HomeA la uneJOURNEE MONDIALE DU REFUS DE LA MISERE : Peut-on vaincre le mal par des mots ?

JOURNEE MONDIALE DU REFUS DE LA MISERE : Peut-on vaincre le mal par des mots ?


 

Le 17 octobre de chaque année et ce depuis 1987, le monde entier renouvelle son vœux pour un monde de plus en plus débarrassé de la misère et de l’extrême pauvreté. En 30 ans de lutte, la misère a-t-elle reculé ? Certes, il faut reconnaître que par rapport aux années 90, il y a eu des efforts quand on compare le taux de scolarisation, d’accès à l’eau potable, à la santé, à l’éducation etc. Malheureusement, ce n’est qu’un petit pas face aux victimes de plus en plus nombreuses de l’extrême pauvreté endémique. Dans le monde entier, en fait de lutte contre la misère, l’heure est loin d’être au triomphalisme. Plus d’un milliard d’êtres humains vivent dans ce que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) appelle la « misère absolue », sans revenu fixe, sans travail régulier, sans logement adéquat, sans soins médicaux, sans nourriture suffisante, sans accès à l’eau potable, sans école. 30 ans après l’appel à l’action du Père Joseph Wresinski, le géniteur de cette « Journée du refus de la misère », à un monde de partage, on constate avec regret que la destruction de plus d’un milliard d’êtres humains par la faim s’effectue toujours dans une sorte de désinvolture glaciale, sur une planète pourtant débordante de richesses. Et tout semble être fait pour que la situation empire au regard des signaux actuels : les changements climatiques, le terrorisme, l’insécurité, la montée des égoïsmes nationaux avec plus que jamais la « culture du chacun pour soi » ; toutes choses qui constituent malheureusement des causes qui annihilent les efforts fournis pour une planète en manque des trois repas quotidiens. Quand on regarde la marche du monde, on ne peut que parvenir à la conclusion que la misère est un phénomène entretenu et voulu. Toutes les études ont démontré à suffisance que la terre regorge du nécessaire pour nourrir ses occupants. Il faut donc aller au-delà des hypocrisies et sortir des sentiers battus, si l’on veut une planète où personne ne mange de vache enragée.

La pauvreté extrême est la conjugaison de plusieurs échecs

D’ici à 2030, le monde devrait être débarrassé de l’extrême pauvreté, selon les prévisions du PNUD. Cela est-il possible quand on sait que chaque année, des dizaines de millions de mères gravement sous-alimentées mettent au monde des dizaines de millions d’enfants malnutris ? Comment faire en sorte que les richesses augmentent avec la démographie ? C’est un aspect sur lequel on aurait tort de faire l’impasse. La lutte contre la misère n’est pas qu’économique. Elle est multidimensionnelle. L’Afrique, par exemple, constitue le lieu où la misère la plus crasse fait le plus de victimes. Certains pays d’Asie se sont extirpés des griffes de ce mal, par leur ardeur au travail. Plutôt donc que de se lamenter sur leur sort, les Africains gagneront à se remettre au travail avec plus de détermination. Par ailleurs, ce fléau tire sa source de l’individualisation à outrance de la société, née du capitalisme sauvage. Partout où cette idéologie est quasiment institutionnalisée, l’on voit mal comment on pourrait venir à bout de la pauvreté, sauf à vouloir faire preuve d’hypocrisie. Dans un tout autre registre, la pauvreté extrême est la conjugaison de plusieurs échecs : échec de la production alimentaire, échec de l’accès à l’énergie et surtout échec de la politique des Etats. Comment vaincre le mal avec des mots ? Pire, dans un monde victime des changements climatiques, il faut convenir que l’agriculture pratiquée avec des moyens rustiques ne pourra guère permettre d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. La question de la modernisation de l’agriculture est donc un passage obligé en Afrique, pour vaincre la misère. L’accès à l’énergie est également l’une des voies pour venir à bout de l’extrême pauvreté et sortir de l’ornière. Partout en Afrique, il faut relever le défi de l’électrification rurale.

Enfin, vaincre la pauvreté est d’abord un choix politique. Mais quand on a à la tête des Etats sous-développés, des gouvernants sans vision, qui pensent plus à leur panse qu’aux besoins vitaux des populations, on ne peut qu’avoir des hommes et des femmes affamés, éclopés par les souffrances quotidiennes. Pour vaincre la misère, peut-être l’Afrique devrait-elle commencer par avoir des gouvernants qui mettent au cœur de leur politique l’humain.

Ousmane TIENDREBEOGO


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