MANIFS DU 30 OCTOBRE A OUAGADOUGOU : Des morts, des blessés et des dégâts matériels enregistrés
Face à la volonté du président Blaise Compaoré de faire adopter par forcing le projet de loi portant modification de l’article 37 de la Constitution, le peuple burkinabè a pris ses responsabilités le 30 octobre 2014. Les manifestants, mains nues, ont vaillamment affronté les forces de l’ordre afin d’atteindre leurs objectifs. A Ouagadougou, l’Assemblée nationale, la RTB, l’hôtel Azalaï, le siège du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et des domiciles de leaders de la Majorité et de la mouvance présidentielle, ont subi la furie des manifestants. Au siège du CFOP, l’on apprendra qu’il y a eu des dizaines de morts, une centaine de blessés dans les centres de soins. Retour sur une chaude journée à Ouagadougou.
Ce qui s’est passé à la plénière avant l’arrivée des manifestants
Nous sommes à l’Assemblée nationale (AN) et il est 8h 42mn quand les députés de l’Opposition foulent le sol du bâtiment principal. A cet endroit, tout semblait aller bien car l’AN était hautement sécurisée. Impossible d’y accéder car la salle de conférences était déjà bourrée de ses occupants habituels. 30 mn après, soit à 9h12, Dr Emile Paré franchissait les portails de l’AN. « Je suis un ancien député et conformément à la loi permettant aux civils d’assister à la plénière, je suis là et personne ne peut m’empêcher d’y assister. Je demande aux députés de retirer leur projet de loi pendant qu’il est temps. Regardez vous-même ce qui se passe au niveau du rond-point des Nations unies (NDLR : pendant ce temps, la marée humaine n’avait pas encore franchi la barrière du rond-point). Blaise Compaoré doit démissionner et il doit le faire aujourd’hui car il ne mérite plus de diriger ce pays, sinon ça va chauffer », a-t-il fulminé. Et comme si Dr Emile Paré était un devin, 15 mn plus tard, soit à 9h26mn, la foule était sur Charles De gaulles en train de se diriger vers l’Assemblée nationale. Au sein des forces armées, notamment la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) et le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), c’était le sauve-qui-peut. « Il vaut mieux qu’on cède car il n’y a plus de solution », a laissé entendre un policier. Et à la plénière où rien n’avait encore été décidé, c’était la panique et la débandade. Il fallait mettre en place une stratégie pour pouvoir faire sortir les députés de la Majorité et de la mouvance présidentielle sains et saufs. Selon le témoignage des députés de l’Opposition, c’est sûrement un car qui a dû sortir avec eux. Après l’Assemblée nationale, les antiréférendum se sont dirigés à la Télévision nationale où tout a été réduit à néant.
Le CFOP demande la démission de Blaise Compaoré
30 mn après sa première déclaration, face à la pression de la foule, le chef de file l’opposition, Zéphirin Diabré, s’est vu obligé de faire une seconde déclaration pour exiger la démission pure et simple du président Compaoré. Nous vous proposons l’intégralité de ladite déclaration.
« Chers compatriotes, chers Burkinabè, il y a de cela quelques instants, l’opposition politique avait exigé le retrait pur et simple du projet de la loi portant modification de l’article 37 et l’abstention du Président Blaise Compaoré de toucher à la Constitution. Depuis lors, les choses ont dramatiquement évolué. Les informations qui nous sont parvenues font état de ce que des dizaines de morts jonchent les rues de la capitale et du pays. Face à cette escalade barbare, l’opposition politique, ici, solennellement, exige la démission pure et simple du président du Faso, Blaise Compaoré. »
1 mort et une cinquantaine de blessés graves
La manif a enregistré des pertes en vies humaines et de nombreux blessés graves. A l’hôpital Yalgado Ouédraogo où nous nous sommes rendus aux environs de 12h10 mn, le bilan était d’un mort et d’une cinquantaine de blessés par balles, essentiellement des jeunes.
Des blessés couchés à même le sol par-ci, des cris par-là, des agents de santé débordés par les évènements, des accrochages entre agents de santé et accompagnants des blessés, bref voilà l’ambiance qui régnait à notre arrivée à l’hôpital Yalgado Ouédraogo, à Ouagadougou, à 12h 10mn. Le spectacle était tout simplement triste. La plupart des patients était des jeunes. Selon Soumaïla Ouédraogo, médecin-enseignant à la faculté de Médecine à l’Université de Ouagadougou et responsable à la coordination médicale dans le cadre de la marche, ce sont un décès et 52 blessés graves par balles qui avaient été admis dans ledit hôpital à notre arrivée (NDLR : 12h 10mn) et la majorité était prise en charge au niveau du bloc opératoire. A l’en croire, les blessés souffraient de fractures, de traumatismes crâniens, étaient composés essentiellement de jeunes. « En dehors d’un vieux qui a eu un traumatisme crânien ouvert, tous les autres sont des jeunes », a-t-il souligné. Situation oblige, les autorités sanitaires de l’hôpital ont mis les bouchées doubles pour faire face à l’afflux des blessés. « La direction de l’hôpital a voulu vraiment faciliter les choses en ouvrant les nouveaux locaux des urgences traumatologiques qui ne sont pas encore réceptionnées. Les patients ont été reçus au niveau des urgences traumatologiques et viscérales… L’hôpital a fait appel à tout le personnel soignant disponible pour appuyer celui en service. Des anesthésistes sont venus, des chirurgiens sont venus», a laissé entendre Smaïla Ouédraogo. Quant au défunt âgé d’une vingtaine d’années, il a été blessé par balle au niveau du flanc gauche. « Reçu au niveau des urgences traumatologiques, les agents de santé ont fait tout ce qu’il fallait mais ils n’ont pas pu le sauver », a ajouté M. Ouédraogo, selon qui l’hôpital a mis à la disposition une certaine quantité de médicaments. Le CFOP a mis en place un système de prise en charge gratuite des ordonnances de toutes les personnes blessées dans le cadre de cette manifestation. Au moment où nous quittions les lieux aux environs de 13h, les blessés continuaient d’être évacués à l’hôpital Yalgado.
Issa SIGUIRE, Colette DRABO, Mamouda TANKOANO et Rita BANCE
ENCADRE
Dans les coulisses
François Compaoré arrêté à l’aéroport
Pendant que les manifestants se dirigeaient chez François Compaoré, le chouchou de la FEDAP/BC cherchait assurément à sauver sa peau. Avant la première déclaration liminaire de Zéphirin Diabré, l’on apprenait du CFOP que François Compaoré avait été arrêté à l’aéroport international de Ouagadougou.
Kouamé Lougué sollicité
Après avoir saccagé l’AN et autres édifices (TNB, Azalaï hôtel, etc.) et mis le feu à des véhicules, des manifestants ont pris d’assaut la place de la Nation. Là, ils étaient des centaines de milliers à aller demander aux militaires du Camp Guillaume Ouédraogo de prendre « leurs responsabilités ». « Nous sommes venus demander à l’armée de prendre le pouvoir, nous attendons qu’elle sorte. Et c’est Kouamé Lougué que nous voulons comme président intérimaire jusqu’à ce que les élections soient organisées en 2015», a indiqué un des manifestants.
La cour de Paramanga Ernest Yonli, président du CES, saccagée
La cour de l’ex-Premier ministre du Burkina Faso, celui qui aura fait 7 ans à ce poste, aujourd’hui président du Conseil économique et social (CES), a été saccagée par une foule de manifestants.
Adjima David Thiombiano a failli être lynché par les manifestants
Notre confrère de la RTB, actuel Rédacteur en chef de la RTB/télé, a eu la chance. En effet, une foule en furie l’avait sorti de son véhicule pour le lyncher. Grâce à certaines bonnes volontés, l’homme a eu la vie sauve.
Quand Zéph est obligé de faire deux déclarations
Au CFOP, les manifestants étaient impatients d’entendre la déclaration de Zéph. «L’Opposition exige ici et maintenant le retrait définitif et sans condition du projet de loi portant modification de l’article 37 de la Constitution. Elle demande au président du Faso de s’abstenir de tout projet touchant de près ou de loin la Constitution ». C’est la substance de la première déclaration faite par Zéphirin Diabré. Une déclaration qui engendra le courroux des manifestants qui demandent le départ pur et simple de Blaise Compaoré. « Il y a eu des morts ; il faut qu’il démissionne sinon, c’est à vous qu’on va s’en prendre », a laissé entendre un manifestant. Situation oblige, et après des tractations avec d’autres chefs de partis politiques de l’opposition, Zéph est revenu à la charge en faisant une 2e déclaration. « L’Opposition politique, ici solennellement, exige la démission pure et simple du président Blaise Compoaré », a-t-il déclaré.
Ce qui les anime
Me Guy Hervé Kam du Mouvement le Balai citoyen
« Aujourd’hui, nous avons su qu’il n’y a pas d’hommes forts mais de peuple fort. C’est un jour historique, le peuple a repris sa démocratie. Nous attendons du président, de son gouvernement et de l’ensemble de ses députés, leur démission parce qu’ils ont montré au peuple qu’ils ne sont là pour lui mais pour leurs intérêts personnels. Ils nous ont montré qu’ils ne sont pas dignes d’être les fils de ce pays ».
Marcel Tankoano du M21
« Je pleure de joie car cela fait un an que je lutte et on m’a licencié de la RTB pour cela. Et depuis lors, je suis là sans métier, je n’arrive pas à payer la scolarité de mes enfants. Aujourd’hui, c’est un autre jour. Le dictateur Blaise Compaoré qui a mis son pays en retard, est tombé. Il a été chassé par le peuple qui en a marre de sa dictature. Regardez la jeunesse aujourd’hui, elle n’a rien. Elle est au chômage. Aujourd’hui, je suis très content que le pouvoir ait été retiré des mains d’Ebola ».
Ibrahim Koné, député de l’Opposition
« Il y a eu combien de morts ? Des dizaines. Il n’est plus question qu’il reste au pouvoir car il n’a plus la légitimité. Il doit démissionner parce que c’est la volonté du peuple. Je suis fier de mon peuple qui a pris ses responsabilités ».
Adama Sosso, député de l’Opposition
« Le peuple a pris ses responsabilités et il n’y a plus de débat. Les choses sont claires. C’est vrai qu’on n’y était et c’était pour voter contre ce projet de loi. Je félicite donc le peuple pour son esprit et nous sommes avec lui. Nous serons avec lui pour toujours car c’est lui qui nous a élus et non un individu. Je félicite aussi l’armée qui a été républicaine. Encore merci au peuple car tous les députés de l’Opposition sont sains et saufs. Pour ce qui est des autres, nous n’avons pas leur position ».
Nestor Bassière, député de l’Opposition politique
« Je suis fier du peuple qui a pris ses responsabilités. C’est la victoire ! Pour moi, ceux qui ont tiré sur des militants au domicile de François Compaoré aujourd’hui, ne sont pas des Burkinabè et nous avons été informés qu’il a recruté des militaires étrangers. Après ce qui s’est passé, je crois qu’il n’aura pas la conscience tranquille. Il a été arrêté à l’aéroport pendant qu’il était en fuite. C’est une très bonne nouvelle. Je me demande pourquoi il fuyait ; il ne disait pas qu’il était garçon ? Quand il parle, il croit que sans lui, il n’ y a rien…»
Anonyme
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pourquoi ne pas donner le pouvoir a un civil?si l armee voulait,elle aurait du le prendre en 2011.au peuple ce qui lui appartient…
1 novembre 2014dibabou
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…le pouvoir doit revenir a la societe civil et non au militaire.c’est une revoution et non et coup d’etat.dailleurs une revolution menee par la societe civil…que le colonel Zida et sa suite comprenne ce qu’il ya et libere les lieux….merci
2 novembre 2014