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MILIEU SCOLAIRE : Quand la gestion des menstrues pose problème


 

 

La gestion de l’hygiène  des menstrues en milieu scolaire  est un sujet assez complexe. En effet, personne n’ose véritablement aborder le sujet,  surtout à l’école, tant il demeure tabou. Les adolescentes dont l’âge se situe entre onze et quinze ans sont surprises de voir pour la première fois leurs menstrues. Et ce, souvent dans la cour de l’école, en classe ou en pleine séance de gymnastique. Mises en face d’une telle situation, elles sont déboussolées. lles  pleurent, crient et souvent abandonnent les classes pour ne plus y retourner. Face à de telles situations, que fait-on ou que faut-il faire ? Les établissements scolaires ont-ils le dispositif nécessaire pour permettre aux filles de mieux gérer leurs menstrues ? Nous avons fait le tour de quelques établissements de la ville de  Ouagadougou. Voici le constat. 

« Je n’ai ressenti aucune gêne [en parlant pour la première fois de la menstruation à mes filles]. Je savais que l’école avait déjà préparé le terrain en leur fournissant un certain nombre d’informations, si bien qu’il ne me restait plus qu’à répondre à leurs questions et à confirmer ce qu’elles savaient déjà. […] Elles ont appris tout cela en classe, avec leurs camarades, ce qui leur permet aussi d’en discuter ensemble. ». Ce sont là les propos de Kathy Buckworth, mère d’élève au Canada. Une mère d’élève au Burkina Faso peut-elle en dire autant ? Difficile à dire. Toujours est-il que plusieurs adolescentes de nos écoles se retrouvent toutes seules devant des menstrues dont elles s’occupent, souvent comme elles le peuvent. La réalité est donc implacable.

« Beaucoup d’adolescentes aujourd’hui, ignorent leur cycle menstruel. Les parents qui, à la limite, doivent leur apprendre cela,  refusent d’aborder  le sujet avec leur fille à la maison lorsque celles-ci  les interpellent et  cherchent à comprendre l’évolution de leur organisme. C’est, en effet,  hors de la maison que ces  adolescentes  vont à la quête de  l’information, et ce, souvent auprès de leurs camarades qui n’en savent pas plus qu’elles- mêmes. Certaines d’entre elles, ignorantes, se laissent aller dans une aventure et constatent, désemparées, qu’elles sont en grossesse et c’est à ce moment  qu’elles se rendent compte qu’il faut vite trouver une solution alternative  qui, pour elles, demeure l’avortement », a indiqué Simone Bambara, une animatrice de l’association Manag Nooma pour la protection des orphelins (AMPO) que nous avons rencontrée. Elle donne des cours de sensibilisation sur la santé sexuelle et reproductive chez la femme dans une classe de troisième dans un établissement de la place.  Notre interlocutrice sait ce qu’il faut faire : « il faut que les parents comprennent qu’il est nécessaire et même important d’ouvrir l’œil et le bon, en abordant sans complexe et sans gène le sujet de la sexualité avec les enfants », conseille-t-elle. Ces propos, nous allons pouvoir les tester au cours de nos rencontres avec plusieurs acteurs.

La réalité dans les écoles

 

Nous sommes à Ouagadougou, plus précisément à l’arrondissement 10 de la commune,  à la périphérie de la capitale. C’était le mercredi 13 décembre dernier. C’est d’ailleurs dans ce quartier que nous  avons rencontré Simone Bambara qui, depuis bientôt quatre ans, donne des cours de sensibilisation sur la santé sexuelle et reproductive au complexe scolaire mixte Sainte Perpétue.  Le complexe scolaire Sainte Perpétue est  un établissement mixte.  Entièrement clôturé, il dispose de plusieurs commodités dont l’eau potable et des toilettes  bien entretenues. Les toilettes des filles et celles des garçons sont séparées à l’aide d’une clôture.

En l’absence de la fondatrice, c’est Hadara Ouédraogo, un proche collaborateur, qui nous reçoit. Nous abordons la question de la gestion de l’hygiène des menstrues en milieu scolaire. Le sujet est, selon lui, à la fois complexe et tabou. Il nous fait visiter l’établissement,  précisément les toilettes. Abordant l’aspect gestion de l’hygiène des menstrues, Hadara Ouédraogo nous fera remarquer qu’il arrive  très souvent  que des jeunes filles lui demandent la permission pour retourner à la maison, au motif qu’elles ont mal au ventre. Tout de suite, il comprend  le sens du message et leur accorde la permission de se retirer, tout en prenant le soin de leur délivrer un billet de sortie. Il précise toutefois qu’elles reviennent généralement le lendemain, après avoir pris toutes les dispositions pour ne plus revivre la même situation.  Par contre, celles qui sont surprises à l’école par les menstrues,  courent vite se nettoyer dans une des  nombreuses  toilettes affectées aux femmes et après, elles rentrent chez elles, nous explique notre interlocuteur qui relève que l’établissement a tout mis en œuvre pour préserver l’intimité des jeunes filles.

Quant au directeur de l’école primaire dudit complexe, Paul Dakouré, il nous fait savoir que la gestion de l’hygiène des menstrues est une question traitée. Selon lui, des adolescentes viennent souvent le voir en classe ou dans la cour de l’école,  souvent en pleurs, pour lui expliquer ce qui leur arrive. Pour M. Dakouré donc, c’est une réalité qu’il gère  au quotidien. C’est d’ailleurs pour cette  raison que la fondatrice du groupe scolaire  s’est attaché les services d’une animatrice de la santé sexuelle et reproductive à AMPO.

Sur les lieux, nous interrogeons quelques adolescentes  de la classe de CM2. Si certaines d’entre elles connaissent déjà le problème et prennent des dispositions pour éviter de se faire surprendre, d’autres, par contre, ignorent tout de ce dont on parle. Melle Alizata Compaoré de la classe de CM2, treize ans, ignore ce que c’est que les menstrues. Elle n’a  pas encore vu ses « règles ». Le peu d’informations dont elle dispose lui est fourni par sa  maman. Ganamé Georgette de la même classe, quant à elle, a 15 ans. Elle a vu ses premières menstrues à l’âge de 12 ans à la maison, alors qu’elle dormait. C’est à son réveil qu’elle s’est aperçue de l’écoulement de sang et tout de suite,  elle s’est mise à crier de toutes ses forces en appelant sa maman. Cette dernière lui expliquera un certain nombre de « choses » sur la sexualité en général et particulièrement sur la gestion de l’hygiène des menstrues.

Notre troisième interlocutrice est aussi en classe de CM2. Il s’appelle Barakissa Ouédraogo et a 14 ans.  Malgré toutes nos tentatives pour lui arracher quelques mots sur le sujet, elle est restée muette comme une carpe.  Du reste, elles étaient plusieurs adolescentes qui n’ont pas souhaité parler de menstrues. La honte,  la pudeur, un blocage psychologique, question d’éducation…Les raisons de ce silence sont multiples.

Quid des parents ?

 

Certains parents que nous avons approchés n’ont pas voulu se prononcer, également, sur ce sujet, estimant qu’en le faisant, ce serait encourager les enfants à la débauche. Tout le contraire de Aicha Ouédraogo, une commerçante au grand marché Rood Woko  de Ouagadougou. Elle a son idée sur le sujet.  « A notre époque, nos parents ne nous ont pas parlé de sexualité  car ce sujet est tabou.  Nous nous sommes abstenues pour éviter les dérapages et aujourd’hui, nous pensons que nos enfants peuvent le faire. Qu’elles s’intéressent plutôt à leurs études au lieu de penser au sexe. Il faut laisser le temps au temps », a-t-elle expliqué. Comme on le voit, le sujet des menstrues, au niveau de certains parents, est vite interprété autrement. Mais pas chez tous. C’est le cas de Séverine Ouédraogo, coiffeuse. Elle a une autre approche. «  Je sensibilise ma fille ; je la prépare psychologiquement pour qu’elle ne soit pas surprise quand cela lui arrivera. Avec les enfants d’aujourd’hui, on ne sait jamais », nous dit-elle. L’approche actuelle en matière de gestion des menstrues au niveau des adolescentes, et tel qu’il nous a été donné de constater, rappelle les conclusions d’une étude sur le sujet, réalisée il y a de cela quelques années, au Burkina Faso : «  du fait de la tradition, les menstrues demeurent un tabou dans les deux régions de la recherche comme dans toutes les régions du pays, empêchant ainsi la diffusion d’informations complètes aux filles avant l’âge de maturité afin de les préparer à une bonne gestion de leurs menstrues à l’école. Les connaissances ainsi transmises par les mères ne permettent pas aux filles de gérer de façon hygiénique leurs menstrues.  L’ignorance, les mythes, les interdits et contraintes diverses amènent les enseignants, les garçons, les parents et les responsables de l’administration scolaire à adopter des attitudes, pour la plus part négatives, à l’égard des filles ».

Ben Issa TRAORE

 

 

Caractéristiques d’une infrastructure scolaire respectueuse de l’hygiène menstruelle

 

– Des toilettes distinctes sont disponibles pour les garçons et les filles, et pour les enseignants des deux sexes.

– Les toilettes ont des portes équipées de verrous, elles sont sûres et fermées, et entourées de murs garantissant l’intimité.

– Les toilettes, les points d’eau et les lavabos sont dans un environnement sans danger.

– Les lavabos sont à l’intérieur de la pièce réservée aux toilettes, et du savon et de l’eau salubre y sont disponibles à tout moment.

– De l’eau salubre est disponible (par un robinet ou dans un seau) à l’intérieur des toilettes, des bains et des vestiaires.

– Les toilettes sont faciles à nettoyer, et leur nettoyage et entretien sont assurés par un mécanisme efficace.

– Les installations sont accessibles à l’ensemble des filles, des garçons et du personnel, y compris les personnes à mobilité réduite.

– Chaque unité dispose d’un container lavable doté d’un couvercle, pour recueillir les protections hygiéniques usagées et leurs emballages.

– Un petit miroir (ne serait-ce qu’un fragment de miroir cassé) est présent dans les toilettes pour permettre aux filles de repérer les salissures ou les fuites, et de s’assurer que tout est en ordre avant de sortir.

– Un système de collecte et d’évacuation des matériels de protection hygiénique a été mis en place, par exemple, une fosse ou un incinérateur.

– Dans les pensionnats, il existe des salles de bain séparées, ainsi qu’un endroit pour laver et sécher les serviettes hygiéniques en tissu. Des étagères ou des patères sont mises à disposition pour accrocher les tissus et poser les serviettes périodiques pendant qu’on les change.

– Les vestiaires comportent une cabine de WC plus large, pouvant être utilisée par toutes les filles pour changer les protections hygiéniques discrètement.

– Dans les pensionnats, toilettes et salles de bain sont équipées de lampes, et situées à proximité des dortoirs.

– Un mécanisme de financement est créé pour assurer le bon fonctionnement et l’entretien de l’arrivée d’eau, des toilettes et des lavabos.

Source: WaterAid, Menstrual Hygiene Matters

 


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