HomeA la uneMULTIPLICATION DES PARTIS POLITIQUES AU BURKINA FASO:Vitalité démocratique ou tremplin vers le gombo*?

MULTIPLICATION DES PARTIS POLITIQUES AU BURKINA FASO:Vitalité démocratique ou tremplin vers le gombo*?


Au fur et à mesure qu’approchent les échéances électorales du 22 novembre prochain, les partis politiques au Burkina Faso, comme s’ils se reproduisaient par scissiparité, ne cessent de se multiplier. Tant et si bien que l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les causes de ce « printemps » des partis politiques, à quelques encablures du double scrutin national qui devra désigner le nouveau chef de l’Etat et renouveler la Représentation nationale.

La première explication que l’on peut avancer est la probable prise de conscience politique des Burkinabè qui, assaillis par les difficultés, décident de descendre dans l’arène politique et de prendre ainsi en main leur destin en participant à l’animation du débat politique. La seconde explication est que la création de ces nouveaux partis politiques qui arrivent sur l’échiquier national, peut avoir été suscitée par les grands partis pour diverses raisons. Si cela ne participe pas des manœuvres de déstabilisation de formations politiques adverses, on peut y voir une volonté d’émietter l’électorat d’un puissant challenger. Mais il peut s’agir tout simplement aussi d’une stratégie de domination de l’espace politique à travers la multiplication de partis satellites dont on se sert très souvent pour mener par procuration, certains débats. Dans tous les cas, la pratique n’est pas nouvelle et a eu de  beaux jours sous l’ère Compaoré.

La troisième hypothèse pour expliquer ces nouveau-nés politiques, c’est le mauvais fonctionnement démocratique des partis, qui n’offre pas très souvent l’égalité de chances à tous les militants nourrissant des ambitions électorales ou le cas échéant, le défaut de culture démocratique de certains militants qui, croyant à leur aura personnelle, décident de claquer la porte de leur formation politique d’origine pour faire cavalier seul. Enfin, une dernière explication, beaucoup moins noble que les précédentes, est que ce nouveau foisonnement de partis politiques, est guidé par l’appât du grain.

Il est plus que jamais temps de se montrer  regardant sur les conditions de création de certains partis politiques

Car, on le sait, les partis politiques, aux termes de la loi électorale au Burkina Faso, bénéficient de financements au prorata des listes présentées et cela suffit pour aiguiser les appétits dans un contexte de pauvreté où le moindre sou fait l’objet de traque, surtout de la part de ceux qui ont fait de la politique, leur gagne-pain.

Cela dit, quelles que soient les motivations de ce nouveau printemps des partis politiques au Burkina Faso, qui, pour certains, traduit une vitalité démocratique de notre pays, ce n’est pas sérieux. Et pour cause. D’abord, parce qu’à l’évidence, il n’y a pas autant de solutions aux problèmes du Burkina Faso que de partis politiques. Ensuite, cette pléthore des partis politiques ne facilite pas la lecture du paysage politique national et embrouille de fait les choix des électeurs. En outre, les risques d’émiettement des voix aux élections, liés à ce nombre élevé des partis politiques, constituent  potentiellement les germes d’une instabilité institutionnelle. Par ailleurs, la multiplication des partis politiques ne participe pas à la formation de partis politiques d’opposition forts et puissants, qui puissent réussir une alternance démocratique et proposer une nouvelle forme de gouvernance. Enfin, il faut aussi craindre que ce bouillon de micro-partis, ne vienne réveiller les démons du régionalisme et de l’ethnicisme en raison de la base souvent trop étriquée de leur implantation.

Au regard donc de tous les dangers de cette multiplication à l’infini des partis politiques, il est plus que jamais temps, sans remettre en cause les dispositions de la Constitution burkinabè qui garantit le multipartisme et stipule que les partis politiques se créent librement, de se montrer  regardant sur les conditions de création de certains partis politiques. Et parmi les moyens légaux possibles dont l’Administration publique dispose,  il y a l’obligation de l’implantation nationale du parti, l’obligation du parti d’être en règle avec ses propres textes fondamentaux ou l’obligation de disposer d’un siège fonctionnel hors domicile privé et avec un minimum de personnel.

 

Sidzabda

 

* Gombo : mot utilisé pour désigner le bien matériel.


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