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MISE EN GARDE DE LA CEDEAO CONTRE UN COUP D’ETAT EN GUINEE-BISSAU


Dans l’attente des résultats de la présidentielle du 24 novembre dernier, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a fermement mis en garde contre un éventuel coup d’Etat en Guinée-Bissau. Il s’agit là d’un coup de semonce qui vaut son pesant…d’anticipation, quand on sait que quelques jours avant la tenue du scrutin, le Conseil de sécurité de l’ONU saluait, de son côté, « l’absence d’interférences des forces de sécurité et de défense de la Guinée-Bissau » qu’il avait, du reste « exhortées à maintenir cette attitude lors du processus politique et électoral et au-delà ». C’est dire si avec la situation de tensions qui a entouré le scrutin, ces institutions sous-régionale et internationale nourrissent de sérieuses craintes que la Grande muette bissau-guinéenne, tenue depuis quelques années à distance du pouvoir par la CEDEAO qui y a aussi déployé des troupes, n’y trouve prétexte pour s’inviter à nouveau dans le débat politique ; elle qui compte à son actif pas moins d’une dizaine de pronunciamiento ou de tentatives de coups de force, depuis l’accession du pays à l’indépendance en 1974.

La Guinée-Bissau ne peut pas se permettre un retour à la case-départ

En rappel, après un quinquennat plutôt mouvementé en raison de vives tensions entre lui et le PAIGC au pouvoir avec lequel il a fini par être en rupture de ban, le président José Mario Vaz avait entraîné son pays dans la crise, suite au limogeage, à la veille de la campagne présidentielle, du Premier ministre Aristide Gomes à qui la communauté internationale reconnaissait la légitimité de conduire le pays aux élections. Mais son homme-lige qu’il avait nommé en remplacement du Premier ministre Gomes, avait été contraint à la démission sous la pression de la CEDEAO qui lui avait lancé un ultimatum.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que la CEDEAO est fortement préoccupée par la situation en Guinée-Bissau. Non seulement en raison des menaces de guerre civile qui, pour elle, planent sur le pays, mais aussi par crainte que le processus d’assistance qu’elle a engagé aux côtés de ce petit pays d’Afrique de l’Ouest pour la préservation de l’ordre constitutionnel, ne soit compromis par une intrusion des hommes en kaki sur la scène politique, au lendemain d’une élection présidentielle qui est censée remettre le pays sur les rails de la démocratie. C’est pourquoi, dans sa mise en garde, la CEDEAO a aussi exhorté les acteurs politiques, particulièrement les autorités, à ne pas laisser le processus électoral déraper. En le faisant, elle est bien dans son rôle, au regard des immenses efforts qu’elle déploie depuis qu’elle a accouru au chevet de ce pays en apnée démocratique, pour le maintenir la tête hors de l’eau. Et il serait difficilement compréhensible qu’à deux doigts du parachèvement du processus électoral, elle perde la main et laisse le pays à la merci d’un éventuel coup d’Etat qui serait une remise en cause totale de tout le processus. Car, à cette étape cruciale de son histoire, la Guinée-Bissau ne peut pas se permettre un retour à la case-départ. C’est le lieu de reconnaître et de saluer le rôle ô combien stabilisateur que la CEDEAO a joué en Guinée-Bissau tant hier qu’aujourd’hui, et qu’elle voudrait légitimement couronner de la plus belle des manières.

Il faudrait que la culture de l’anticipation devienne la règle d’or de la gouvernance dans nos pays

Cela dit, cette vigoureuse mise en garde de la CEDEAO à la Guinée-Bissau, est une déclaration de salubrité publique pour la démocratie. En cela, elle constitue aussi une piqûre de rappel pour tous les pays de la sous-région où les militaires prennent parfois des libertés avec les règles de la République, là où ils sont censés rester dans leurs casernes pour jouer uniquement leur rôle de boucliers de la Nation. En même temps, il ne faudrait pas que les dictateurs du continent perçoivent ce message comme un encouragement à s’essuyer les pieds sur l’alternance dans leurs pays respectifs, en se disant que l’épée de Damoclès des coups d’Etat est définitivement écartée. C’est pourquoi, au-delà du cas bissau-guinéen, la CEDEAO doit mettre un point d’honneur à œuvrer au respect des principes de sa Charte sur la démocratie dans tout son espace géographique, en faisant preuve du même engagement et de la même fermeté partout où la démocratie se trouvera menacée. C’est dire si son exemple d’anticipation en Guinée-Bissau, devrait appeler à la même vigilance dans d’autres pays de la sous-région comme la Guinée, le Togo voire la Côte d’Ivoire où le feu couve déjà sous les cendres, à l’approche des échéances électorales. Au-delà, il faudrait que la culture de l’anticipation qui est, à bien des égards, le Talon d’Achille de nos dirigeants, devienne la règle d’or de la gouvernance dans nos pays. C’est aussi à ce prix que se construira la démocratie sous nos tropiques.

« Le Pays »


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