HomeA la uneLIBERATION DE SEIF AL-ISLAM : Un pas de plus vers la réconciliation nationale  

LIBERATION DE SEIF AL-ISLAM : Un pas de plus vers la réconciliation nationale  


Dans un message rendu public, la « brigade Abou Bakr al-Sadiq », l’un des groupes armés régentant la ville de Zenten, a affirmé que Seif al-Islam a été libéré, le 9 juin dernier. Il faut préciser que c’est le même groupe qui l’avait arrêté en novembre 2011, puis condamné à mort en juillet 2015 pour son rôle dans la répression de la révolte de 2011, à l’issue d’un procès qualifié, à juste titre, de mascarade par l’ONU et des organisations de défense des droits de l’Homme. La nouvelle de la libération du fils le plus en vue de l’ex-dictateur est à prendre avec des pincettes et ce, pour deux raisons essentielles. D’abord, elle a été annoncée par un groupe qui est coutumier du fait qu’il est capable de dire une chose le matin, puis le soir venu, de dire sans aucune gène le contraire. D’ailleurs, cette posture, peut-on dire, est la marque de fabrique de tous les groupes armés qui écument la Libye depuis la chute de Mouammar Kadhafi. L’on se souvient, en effet, pour  illustrer cela, que déjà en juillet 2016 , les avocats du même Seif al-Islam avaient affirmé que leur client avait été libéré à la faveur d’une amnistie. Cette annonce, de toute évidence, n’avait pas correspondu à la réalité.

Seif al Islam est un véritable miraculé

 

La deuxième raison qui oblige à prendre du recul par rapport à la libération du « Glaive de l’Islam »-le nom en arabe de Seif al-Islam- est liée au fait que l’information n’a pas été confirmée par le gouvernement libyen d’union nationale (GNA) installé dans la capitale Tripoli et reconnu par la communauté internationale. Mais dans l’hypothèse où les jours à venir confirmeraient l’effectivité de cette libération, l’on pourrait la décrypter comme un pas de plus vers la réconciliation nationale. Avant de se livrer à cet exercice, il convient de dire que Seif al Islam est un véritable miraculé. En tout cas, il a échappé, sans que l’on s’explique encore comment, au coup fatal du merlin. En effet, après Kadhafi père que l’on a vite fait d’expédier ad patres sans autre forme de procès, Seif al Islam représentait le plus la figure emblématique du système déchu. L’on garde encore en mémoire les propos assassins qu’il avait débités au temps fort de la révolte. Il avait notamment appelé les partisans de son père à « dératiser la Libye ». Venant de la part du principal pilier de la satrapie des Kadhafi, l’on peut facilement imaginer ce que cache cette expression. Un autre élément qui nous fait dire que Seif al Islam est un miraculé, c’est que ses geôliers, c’est-à-dire les milices de Zenten, étaient connus pour leur cruauté et pour leur attachement à la justice expéditive. Pour toutes ces raisons, l’on pouvait s’attendre objectivement à ce que l’on dressât l’échafaud, immédiatement après son arrestation en novembre 2011, pour lui faire subir le sort de son père. Mais puisque Seif al Islam a survécu à tout cela au point, si l’on en croit ses anciens geôliers, d’être désormais libre de ses mouvements, l’on peut être tenté d’affirmer qu’il survivra à n’importe quoi. Mieux, la probabilité de le voir revenir sur la scène politique, si tant est qu’il a été vraiment libéré, est très forte. Déjà, l’on peut faire le constat que bien des Libyens croient dur comme fer que Seif al Islam est incontournable dans la nécessaire réconciliation des fils et filles de leur pays. Les Libyens qui partagent cette conviction, pour ne pas dire cette religion, se retrouvent notamment dans l’Est du pays. Dans cette partie du pays, depuis quelque temps, en effet, l’on ne se cache plus pour affirmer que Seif al Islam Kadhafi est le seul capable d’unifier et de stabiliser la Libye. Mieux, qu’il pourrait même être candidat à une future élection. Dans le Sud du pays également, l’homme compte de nombreux partisans au point qu’à Sebha, certains habitants ont tué le veau gras pour célébrer le 10 juin dernier, l’annonce de sa libération. De façon générale, Seif al Islam est en passe de n’être plus perçu comme le pestiféré d’hier. En tout cas, aujourd’hui, au plan domestique, il a des alliés politiques et non des moindres dont le général Kalifa Haftar. Et sa libération, si elle est avérée, pourrait avoir été suscitée par celui-ci. Car, ne n’oublions pas, tous les groupes armés contrôlant la ville de Zenten où était détenu Seif al Islam, semblent prêcher aujourd’hui pour la chapelle du Général rebelle. Or, il est de notoriété publique qu’ entre Haftar et le chef du gouvernement libyen d’union nationale, Fayez Sarraj qui a la caution de la communauté internationale, les rapports sont très tendus.

Seif al Islam constitue aujourd’hui une valeur marchande

Mais depuis que les deux hommes se sont rencontrés en Egypte à l’initiative du président de ce pays, Al Sissi, l’on peut dire que l’heure est à la décrispation. De ce fait, l’on peut décrypter cette rencontre entre les deux frères ennemis libyens en terre égyptienne, comme le premier pas vers la réconciliation nationale. Et la libération de Seif al Islam, au cas où elle est avérée, pourrait en constituer un autre pas. Car, ils sont nombreux les Libyens qui ne vouent plus aux gémonies le plus emblématique des fils Kadhafi, c’est-à-dire Seif al Islam. Et au-delà de sa personne, ils affichent leur nostalgie pour le régime de Kadhafi. Et sans vouloir excuser la dictature du « Roi des Rois » d’Afrique, l’on peut dire que quelque part, les admirateurs de son fils pourraient avoir raison de l’être. En effet, sous Kadhafi, certes, ils n’avaient pas la liberté, mais ils avaient de quoi se nourrir, s’habiller et se loger. Aujourd’hui, ils n’ont ni la liberté ni les éléments de base de leur vie quotidienne. Et comme de deux maux, le bon sens commande que l’on choisisse le moindre, l’on peut comprendre que bien des Libyens misent aujourd’hui sur la carte Seif al Islam. D’ailleurs, l’on peut se risquer à dire que ces Libyens sont encouragés en cela par la récente évolution politique née de la tension entre d’une part le Qatar, accusé à tort ou à raison de soutenir le terrorisme et d’autre part l’Arabie Saoudite, derrière laquelle se sont rangés bien des pays dont justement l’Egypte. Dans un contexte marqué par le durcissement de la lutte contre le djihadisme,  la carte Seif al Islam pourrait être d’une grande utilité non seulement pour la libye, mais aussi pour le reste du monde. Car, il ne faut pas oublier qu’en la matière, l’homme est une véritable mine. C’est pourquoi d’ailleurs, l’on peut avoir l’impression que l’on est disposé à lui accorder l’amnistie, en dépit du fait qu’il a joué un rôle clé dans la mise en œuvre de la sanglante répression consécutive à la révolte de 2011. En contrepartie, sa libération peut faire bouger les lignes en Libye et par ricochet, partout où les barbus sont en train de faire florès, dont certains, il faut le dire, avaient trouvé gîte et couvert en Libye sous Kadhafi. De tout ce qui précède, Seif al Islam constitue aujourd’hui une valeur marchande. Et ce n’est donc pas la Cour pénale internationale (CPI) qui pourra obliger la Libye, dans le contexte que l’on sait, de lui livrer le colis. Car, pour l’instant, elle a d’autres chats à fouetter.

« Le Pays »


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