors de sa première apparition publique, depuis la mort de son maître à penser, quand, dans son discours mâtiné de métaphores et d’allégories en hommage au disparu, il a comparé ce dernier à Jésus-Christ qui est pour les chrétiens, le messie et le sauveur qui mourut pour délivrer les humains de leurs péchés. Et comme dans la classe politique burundaise, l’imposture est une vertu, il ne serait pas étonnant que dans ses délires mégalomaniaques, ce soldat en passe de devenir président de la République, s’affuble lui-même du titre de 14e apôtre du Christ, le 13e autoproclamé étant, comme chacun le sait, le porte-étendard de la bouffonnerie tropicale, Jean-Bedel Bokassa de la Centrafrique pour ne pas le nommer. Espérons simplement que le Général-président ne fera pas pire que le mal qu’incarnait Pierre Nkurunziza, et qu’il ne prêtera pas une oreille attentive « aux propos et aux rumeurs suscités par Satan », comme il l’a lui-même recommandé à ses compatriotes. On attendra qu’il prenne véritablement les rênes du pays pour le juger sur pièces, car si quasiment tout le monde pense que ce qui est en train de se passer au Burundi est un changement dans la continuité, il n’est pas totalement exclu que le futur président, Evariste Ndahishimiye, se révèle d’une trempe comparable à celle de Joao Lourenço d’Angola, notamment du point de vue de l’approche très ouverte de ce dernier et de sa fermeté dans la lutte contre l’impunité sous toutes ses formes et pour la fin des privilèges de ceux qui pensent être du bon côté du manche.

Hamadou GADIAGA


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