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MARCHE-MEETING DE L’OPPOSITION:Le défi de la mobilisation relevé


L’Opposition politique burkinabè a battu le rappel de ses militants et sympathisants, le samedi 23 août 2014 à Ouagadougou. C’est à la faveur d’une marche-meeting de protestation contre le référendum, la modification de l’article 37, le Sénat et le pouvoir à vie. De nombreuses personnes ont participé à cette manifestation « inédite » dans la capitale. Récit des péripéties et temps forts d’une manif qui a duré deux heures d’horloge.

 

« Gigantesque, fantastique, historique, inédite ». Tels sont les qualificatifs utilisés par le Chef de file de l’opposition politique (CFOP), Zéphirin Diabré, pour apprécier la mobilisation autour de la marche-meeting, le 23 août 2014. A l’en croire, cette mobilisation a encore dépassé celle du 18 janvier. « Cela montre bien que nous continuons à gagner en puissance », s’est-il réjoui. Même motif de satisfaction chez le président du Comité d’organisation, Ablassé Ouédraogo : « L’opposition burkinabè vient de cartonner. Au vu de cette grande marche que j’évalue à près de 100 000 personnes qui ont parcouru 8 km 400, je pense que c’est la démonstration à suffisance qu’il n’y aura pas de référendum dans ce pays, parce que le peuple n’en veut pas ». Embouchant la même trompette, le Larlé Naaba Tigré qui a participé activement à la manifestation, renchérit : « J’allais dire qu’il y a presqu’un million d’hommes, de femmes et de chefs coutumiers qui étaient dans la rue. Cela est historique. Je pense que l’autorité doit savoir lire les choses, savoir prendre ses responsabilités et éviter le chaos social, car cela ne profitera à personne », a-t-il soutenu à l’issue de la marche-meeting débutée plus tôt dans la matinée, sur l’espace vide situé à 100 mètres du rond-point de la Patte d’Oie. Lorsque nous arrivions sur les lieux du rassemblement, une heure avant le top départ de la manifestation, de nombreux véhicules, des engins à deux roues étaient stationnés dans des parkings qui s’étendaient à perte de vue, signe que de nombreuses personnes avaient effectué le déplacement. De même, les bruits assourdissants de sifflets et trompettes se faisaient fortement entendre, ainsi que des chansons d’artistes. C’est dans cette ambiance que nous rejoignons le minicar à bord duquel se trouvaient des confrères. Du haut de ce véhicule, l’on pouvait apercevoir une foule immense. Certains arboraient des tee-shirts aux couleurs de partis politiques de l’opposition ou de mouvements de la société civile. D’autres brandissaient des pancartes pour faire passer des messages : « Nous n’avons pas besoin d’Hercule au Burkina Faso (homme fort) » ; « Nous vivons sous une dictature » ; « Un homme fort laissera le pouvoir et partira » ; « A bas les tripatouilleurs » ; « On n’a pas pris 5 000 F ni 1000 F, on est venu à pieds », pour ne citer que quelques- uns.

9h 23 : des leaders de l’opposition dont Simon Compaoré, Boukary Kaboré dit le « Lion du Boulkiemdé », le Larlé Naaba Tigré, le Poé Naaba et d’autres chefs coutumiers qui venaient d’arriver, prirent un bain de foule. Ils sont ovationnés le long de leur passage. Quelques instants après, d’autres personnalités de l’opposition arrivent sur les lieux. A la tête de cette délégation, il y avait Ablassé Ouédraogo, suivi de Zéphirin Diabré, Roch Marc Christian Kaboré, Bénéwendé Sankara, Saran Séré/Sérémé, etc.

9h 30 : exécution de l’hymne national, le Ditanyè, qui fut repris en chœur par les manifestants. Puis, le président du Comité d’organisation monte au créneau. Après avoir remercié le public, il lance un appel fort pour le bon déroulement de la marche. « Il ne faut surtout pas, et nous l’avons démontré au cours des manifestations passées, s’attaquer aux biens de l’Etat ni aux biens privés. Nous sommes ici pour marcher pour la bonne cause, pour la bonne gouvernance de notre pays, pour son développement économique et social, pour le bonheur du peuple burkinabè. Donc, ne touchons à rien .» Ablassé Ouédraogo réitère également la mise en garde de l’opposition : « Je voudrais ici, de façon solennelle, mettre en garde quiconque viendrait à perturber le déroulement normal de notre manifestation, qu’il aura la sanction la plus appropriée. Si vous voyez quelqu’un qui est un fauteur de troubles, qui est un perturbateur, attrapez-le et donnez-le-nous. Nous allons lui administrer la sanction qu’il faut, en pareille circonstance ». Après l’intervention du président du Comité d’organisation, la manifestation débuta, alors qu’il était 9h 45 mn. Le cortège s’ébranla pour emprunter les artères suivant l’itinéraire indiqué. C’est donc parti pour un circuit de 8 km à pieds, à vélo, à moto ou en voiture. C’est du haut du minicar qui les transportait, que les journalistes (ceux qui le voulaient), suivront cette épreuve digne du « 8 kil » de la formation militaire.

A 10h 25, les manifestants occupent pleinement, après plus d’une demi-heure de parcours, l’avenue France-Afrique, première étape de la marche. « Ouaï, les gens sont sortis dè ! », s’écrie un confrère, constatant la foule qui s’étendait à perte de vue. Tout au long du cortège, une chanson était fredonnée sans relâche par les marcheurs : « Libérez Kosyam !» ; « Libérez Kosyam ! (NDLR : le palais présidentiel) ». Des messages brandis au milieu de la foule sur des affiches et pancartes géantes, étaient tout aussi remarquables : « 28 ans au pouvoir, c’est trop ! Vas-t’en» ; « Réviseur de l’article 37 égale Ebola » ; « Un homme fort doit respecter sa parole » ; « La République n’a pas besoin d’hommes forts mais de grands hommes » ; « Dieu seul est indispensable » ; « Non aux hommes forts, nous n’en voulons pas ». De loin, un message contre le référendum était perceptible. Son contenu est véhiculé en langue nationale  mooré sur une pancarte géante : « Tond karat referandoama ye. Ye tond karat yela ye ! ». Des cartons rouges sur lesquels étaient écrits des messages du « Non au référendum, non à la modification de la Constitution, non au Sénat, non au pouvoir à vie » étaient également brandis par les manifestants. Un d’entre eux s’approcha du véhicule transportant la presse pour se confier : « Nous sommes venus avec nos propres moyens. Personne ne nous a donné même 1 F CFA. C’est par conviction que nous sommes venus marcher », a-t-il affirmé, visiblement heureux d’avoir pu livrer à la presse, son coup de cœur pour l’opinion publique. Pendant ce temps, le cortège poursuit son petit bonhomme de chemin. Juste derrière le véhicule transportant les journalistes, celui des leaders de l’opposition avançait à une allure lente. A droite du chauffeur était assis Yamba Malick Sawadogo du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), très souriant et content de la mobilisation. Il en était de même pour les autres leaders de l’opposition, qui prenaient sans cesse dans leur véhicule escorté par des agents du service de sécurité du CFOP, des bains de foule. Les marcheurs bénéficièrent également, de fortes ovations et acclamations par des applaudissements nourris, au fur et à mesure que le cortège avançait. Ce fut le cas lors du passage devant le marché de Pag-La-yiri, où les commerçants sont sortis spontanément pour admirer et saluer les manifestants. Ces derniers réussirent finalement, après avoir arpenté les artères suivant l’itinéraire, à boucler le circuit à 11h 50, soit deux heures de marche, sous le regard attentif des éléments des forces de sécurité postés à certains endroits. A la fin de la marche, certains avaient du mal à cacher leur joie : « Mission accomplie. C’était propre !», s’exclama un manifestant satisfait de la mobilisation et se félicitant d’avoir réussi le pari de parcourir les 8km de l’itinéraire. Dans le minicar dans lequel était embarqué un groupe de journalistes, l’on pouvait enfin pousser un ouf de soulagement. Pour cause : avec le freinage brusque du chauffeur à plusieurs reprises le long de l’itinéraire de la marche, les journalistes tombèrent à maintes reprises dans le véhicule. Mais il y eut plus de peur que de mal. On tombait et l’on réussissait à se relever à chaque secousse, tant bien que mal. Et ce n’est pas tout. Le parcours du combattant se poursuivit après la descente du véhicule, jusqu’à l’espace réservé à la presse sur le lieu du meeting. La mobilisation était telle que l’on avait du mal à se frayer un passage. Mais à force de persévérance, nous y sommes arrivés, alors que le soleil était au zénith.

Place maintenant au meeting

Le meeting ayant suivi la marche a été marqué par le seul discours du CFOP. Annoncé sur le podium à 12h 05, Zéphirin Diabré préféra d’abord esquisser quelques pas de danse. C’est au rythme du titre de la chanson du musicien Sams’k le Jah : « Ce président-là, il faut qu’il parte et il partira ». D’entrée de jeu, il remercia et félicita, au nom de toute l’opposition politique, les populations ayant pris part massivement à la manifestation. « Ceux qui disent qu’ils sont sourds ont entendu et même les aveugles ont vu. C’est un grand sacrifice que vous avez fait aujourd’hui, pour permettre à l’opposition de montrer à la face du monde, qu’elle est en phase avec son peuple. Nous avons ensemble parcouru des kilomètres et des kilomètres, mais nous ne sommes pas fatigués », avoua Zéphirin Diabré. Et d’ajouter : « Nous avons en face de nous, toutes sortes de difficultés, mais nous restons déterminés, engagés et mobilisés. Nous savons qu’ils ont tout fait pour que ce meeting n’ait pas lieu. Vous avez suivi et entendu l’ensemble des péripéties qui nous ont conduits chez le maire de la ville de Ouagadougou qui voulait refuser ce meeting, prétextant des questions d’ordre et de sécurité. Nous avons fait 8 km, est-ce qu’une seule boutique a été cassée ? Est-ce que nous avons volé quelqu’un ? Est-ce qu’il y a eu la violence ? ». A ces interrogations, la foule de manifestants répondit par la négative. Zéphirin Diabré revint ensuite sur le bras de fer qui les a opposés au maire de la capitale, Marin Casimir Ilboudo, au sujet de l’autorisation de l’itinéraire de la marche. « Nous avons montré que l’opposition burkinabè aime le dialogue et nous avons dialogué avec le maire pour le convaincre afin qu’il accepte. Mais nous avons un avertissement à lancer. Dans cette ville de Ouagadougou, tout le monde sait où sont les zones rouges. Jamais l’opposition n’a voulu aller dans ces zones rouges. Mais si demain, nous voulons enfin marcher sur un itinéraire qui ne comporte aucune zone rouge, s’il s’amuse, s’il s’amuse, à parler d’interdiction, nous allons le maintenir coûte que coûte et on va voir ce qui va se passer ». Concernant l’objet de la marche-meeting, le CFOP a rappelé qu’il s’agit pour l’opposition de dire qu’elle ne veut pas de référendum pour modifier l’article 37 de la Constitution. « Le référendum a déjà eu lieu en 1991. Certains croient que l’opposition a peur du référendum parce qu’elle n’est pas capable de gagner une victoire. Le problème n’est pas là. Nous voulons qu’à partir de 2015, notre pays s’engage dans un système où après 2 mandats présidentiels, quels que soient tes mérites, tu laisses la place à d’autres ». Pour contrecarrer la tenue du référendum, Zéphirin Diabré a insisté sur la nécessité pour l’opposition de garder intact le cap de la mobilisation, par la mise en place des Comités contre le référendum (CCR) dans les secteurs, quartiers et communes. « Il faut continuer ce travail pour nous permettre d’avoir des infrastructures politiques, et faire en sorte que le référendum n’ait pas lieu ». Au sujet du dialogue entre les partis politiques, le CFOP précise que l’opposition ne refuse pas a priori de dialoguer. Toutefois, a-t-il précisé, des conditions sont exigées. « L’opposition a montré, depuis toujours, son attachement à la paix. Nous voulons gouverner ce pays, nous n’allons pas commencer par le brûler ». Aux militants et sympathisants, Zéphirin Diabré a donné assurance, sur un ton solennel, que l’opposition resterait droite dans ses bottes, dans la défense de sa position : « Je voudrais vous rassurer que quelles que soient les circonstances, vous pouvez compter sur la détermination pleine et entière de l’opposition. Jamais nous n’allons vous trahir. Jamais nous n’allons vous abandonner et jamais nous ne prendrons position contre les intérêts du pays ». Invite a été également faite par le CFOP aux militants à rester mobilisés pour les batailles politiques futures. « Restez à l’écoute des mots d’ordre de l’opposition que nous allons lancer bientôt, sur les combats à venir. Nous espérons que l’avertissement du 23 août a été entendu. Et s’il n’est pas entendu, nous aurons d’autres avertissements que nous allons lancer bientôt sur le combat à venir, d’autres avertissements plus coriaces, plus corsés, plus déterminants, plus engageants. Notre pays est la chose la mieux partagée, et qui nous est le plus cher. Nous n’allons pas laisser que des gens, pour eux-mêmes, pour leurs enfants et leurs clans, veuillent un pouvoir à vie, pendant, que la majorité des Burkinabè continue de croupir dans la misère », a martelé Zéphirin Diabré à la fin de la marche-meeting, autour de laquelle la mobilisation est perçue par les organisateurs comme « un recours sans précédent et du jamais vu à Ouagadougou ».

Saïdou ZOROME, Sami Thierry SOU, Issa SIGUIRE

 


Comments
  • Que Le SEIGNEUR SOIT LOUE. AMEN. Merci au Président DIABRE et les leaders de l’opposition. D’ après nos frères Ivoiriens « ils n’ont rien vu d’abord ». L’OPPOSITION MOBILISE GRANDEMENT ET MASSIVEMENT SANS DONNER DE L’ARGENT AUX MANIFESTANTS.C’est une démonstration de force cette marche-meeting du 23/08/2013. A Ouagadougou plus proche de Kosyam la rue change la loi(non au sénat, non à la révision de l’A37) par contre à Paris ou à Washington la rue ne change pas la loi. C’est formidable. NOUS DÉFENDRONS L’A37 A TOUT PRIX. Nous anti-referendum nous sommes très sereins car la démocratie gagnera à coup sûr en 2015 dans ce pays que nous aimons de tout cœur.QUE LE SEIGNEUR BÉNISSE LE BURKINA. AMEN

    PAIX ET JOIE A TOUS LES BURKINABÉS. AMEN
    NON AU SÉNAT.
    NON A LA RÉVISION DE l’A37
    NON AU REFERENDUM
    NON AU POUVOIR A VIE D’UN PRÉSIDENT
    NON A LA PATRIMONIALISATION DU POUVOIR
    VIVE LE PEUPLE BURKINABÉ
    VIVE LA DÉMOCRATIE A 2 MANDATS
    VIVE L’ALTERNANCE 2015

    ACHILLE TAPSOBA LE BOBOLAIS
    Partisan inconditionnel de l’alternance

    25 août 2014
  • No comment félicitation aux dignes fils et filles du pays qui ont participé à cette marche historique du 23 août 2014. Nous ne sommes ni des aigris, ni des béni oui oui en manque d’initiatives, mais juste des citoyens qui aspirons à une autre façon d’être gouvernée après novembre 2015. Le « Blaiso fo yemdamé la, serieux ramané ti ka sooma yé ». Votre boomerang lancé à Obama a blessé par ricochet votre peuple sans pour autant avoir le moindre impact sur son destinataire direct. En retour, vos concitoyens sont sortis nombreux pour exprimer leur ferme opposition au projet de modification de l’article 37 à travers la manifestation du CFOP. Mr le Président, transcendez votre peur de l’après pouvoir, les intérêts de votre entourage et parlez au peuple. Vous devez sortir par la grande porte, et si d’emblée votre successeur ne répondait pas aux attentes titanesques du peuple, celui-ci fera appel à vous en 2020.

    25 août 2014
  • Blaise Compaoré peut avoir une telle mobilisation s’il le veut. Il lui suffira, comme à son habitude, d’annoncer au cours d’un voyage à l’étranger, qu’il renonce à la modification de l’article 37, au referendum et à la mise en place du sénat. A son retour, sans aucune mise en scène, sans débourser 1F, le CFOP pourra le faire bénéficier d’une telle mobilisation en le faisant accueillir triomphalement. Il goûtera ainsi aux délices du soutien réel sans fards ni montage du peuple réel. A lui de choisir : avec ou contre le peuple?

    25 août 2014
  • Oui, le jour ou il annoncera ce referendum, ce devra etre le dernier de son regne dictatorial. C’est ainsi que nous nous reconnaitrons integres et que le monde entier nous reconnaitra homme integres. Ce jour-la il comprendra que le Burkina c’est le pays des hommes integres et non le pays des hommes forts.

    26 août 2014

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