HomeA la uneMISE EN PLACE DU CONSEIL SOUVERAIN AU SOUDAN:Eviter à tout prix les couacs

MISE EN PLACE DU CONSEIL SOUVERAIN AU SOUDAN:Eviter à tout prix les couacs


Enfin le bout du tunnel ! En effet, après quatre mois de négociations âpres et serrées entre les leaders de la contestation qui a emporté le président Omar el Béchir, et la junte militaire qui s’était emparée du pouvoir le 11 avril dernier sous la pression de la rue, les protagonistes de la crise soudanaise sont enfin parvenus à un accord sur l’ossature de l’instance devant diriger la Transition.

Ainsi, le Conseil souverain, organe hybride militaro-civil de onze membres qui pilotera ladite transition, a été formé le 20 août dernier et la liste des membres  annoncée par le porte-parole du Conseil militaire de transition désormais dissous, dans une allocution télévisée. Dans la foulée, les six civils dont deux femmes et les cinq militaires désignés, ont prêté serment le 21 août 2019, pour la supervision des trente-neuf mois de transition dont les 21 premiers seront dirigés par le chef de la junte, le général Abdel Fattah al-Burhan, avant que les civils ne prennent la relève pour les 18 derniers mois.

 Les contestataires soudanais peuvent déjà se satisfaire de cette victoire d’étape

 Le moins que l’on puisse dire, c’est que la mise en place de cette instance dirigeante, constitue un grand pas en avant dans le processus de transition devant conduire à des élections libres et transparentes à l’horizon 2022. Et à défaut d’obtenir ici et maintenant le départ des militaires qui était une exigence de première heure, les contestataires soudanais peuvent déjà se satisfaire de cette victoire d’étape qu’est la mise en place de ce Conseil souverain majoritairement dominé par des civils ; ce qui n’était pas gagné d’avance. Car, comme le dit l’adage, « à défaut de la mère, on tète la grand-mère ».

Mais en attendant la confirmation, par cette instance, du Premier ministre pressenti, Abdalla Hamdok,  dans ses fonctions et la formation de son gouvernement attendue le 28 août prochain, on peut déjà saluer le peuple soudanais pour sa constance et sa détermination qui ont abouti à cette avancée qui marque théoriquement le point de départ du processus de normalisation devant amener le Soudan dans le giron des nations démocratiques. Mais pour que le processus ait des chances d’aboutir, il faut éviter à tout prix les couacs.

D’autant plus que la confiance ne semble pas jusque-là la chose la mieux partagée entre les protagonistes, rien qu’à s’en tenir aux difficiles conditions d’accouchement de ce Conseil souverain. C’est pourquoi l’on peut nourrir quelques appréhensions  quant à la cohabitation entre civils et militaires dans les conditions que l’on sait. C’est dire si le succès de la Transition  dépend à présent du climat de confiance que créeront entre eux, les membres de ce directoire. Car, une chose est de mettre en place un Conseil souverain, une autre est que ce dernier puisse fonctionner normalement et efficacement, de sorte à  remplir convenablement sa mission dans les délais impartis.

De ce point de vue, l’on se demande si les civils auront les coudées franches au sein de ce Conseil qui compte aussi des têtes de gondole de la junte comme le très controversé Mohamed Hamdan Daglo alias Hemeti, le chef des très redoutées FSR (Forces de soutien rapide) dont les manifestants gardent un très mauvais souvenir en raison des brutales et sanglantes répressions dont ces personnalités se sont rendues coupables,  ces derniers mois.

Le Conseil souverain de transition a une lourde responsabilité devant l’Histoire 

Cela dit, il appartient aux militaires soudanais de jouer franc-jeu et de se montrer à la hauteur des responsabilités, après avoir passé le temps à souffler le chaud et le froid au point de faire douter de leur volonté d’accéder aux revendications du peuple par la transmission du pouvoir à une autorité civile.  Et autant les hommes en treillis ne doivent pas décevoir, autant les civils ne doivent pas trahir la confiance du peuple insurgé dont ils sont les représentants au sein du Conseil souverain.

Car, après trois décennies de dictature, il est temps, pour les Soudanais, de tourner la page et de goûter enfin aux délices de la démocratie. C’est dire si le Conseil souverain de transition a une lourde responsabilité devant l’Histoire. Car, de son succès ou de son échec dépendra l’avenir du Soudan. C’est le lieu donc d’interpeller les parrains de cet accord inter- soudanais, à veiller au grain pour qu’aucun sable ne vienne gripper la machine au risque de faire capoter le processus.

En tout état de cause, il faut espérer que le plus dur soit maintenant derrière les Soudanais. Autrement, si le plus dur doit commencer maintenant, après avoir perdu autant de temps pour la mise en place du Conseil souverain par des tiraillements qui ont laissé pas moins de 250 morts sur le carreau, il y a de quoi se demander si la montagne ne risque pas d’être trop haute à gravir pour les Soudanais et s’il ne faut pas désespérer de voir le processus connaître un happy-end. En tout cas, à l’étape actuelle des choses, toute action ou initiative qui viserait à remettre en cause voire à compromettre le processus si difficilement engagé, ne serait qu’un regrettable retour en arrière dont le Soudan n’a pas besoin.

« Le Pays »


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