HomeA la uneLASSANE SAVADOGO, SECRETAIRE EXECUTIF NATIONAL DU MPP « Que les gens travaillent à rassembler des baobabs, nous leur souhaitons du plaisir»

LASSANE SAVADOGO, SECRETAIRE EXECUTIF NATIONAL DU MPP « Que les gens travaillent à rassembler des baobabs, nous leur souhaitons du plaisir»


Notre rendez-vous hebdomadaire pour Mardi Politique, c’est avec le Secrétaire exécutif national du parti au pouvoir, le MPP. Lassané Savadogo, par ailleurs actuel Directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), nous entretient sur la vie de son parti et également sur des questions d’actualité comme l’affaire des véhicules ministériels, la délocalisation des Conseils des ministres,  le discours du chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, au dernier congrès de l’ex-parti au pouvoir, le CDP. Avec lui, nous avons aussi abordé la question de la politisation de l’Administration. Lisez plutôt !

 

 

« Le Pays » : Comment se porte le MPP au Nord, après la disparition de Salifou Diallo ?

 

Lassané Savadogo (LS) : La disparition du camarade et frère, Salifou Diallo, est un coup dur pour le parti et plus particulièrement au niveau de la région du Nord. Mais nos engagements politiques ont pris le dessus sur nos sentiments et nous constatons que d’une manière générale, le parti se porte très bien dans la région du Nord. Cela veut dire que nous avons surmonté cette épreuve et les perspectives sont positives pour le renforcement du parti dans la région.

 

Mais il se trouve que la désignation du président de la fédération régionale du MPP/Nord, divise. Où en est-on aujourd’hui ?

 

C’est vrai que nous avions deux candidats pour la présidence de la fédération régionale. Nous sommes toujours en train de faire des concertations. Ce qui se passe, c’est qu’avec un grand parti comme le MPP, le renouvellement des structures ne peut pas se faire comme dans un long fleuve tranquille. Il y a des soubresauts, des difficultés de toutes natures que l’on rencontre un peu partout sur l’ensemble du territoire national. Donc, ce n’est pas seulement spécifique à la région du Nord. Mais, nous menons des concertations. Cela veut dire que le dialogue est maintenu. Souvent, les divergences ne sont pas d’ordre politique. Il existe aussi des problèmes d’ordre relationnel entre les uns et les autres. Nous travaillons à surmonter toutes ces divergences et à œuvrer pour que la cohésion revienne au niveau de l’ensemble des camarades.

 

Cela n’a pas empêché le bruit de courir pour dire que la non désignation du ministre Smaïla Ouédraogo, s’explique par le fait que son mentor Salifou Diallo ne vit plus. Qu’en dites-vous ?

 

Je dis que personne n’a été retenu pour le moment. Nous sommes toujours en train de faire des concertations.

 

L’élection a-t-elle été annulée ?

 

Elle n’a pas été annulée. Nous avons un processus de désignation. Il y a un collège de désignation qui a fait une proposition au bureau exécutif national qui va la soumettre au bureau politique national qui, à son tour, décidera de la validation ou de la non validation de ladite proposition. Pour le moment, les propositions qui ont été faites par le collège de désignation, n’ont encore été validées ni au niveau du bureau exécutif ni au niveau du bureau politique. Donc, pour l’heure, nous ne pouvons pas dire que c’est untel qui a été retenu. Nous prenons le temps de réduire les lignes de fracture de telle manière à ce que le parti reste uni après la validation des propositions, en ce qui concerne la désignation du président de la fédération du Nord. Dans tous les cas de figure, je ne pense pas que ce soit une bonne lecture politique des rapports des camarades au niveau de la région du Nord, de penser qu’untel est de tel bord et untel de l’autre bord. Notre préoccupation, au sein du parti, que ce soit au niveau national ou au niveau de la région du Nord, c’est de travailler à l’unité de l’ensemble des camarades. Le parti fonctionne sur la base de valeurs partagées et non dans une logique de juxtaposition de clans. Le MPP est un regroupement de camarades partageant en commun un certain nombre de valeurs qui sont celles de la social-démocratie.

Vous êtes le leader naturel du MPP dans la région du Nord après la disparition de Salifou Diallo, n’est-ce pas ?

Personnellement, je ne sais pas ce que recouvre la notion de leader. Ce terme n’existe pas dans nos textes. Nous, nous avons des responsables au niveau national. Il y a également des camarades qui sont responsabilisés à un niveau régional, provincial, communal et au niveau des villages. Maintenant, la réalité politique peut amener un camarade à jouer un certain rôle, en dehors des rôles codifiés par les textes. Il ne s’agit donc pas d’un statut de quelque nature que ce soit, mais d’une situation donnée qui peut amener une personne à être un facteur d’unité, de rassemblement ou à être un facilitateur. Pour moi, c’est comme cela que les choses doivent être conçues.

 

Votre nom avait été cité parmi les potentiels successeurs de Salifou Diallo au perchoir, parce que vous êtes de la région du Nord. Il se laisse entendre que des militants de votre parti auraient été frustrés par le fait que, finalement, la présidence de l’Assemblée nationale n’a pas échu à un ressortissant de la région. Vous êtes-vous senti aussi frustré  ?

 

Il faut se dire qu’on n’a jamais procédé à une répartition régionale des responsabilités, dans le cadre de la gestion de l’Etat. Personne n’a dit quelque part que la présidence de l’Assemblée nationale était une part qui revenait à la région du Nord. Ce sont ses mérites personnels, son envergure et l’espace qu’il occupait au sein du parti, qui ont été les facteurs déterminants pour que le camarade Salifou Diallo se retrouve à  la tête de l’Assemblée nationale. Du moment où il n’est plus là, il n’est écrit nulle part que la personne qui doit le remplacer, doit venir obligatoirement de la région du Nord. Si on s’engage dans cette voie, ça sera comme si  on emprunte la voie de la libanisation de notre pays. Et cela est très mauvais. Nous, nous sommes des sociaux-démocrates. Nous sommes des républicains et nous voulons un pays uni, sur la voie de la construction de la Nation. C’est ça qui est l’élément le plus important. Le fait donc d’appartenir à telle ou telle région, n’est pas un critère déterminant chez nous. Cela ne nous gêne en aucune manière, aussi bien à notre niveau qu’au niveau même des populations à la base, que le remplaçant du regretté Salifou Diallo ne soit pas quelqu’un du Nord. Du reste, même si on raisonnait sur un plan purement sociologique, l’actuel président de l’Assemblée nationale est notre neveu. Sa maman vient de notre région. Sachant la place qu’occupe le neveu dans nos sociétés, je ne pense pas qu’il y ait une frustration particulière par rapport au fait que le successeur de feu Salifou Diallo au niveau de l’Assemblée nationale, ne soit pas du Nord.

Il semble exister une sorte de guerre de leadership au niveau de la fédération MPP/Nord. Ne pensez-vous pas que cela risque de fragiliser votre parti dans la région?

 

Les gens commettent des erreurs. La fédération est une structure légère mise en place pour coordonner les activités des sections provinciales, tout en contribuant au renforcement et au rayonnement du parti au niveau de la région. C’est une structure qui est au-dessous des structures nationales. Donc, il ne faut vraiment pas donner d’importance à cette structure plus qu’il n’en faut. Vous savez également que la région n’est pas une circonscription électorale, mais plutôt la province. Les efforts que nous faisons politiquement, sont orientés beaucoup plus vers la province en tant que circonscription électorale que vers la région. C’est dire que les gens se trompent un peu par rapport à l’importance de la fédération, dans notre dispositif organisationnel.

Le jeu n’en vaut donc pas la chandelle ?

Je ne dis pas que ce n’est pas une structure importante, mais je dis seulement qu’il y en a qui pensent peut-être que quand on est président de la fédération, on occupe un statut de leader au niveau de la région. Tel n’est pas le cas. Dans les textes du parti, la fédération n’a pas vocation à jouer ce rôle-là.

 

La mairie de Gourcy a connu une crise il y a quelque temps. Peut-on à présent dire que cela relève désormais du passé ?

 

La vie des communes est ainsi faite qu’à chaque fois, il y a des difficultés qui apparaissent. Maintenant, il faut arriver à les surmonter. Mais ce n’est pas parce qu’on a surmonté une situation difficile que l’on peut, pour autant, dire que la voie est dégagée pour l’avenir en ce sens que d’autres types de difficultés peuvent apparaître à tout moment. Sinon, pour la crise à laquelle vous êtes allusion, je pense que nous y avons trouvé des solutions. Ce n’est pas pour autant que je peux affirmer que tout est rose et qu’il n’y aura pas d’autres difficultés. Nous travaillons naturellement à prévenir une éventuelle crise et à créer les conditions pour qu’il y ait la cohésion au niveau du conseil municipal, de telle manière que tous les efforts soient consacrés à la mise en œuvre du programme présidentiel au niveau de la commune de Gourcy. Il faut économiser les bagarres inutiles qui peuvent nous divertir et nous éloigner de nos objectifs fondamentaux.

En dehors de Gourcy, il y a un certain nombre de mairies qui sont traversées par des crises, comme l’arrondissement 3 de Ouagadougou, la commune de Saponé qui a été même mise sous délégation spéciale, pour ne citer que ceux deux exemples. Et généralement, c’est le MPP qui est pointé du doigt comme étant le fauteur de troubles. Qu’en dites-vous ?

 

Si vous faites une analyse approfondie des mairies qui sont en crise, vous constaterez que ces crises sont de différentes natures. Il y a effectivement des crises qui sont provoquées par des dissensions à l’intérieur même du groupe des conseillers municipaux MPP. On ne peut pas le nier. C’est le cas à Saponé, à Dissin et dans d’autres communes. Il y a aussi des crises qui ne sont pas du fait des conseillers municipaux MPP. C’est le cas à l’arrondissement 3, où le groupe des conseillers municipaux qui sont contre le maire actuel, ne sont pas uniquement du MPP.  Par ailleurs, les causes des crises que rencontrent les communes, sont diverses. En ce qui concerne Saponé, c’est une crise qui va au-delà des appartenances politiques partisanes. La situation est antérieure à la mise en place du conseil municipal. Et les solutions à apporter à cette question, ne sont pas forcément politiques parce que les problèmes posés ne sont pas forcément d’ordre politique. En faisant une lecture froide de la situation des communes qui traversent des difficultés, on verra que chaque crise est spécifique. Si l’on veut trouver des solutions, il donc faut tenir compte de ces spécificités. Au niveau de notre parti, s’il s’agit de crises d’ordre politique à l’interne, nous travaillons à les résorber en cultivant notamment le dialogue. Et cela donne des résultats.

D’aucuns estiment que le MPP est plutôt dans une logique de créer des problèmes dans les mairies contrôlées par l’opposition. Que leur répondez-vous ?

 

Depuis le départ, nous avons fixé notre ligne de conduite. Nous avons dit que nous respectons le suffrage exprimé par les populations. Nous sommes allés à des élections, avec la participation de différents partis politiques et le corps électoral s’est prononcé. Nous respectons donc le choix fait par les électeurs. Là où nous sommes majoritaire, naturellement, conformément aux textes de la République, c’est nous qui devons gérer la mairie. Là où c’est l’alliance des partis de la majorité présidentielle (APMP) qui a raflé la mise avec le MPP comme le parti ayant le plus grand nombre de conseillers, nous nous organisons pour gérer la commune. Là où c’est un autre parti membre de l’APMP autre que le MPP qui a le plus grand nombre de conseillers, nous ne présentons pas de candidat. Nous soutenons celui proposé par ce parti allié. Là où nous avons perdu la majorité, aussi bien le MPP que l’APMP, nous nous alignons derrière le choix fait par la population à la base. Donc, les choses sont suffisamment claires à notre niveau. Maintenant, au niveau local, les ressorts ne sont pas exactement ceux sur lesquels nous, au niveau national, nous nous appuyons. Il y a d’autres types d’affinités, d’autres types de contradictions qui vont au-delà des affinités politiques ou des antagonismes politiques. C’est ce qui rend complexe, la gestion de cette situation.

 

L’acquisition de nouveaux véhicules ministériels, a suscité une polémique. Qu’est-ce que cela vous inspire comme commentaire ?

 

J’ai eu la chance d’avoir participé, à un moment donné de ma vie professionnelle, à des réflexions sur la gestion du parc automobile de l’Etat. Je peux dire que j’ai contribué à l’élaboration de l’actuel texte qui réglemente l’utilisation des véhicules de l’Etat. A l’époque, la problématique qui se posait, était celle de savoir comment concevoir l’existence ou la non existence d’un parc automobile de l’Etat, avec toutes les implications. A l’époque, on avait considéré que ce n’était pas réaliste de supprimer purement et simplement l’existence d’un parc automobile de l’Etat. On a voulu plutôt réglementer l’utilisation et surtout les acquisitions. Quand je regarde le débat actuel, je constate qu’il y a deux types de positions. Il y a une position que je considère comme étant démagogique. Ceux qui disent ce n’est pas normal de faire de telles dépenses dans le contexte actuel alors que cet argent aurait pu être utilisé pour construire des écoles ou pour faire face à l’insécurité, je trouve que c’est de la démagogie politique. En revanche, je m’intéresse beaucoup à l’opinion de ceux qui disent que ce n’est pas le principe d’acquérir les véhicules qui pose problème, mais plutôt leur standing ou leur qualité. Je pense, effectivement, qu’il faut qu’on engage une réflexion en la matière, pour que nous soyons dans la dynamique de la réduction du train de vie de l’Etat. Il faut bien qu’au niveau du gouvernement, on mène des réflexions pour savoir de quel type de véhicules nous avons besoin pour mener à bien les missions qui sont dévolues à l’Etat. Ce que les gens ne comprennent pas souvent, c’est que vous pouvez acquérir des véhicules à bas prix, mais ce n’est pas pour autant un bon choix économique. Il y a des véhicules qu’on peut, par exemple, acheter à 20 millions de F CFA et qui peuvent durer 5 à 20 ans. Tout comme on peut acheter des véhicules à 10 millions de F CFA, qui ne vont durer qu’un an. Si l’on doit faire un choix économique raisonné, il vaut mieux e faire un investissement de 20 millions de F CFA pour un véhicule qui va durer une dizaine d’années plutôt que d’acheter un véhicule à 10 millions de F CFA qui ne va durer qu’un ou deux ans. Ce que je dis, ce n’est pas de la théorie, c’est une réalité. A cela, il faut ajouter également un autre élément. C’est l’utilisation des grosses cylindrées en ville. Les véhicules tout terrain étant de gros consommateurs en carburant, ils ne sont pas conçus pour être utilisés en ville.  Pour la ville, il est bon donc de penser à des véhicules de petit gabarit, qui sont moins gourmands en énergie et qui nous permettent, au regard de l’étroitesse des voies, de nous déplacer assez aisément. C’est vrai que Ouagadougou est devenu très grand, que beaucoup de rues, dans les quartiers périphériques, ne sont pas en bon état, et que les véhicules d’un certain gabarit ne sont peut-être pas les mieux indiqués pour circuler sur ces voies. Mais, d’une manière générale, je pense qu’il faut orienter les réflexions dans cette direction-là.

Mais il est dit aussi que le ministre étant un serviteur de l’Etat, le fait de rouler dans un véhicule de haut standing l’éloigne des réalités du bas peuple. Quel est votre avis ?

 

De mon point de vue, le respect qu’on doit au ministre, c’est également le respect qu’on doit à l’Etat et à son autorité. Il y a un minimum de conditions dont doivent bénéficier ceux qui sont commis à des responsabilités, dans le cadre de la gestion de l’Etat. Il ne faut pas tenir compte uniquement de l’environnement économique, mais aussi de notre environnement socio-culturel. Ce sont des éléments qui entrent en ligne de compte dans l’appréciation de ces questions-là. Mais je me dis que dans le contexte actuel, l’élément le plus déterminant, c’est d’œuvrer à réduire, autant que faire se peut, le train de vie de l’Etat sans le paralyser et sans diminuer son efficacité. Nous avons plusieurs priorités et il me semble que la plus grande, à l’heure actuelle, c’est de travailler à répondre aux préoccupations basiques des populations. Je suis intéressé par une réflexion tendant vraiment à concilier la nécessité de donner les moyens qu’il faut à l’Etat pour exercer ses prérogatives tout en limitant autant que faire se peut le coût de fonctionnement de l’Etat, dont le coût lié à l’acquisition des véhicules mis à la disposition des membres du gouvernement.

La gouvernance du MPP est décriée, notamment sur le plan sécuritaire. Diriez-vous que tous ceux qui affirment cela ont tort ?

 

Je n’ai pas à donner tort à des citoyens qui se sentent en insécurité, quand ils font des critiques au gouvernement par rapport à ce qu’il fait ou ne fait pas pour leur sécurisation. La première mission de l’Etat, c’est d’assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens. Donc, si sur une partie du territoire national, les citoyens ne se sentent pas en sécurité, cela est de la responsabilité de l’Etat. Comme c’est nous qui assurons la gestion de l’Etat, c’est donc notre responsabilité. Cela nous paraît être une évidence. Seulement, ceux qui pensent qu’il suffit qu’eux arrivent au pouvoir pour que la question de l’insécurité soit résolue, peut-être  prennent-ils les autres pour des gens qui ne réfléchissent pas. Pratiquement, l’ensemble des Etats du monde connaissent le phénomène du terrorisme. On sait également que c’est un problème auquel on ne peut pas trouver des solutions par miracle. Donc, je ne pense pas qu’on puisse dire que l’insécurité, telle qu’elle se manifeste à l’heure actuelle, soit le fait de la gouvernance du MPP et qu’il suffit que d’autres partis arrivent au pouvoir pour que le problème soit résolu. Personne ne croit à cela. C’est un mensonge. C’est un problème plus sérieux et plus grave que cela. Il faut d’abord travailler à créer l’unité nationale autour de cette question et il faut éviter de politiser la gestion de ce dossier. Il faut également travailler à trouver une bonne stratégie pour lutter contre le phénomène. Notre dispositif sécuritaire doit s’adapter à ces nouvelles formes de menaces qui ont fait leur apparition ces dernières années. En tous les cas, nous sommes responsables de la sécurité de tous les Burkinabè sur tout le territoire national, mais nous savons également que ce n’est pas parce que nous avons failli que ce problème-là se pose. Il y a le facteur environnement. Il y a un ensemble de mesures d’adaptation ainsi qu’un certain nombre d’initiatives qu’il faut mettre en place pour faire face à ce phénomène. Et j’ai bon espoir que dans les mois à venir, nous allons trouver la riposte appropriée pour ramener la paix, la quiétude sur l’ensemble du territoire national, y compris la région septentrionale de notre pays.

Le CFOP dit que la décision de délocaliser les conseils des ministres dans les régions, est une précampagne déguisée. Pensez-vous qu’il se fourvoie ?

 

Quand on est dans le contexte de la démocratie et au fur et à mesure que s’approche 2020, il  faut s’attendre à ce que les questions qui ne devraient pas faire l’objet de polémique, deviennent des questions d’enjeux politiques. Sinon, vous savez très bien que les Conseils des ministres délocalisés n’ont pas commencé maintenant. En revisitant l’histoire de notre pays, vous constaterez que depuis les années 70, il y a eu délocalisation des conseils des ministres. Vous voyez que dans le cadre du Traité d’amitié entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, il y a des conseils des ministres ivoiro-burkinabè qui se tiennent alternativement à Yamoussoukro et à Ouagadougou. Donc, la décision prise par le gouvernement de tenir les Conseils des ministres dans les régions, participe, pour moi, de la simplification de la gestion de l’Etat. Pour des citoyens qui sont hors de Ouagadougou, la tenue d’un Conseil des ministres dans une localité quelconque, contribue à simplifier et à démystifier l’Etat. Et les sorties des membres du gouvernement peuvent être mises à profit pour constater de visu la mise en œuvre du programme du président, sur la base des préoccupations réelles des populations. De mon point de vue, c’est une très bonne mesure qu’on gagnerait à renforcer. Moi, ça ne me gênerait même pas qu’un Conseil des ministres puisse se tenir dans un village, sous un arbre, et que, pour certaines questions, les populations soient invitées à venir assister aux débats. Nous sommes dans une démocratie et tout doit se faire pour le compte de nos populations. Par conséquent, tout ce qui peut permettre de rapprocher nos institutions de nos populations, est, pour moi, une bonne chose. Maintenant, l’utilisation qui peut en être faite à des fins de communication politique par les uns et les autres, est tout à fait normal également. Mais nous, nous savons pourquoi nous faisons cela. Ce n’est pas à des fins de campagne. C’est pour se rapprocher des populations et constater les réalités du terrain qui devront nous enseigner sur les décisions que nous devons prendre pour améliorer les conditions de vie de nos populations.

 

Il a toujours été question de lutter contre la politisation de l’Administration. Que faites-vous pour cela, quand on sait que vous êtes un responsable de parti qui a été placé à la tête de cette institution qu’est la CNSS ?

 

Quand on parle de politisation de l’Administration, la question que je me suis toujours posée, c’est de savoir quel est le contenu qu’on peut donner à cette notion. Pour moi, l’Administration est déjà, par essence, politique. Ensuite, l’Administration est un outil dont dispose un gouvernement, pour la mise en œuvre de sa politique. De ce point de vue, quand on parle de politisation de l’Administration, cela me paraît être une métonymie. Ce que je sais, c’est que l’Administration fonctionne sur la base d’un certain nombre de principes. Elle est impartiale, neutre politiquement parlant, traite l’ensemble des usagers sur un pied d’égalité et est vouée à servir l’intérêt général. Ce sont autant de principes qui gouvernent une administration. Nous avons l’obligation de faire en sorte que ces principes-là, soient respectés. C’est à cette condition que l’on pourra avoir une administration républicaine. Si je viens à mon bureau, habillé avec une tenue portant les insignes de mon parti, à ce moment, je n’incarne plus l’Administration. Cela enfreint la lettre et l’esprit de la mission républicaine. Si j’utilise les locaux de la CNSS pour tenir des AG ou des réunions politiques, cela est contraire aux principes de l’administration républicaine. Si dans mes rapports avec les agents ou avec les assureurs sociaux, ce sont plus des liens d’affinités politiques qui prévalent plutôt que les liens de travail ou professionnels, là, il y a problème. Je pense que vu sous cet angle, la nomination d’un politique à la tête d’une administration, ne peut pas être interprétée comme la manifestation d’une politisation de l’Administration. Tout est dans la façon dont la personne conduit sa mission. C’est ma compréhension des choses, et je m’en tiens à cette rigueur d’une administration républicaine, dans ma façon de gérer mes responsabilités administratives.

Mais vous n’auriez pas constaté un afflux des travailleurs de la CNSS, au MPP ?

 

Je ne m’intéresse pas à cela particulièrement. Dans notre parti, il y a une structure, à savoir le secrétariat chargé des secteurs structurés, qui s’occupe des travailleurs salariés du public aussi bien que du privé. Quand je viens au bureau, je ne me préoccupe pas vraiment de cette question. Ceux qui veulent être militants du MPP, savent où aller pour prendre leur carte d’adhésion. Dans tous les cas, les travailleurs savent très bien qu’être militant du MPP au niveau de la CNSS, ne confère pas d’avantages particuliers. Même pour les nominations, je m’en suis tenu au nouvel organigramme. C’est sur la base des critères professionnels que les différentes nominations sont faites. Je ne travaille pas seul. Je travaille avec des collaborateurs très professionnels, techniquement compétents et dévoués dans la protection des intérêts de la CNSS. De ce point de vue, si des agents de la CNSS décident d’adhérer au MPP, c’est peut-être pour d’autres raisons, mais ce n’est pas pour prétendre à des avantages particuliers liés à ma présence à la tête de l’institution. Du reste, chaque jour que je vais au siège du parti, je reçois des tas de demandes d’adhésion, mais ce ne sont pas des gens qui viennent de la CNSS.

Quel commentaire faites-vous de la sortie de Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition qui, lors du congrès du CDP, déclarait qu’il existerait trois baobabs dans le paysage politique burkinabè et que si deux se réunissaient, ils terrasseraient le troisième ?

 

Etant donné que le chef de file de l’opposition était invité au congrès d’un parti qui est affilié au chef de file de l’opposition, je trouve tout à fait normal qu’il tienne un discours visant à faire plaisir à son auditoire. Je dis seulement que l’image des trois baobabs correspond à une certaine forme de réalité, dans la mesure où si l’on regarde la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, il y a trois grands partis, eu égard au nombre de sièges dont dispose chacun. Le premier parti, c’est le MPP, le second, l’UPC et le troisième, c’est le CDP. Maintenant, je ne sais pas si l’UPC est toujours un baobab, avec tous les problèmes internes que ce parti connaît depuis un certain temps, avec l’apparition d’un groupe parlementaire dissident, l’UPC-RD. Même si c’était un baobab, je crois qu’il est moins grand aujourd’hui  que par le passé. En ce qui concerne le CDP, dire que c’est un baobab, je peux ne pas en disconvenir. Mais, je constate également que c’est un baobab qui a perdu beaucoup de branches et de feuilles. Donc que les deux baobabs se mettent ensemble, je ne vois pas comment ils pourront terrasser le troisième. Je pense que c’était une affirmation de circonstance, pour peut-être chauffer la salle. Mais du point de vue politique, je ne sais pas quelle implication cela peut avoir. C’est possible que pour les échéances à venir, il y ait une certaine forme d’alliance entre le CDP et l’UPC. Je me dis qu’ils sont déjà alliés à travers leur appartenance commune au CFOP. Et au niveau du MPP, nous n’avons nulle crainte d’une alliance de quelque nature, entre l’UPC et le CDP. Nous comptons d’abord sur nos propres forces et nous comptons sur les forces de nos alliés. Nous nous préparons, naturellement, à aborder l’échéance de 2020 en toute sérénité. Que deux baobabs se mettent ensemble ou pas, le MPP continuera son bonhomme de chemin et avec ses alliés, nous n’avons pas de crainte que nous allons, encore une fois, bénéficier de la confiance des populations. Ce qui nous préoccupe à l’heure actuelle, c’est de travailler à la mise en œuvre du programme présidentiel. Que des gens travaillent à rassembler des baobabs, nous leur souhaitons du plaisir. Nous, nous travaillons à la mise en œuvre du programme du président du Faso, au plus grand bénéfice de nos populations, dans les villages et dans les différentes contrées du Burkina Faso.

D’aucuns pensent plutôt que le CDP, l’ex-parti au pouvoir, sort renforcé de son 7e congrès. N’êtes-vous donc pas de cet avis ?

 

On dit que la salle du Palais des sports a été remplie et qu’il y avait du monde dans la cour. Je pense que même un parti moyen peut remplir le Palais des sports. Ensuite, quel était le statut de ceux qui y étaient ? Je connais des gens qui sont allés à ce congrès en catimini et ils sont rentrés chez eux également en catimini, parce qu’ils ne voulaient même pas que l’on sache qu’ils sont venus à Ouagadougou pour participer à une activité du CDP. En réalité, la plupart des gens qui étaient à ce congrès, sont des éléments isolés qui ne peuvent pas contribuer à faire rayonner le parti dans leurs environnements respectifs. Sur le terrain, nous sommes en contact avec les populations à la base et nous savons ce que vaut chaque parti sur l’échiquier politique. Nous avons un regard serein sur le rapport des forces qui existent au niveau de l’échiquier politique national. Et ce n’est pas la tenue de ce congrès-là, qui peut nous créer des inquiétudes de quelque nature que ce soit. Du reste, nous savons comment les choses se passent là-bas. Chaque parti a ses problèmes. Nous, nous avons nos problèmes, les autres aussi.

C’est dire que ce parti ne vous donne pas aujourd’hui des insomnies ?

 

En toute objectivité, nous, nous sommes également comptables de la vitalité démocratique au Burkina Faso, puisque c’est nous qui gérons le pouvoir d’Etat. Qu’il y ait des partis qui soient en mesure de rivaliser avec le MPP, c’est une bonne chose pour nous. Dans le passé, notre démocratie était un peu bancale, parce qu’il y avait un parti dominant et quand on allait à des élections, on connaissait déjà le résultat. Le peuple a refusé cette forme de démocratie qui était une démocratie de façade. Nous sommes maintenant dans une vraie démocratie, avec la possibilité qu’il y ait l’alternance. C’est tout à fait normal qu’un parti puisse se créer, tenir ses instances et qu’il puisse avoir un certain nombre de Burkinabè dans ses rangs. Seulement, nous disons qu’en nous fiant au rapport de forces actuel, au MPP, nous n’avons peur de personne et nous sommes prêts à affronter n’importe quel parti aux élections à venir. Nous sommes sûrs que le peuple nous fait toujours confiance et il nous fera toujours confiance tant que nous resterons mobilisés autour de la mise en œuvre des programmes politiques dont l’objectif final est de trouver des solutions aux préoccupations basiques de nos populations.

 

Interview réalisée par Drissa TRAORE

 

Carte de visite

 

« Je suis docteur en droit de formation. Enseignant de profession. Depuis 1995, j’ai pratiquement cessé l’enseignement pour servir à des niveaux de responsabilités divers. J’ai d’abord été chargé de missions pour les affaires politiques et juridiques du Premier ministère, de 1995 à 2000. De 2000 à 2002, j’ai été le Secrétaire général du Premier ministère. De 2002 à 2007, j’ai été ministre de la Fonction publique et de la réforme de l’Etat. De 2007 à 2012, j’ai été député à l’Assemblée nationale. Ensuite j’ai connu des difficultés dans la gestion de ma carrière, liés à des problèmes d’ordre politique. Et ensemble, avec un certain nombre de camarades, nous avons créé le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). J’étais candidat aux législatives dans ma province, le Zondoma. J’ai été élu naturellement. C’est une des provinces où nous avons fait les meilleurs résultats aussi bien pour la présidentielle que pour les législatives. J’ai siégé  à l’Assemblée nationale. Ensuite, il a plu au président Roch Marc Christian Kaboré de me nommer DG de la CNSS. Au dernier congrès du parti, j’ai été élu secrétaire exécutif national. »


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