HomeA la uneLE GATIA A KIDAL : A pas forcés vers la paix  

LE GATIA A KIDAL : A pas forcés vers la paix  


 

L’actualité au Mali a été marquée le 2 février dernier par un regain de tension consécutif à l’entrée pour le moins surprenante du Gatia, dans la ville emblématique de Kidal, fief incontesté de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) dans le septentrion malien. Toutefois, il y a lieu de signaler qu’aucun coup de feu n’a été tiré, ni d’un côté ni de l’autre, lors de l’« intrusion » de ce groupe armé pro-gouvernemental, dans le fief des rebelles nordistes. Quand on sait que la CMA tient à Kidal comme à la prunelle de ses yeux, il est permis de penser que l’irruption de ce mouvement armé de la plateforme pro-gouvernementale peut être une avancée significative dans le retour à la normale au pays de Soundiata Keïta. S’achemine-t-on alors à pas forcés vers la paix au Mali ? En tout cas, il faut l’espérer. En la matière, la carte de l’apaisement que jouent pour le moment les deux parties et les propos pacifiques du Gatia en mettant les pieds dans la ville symbole, sont autant de présages heureux qui font espérer une issue pacifique à la crise. Si telles étaient les intentions réelles du Gatia et si l’on parvenait à une paix des braves, ce serait tant mieux. Quoi qu’il en soit, la situation à Kidal ne pouvait pas rester indéfiniment en l’état. Il fallait bien crever un jour l’abcès. Et en mettant les pieds dans le plat, le Gatia a courageusement franchi le Rubicon. Au demeurant, cette initiative audacieuse pourrait être payante, pour peu que la situation soit gérée avec doigté. En cela, l’acte du Gatia peut être vu comme un signal fort qui a besoin d’être appuyé par une diplomatie opérante.  En même temps qu’il peut être considéré comme un pied de nez à la communauté internationale qui s’est montrée jusque-là fébrile voire poltronne quant à la question de Kidal. Hier, citadelle imprenable, Kidal pourrait rentrer dans la république par le truchement du Gatia.

L’acte du Gatia n’est peut-être pas l’effet du hasard

Mais avant, l’on ne peut s’empêcher de se demander s’il ne sera pas demandé au Gatia de se retirer de Kidal, comme ce fut le cas quelques mois plus tôt à Anefis qu’il avait justement repris à la CMA. Si cela advenait, quelle serait sa réaction ? Accepterait-il une fois de plus de faire contre mauvaise fortune bon cœur ? Rien n’est moins sûr. En tout état de cause, le silence et l’inaction de la CMA qui s’est souvent montrée vindicative et intraitable sur la question de Kidal peuvent laisser perplexe. Est-ce l’effet de surprise qu’elle compte réserver ? Ou faut-il y voir de la résignation face à un adversaire qui montre plus de répondant ? Est-ce une volonté affichée d’aller à la paix ? Peut-être bien un peu de tout cela. Mais il n’est pas non plus exclu que le contexte international de lutte tous azimuts contre le terrorisme et le djihadisme soient pour quelque chose dans l’attitude pragmatique de la CMA. En effet, au moment où le monde entier est résolument engagé dans la lutte contre le terrorisme, il ne serait pas bon pour la CMA de se retrouver dans une posture où elle pourrait être soupçonnée d’accointances avec  des individus peu recommandables, surtout en l’absence de tout soutien. Et depuis que son Gansoba* de Ouagadougou a élu domicile sur les bords de la lagune Ebrié pour les raisons que l’on sait, la CMA semble avoir perdu de sa superbe, sans oublier les difficultés qu’elle éprouve visiblement sur le terrain, à garder certaines de ses positions. L’acte du Gatia n’est donc peut-être pas l’effet du hasard. Reste à espérer à présent, que l’entrée du Gatia à Kidal, la fleur au fusil, donnera un coup d’accélérateur au processus de retour à la paix définitive au Mali, et que Bamako aussi saisira l’occasion pour aboutir à un véritable compromis entre toutes les parties. C’est tout le mal que l’on peut souhaiter au Mali.

Outélé KEITA

*Gansoba : Tuteur en mooré (langue du Burkina Faso), par allusion à l’ex-président burkinabè Blaise Compaoré qui avait offert gîte et couvert à certains leaders de groupes armés du Nord-Mali, membres de la CMA


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