HomeA la uneMISE EN PLACE DES AUTORITES INTERIMAIRES AU NORD-MALI : A pas forcés vers la paix

MISE EN PLACE DES AUTORITES INTERIMAIRES AU NORD-MALI : A pas forcés vers la paix


L’accord d’Alger signé le 20 juin 2015 préconisait, on se rappelle, entre autres, la mise en place d’autorités intérimaires à la tête des cinq régions du Nord-Mali, c’est-à-dire Kidal, Gao, Tombouctou, Ménaka et Taoudéni. Plus de 20 mois après, on assiste à un début d’opérationnalisation de cette disposition. Et le coup d’envoi a été donné à Kidal, le mardi 28 février dernier. En effet, c’est désormais le colonel Hassan Fagaga qui tient le gouvernail de l’assemblée régionale de l’ex-fief de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Celui qui, dans un passé récent, passait pour être l’un des bras droits du chef djihadiste Iyad Ag Ghali, avant de rompre les amarres avec lui, a reçu les attributs de son pouvoir en présence du ministre malien de l’Administration territoriale et des collectivités locales, Mohamed Ag Erlaf, du Haut représentant du chef de l’Etat et des membres de la médiation internationale. L’officier supérieur doit essentiellement travailler à rendre effectif le retour de l’Etat dans sa circonscription administrative.

On ne peut jurer de rien à Kidal, tant tout y est mouvant

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a du pain sur la planche, au regard des considérations suivantes. D’abord, pendant cinq longues années, les populations de la région de Kidal ont appris à vivre sans Etat. De ce fait, elles ont adopté et développé des attitudes et comportements dignes de l’Etat de nature théorisé par Thomas Hobbes dans le Léviathan dans lequel seule la violence régit les rapports entre les humains. Amener les populations à renoncer à cet habitus pour intégrer la république ne sera pas un petit boulot. La deuxième considération qui risque de dresser des dunes de sables sur le chemin de Fagaga est que l’idée de l’Azawad indépendant a tellement formaté les esprits de bien des habitants de l’Adrar et des Ifoghas, qu’il leur sera difficile voire impossible de fredonner l’hymne national du Mali. Enfin, on ne peut jurer de rien à Kidal, tant tout y est mouvant à l’image du sable qui constitue son relief, si fait que l’on peut marquer son accord pour quelque chose le matin, puis le soir venu, l’on revient sur sa décision sans aucune gêne. C’est cela qui explique que la première tentative de la mise en place des autorités intérimaires à Kidal, qui était prévue pour le 18 février dernier, avait été reportée à la dernière minute. La raison invoquée était liée à des divergences entre le gouvernement et la CMA. Selon cet ex-groupe rebelle, ces divergences ont été réglées. Et c’est ce qui a permis l’installation de Fagaga. Après Kidal, le processus de la mise en place des autorités intérimaires doit se poursuivre, en principe aujourd’hui, avec Gao et Tombouctou. La grande question que tout le monde se pose est de savoir si cela sera effectif. En tout cas, l’heure n’est pas à l’optimisme, puisque depuis le lundi 27 février dernier, des couacs sont apparus dans ces deux localités où les populations et certains groupes armés ont investi les assemblées régionales pour faire barrage à l’installation des autorités intérimaires. Tous les regards sont donc tournés aujourd’hui vers Gao et Tombouctou. Car, si cette étape venait à se terminer en queue de poisson, il faut craindre que tout le processus ne prenne du plomb dans l’aile. Pour conjurer ce scénario- catastrophe, il faut souhaiter que toutes les voix qui comptent, puissent se faire entendre pour amener les uns et les autres à mettre un peu d’eau dans leur thé de sorte à accorder une chance, aussi minime soit-elle, à la paix et à la réconciliation.

Il va falloir franchir encore beaucoup de dunes et de tempêtes de sable

A Kidal aussi, l’on avait eu droit à la même tentative d’obstruction à la mise en place des autorités intérimaires. Et la probabilité est forte que des groupes de pression aient été mis à contribution pour lever les goulots d’étranglement afin de ne pas torpiller l’accord d’Alger. Un de ces groupes de pression est la médiation internationale en général. De manière particulière, l’on peut avoir l’impression que c’est la France, jugée à tort ou à raison d’avoir de l’influence sur les ex-rebelles, qui a pesé de tout son poids pour faire bouger les lignes à Kidal. La présence récemment de son ministre de la Défense sur les rives du fleuve Djoliba, pourrait ne pas être étrangère  au déblocage de la situation à Kidal. De manière générale, l’on peut se risquer à dire que tous les parrains de l’accord d’Alger commencent à montrer des signes d’agacement et de lassitude du fait de la mauvaise foi manifeste dont font preuve tous les protagonistes de la crise dans le septentrion malien. Ils ont dû le leur faire savoir. De ce point de vue, tous les va-t-en-guerre des deux camps pourraient ne pas avoir d’autres choix que de sauter dans le train de la paix. C’est  cette perception des choses qui permet de dire que les acteurs de la crise malienne sont poussés à la paix. Ils y vont donc à pas forcés. L’illustration de cela en a été donnée à Kidal où la palabre a été houleuse dans un premier temps à propos de l’installation de Hassan Fagaga, avant de s’apaiser. De la même manière, l’on a de fortes chances de connaître les mêmes péripéties à Gao et à Tombouctou. Ménaka et Taoudéni ont de fortes chances d’être logées à la même enseigne. Ce dont on peut être sûr, c’est que du côté de Ouagadougou tout comme du côté de Niamey, l’on suit avec beaucoup d’intérêt l’installation des autorités intérimaires dans le Nord-Mali, tout en implorant le Ciel pour que le retour de l’Etat malien soit acté dans les 5 régions, comme prévu. Sans cette condition, toutes les actions de lutte contre les djihadistes entreprises au Burkina, au Niger et au Mali s’apparenteraient à l’œuvre des dames des Danaïdes. Tout le monde a donc intérêt à aider à pousser la roue de la caravane de la paix au Mali, même si l’on ne doit pas perdre de vue qu’entre l’installation des autorités intermédiaires et l’objectif final de l’accord d’Alger, qui est la paix et la réconciliation, il va falloir franchir encore beaucoup de dunes et de tempêtes de sable.

« Le Pays »


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