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PASSATION DE CHARGES ENTRE KABILA ET TSHISEKEDI


 Tout est accompli !

Hier, 24 janvier 2019, restera une date mémorable dans l’histoire de la République démocratique du Congo (RDC). En effet, pour la première fois dans ce pays, un président sortant a transmis le pouvoir à son successeur, dans les règles de la République. C’était au Palais de la Nation, à Kinshasa, devant une foule des grands jours où se comptaient des milliers de supporters de l’heureux élu, principalement issus de son parti, l’UDPS, de l’UNC de son allié Vital Kamérhé, mais aussi du FCC, coalition au pouvoir, de Joseph Kabila, qui ne voulait pas se faire conter l’événement. Etaient également présentes à cette cérémonie, de nombreuses personnalités politiques et militaires parmi lesquelles le président de la Commission électorale, Corneille Nangaa, Vital Kamérhé, l’allié de Félix Tshisékédi, et Emmanuel Shadary, le dauphin malheureux de Joseph Kabila.

Le scénario écrit par Kabila a été réalisé à la lettre

Pas moins de 17 chefs d’Etat africains étaient à cette cérémonie de passation de pouvoir. C’est dire si toute l’Afrique, d’Est en Ouest et du Nord au Sud en passant par le Centre, était au rendez-vous de la RDC pour ce passage de témoin historique entre Joseph Kabila et Félix Tshisékédi. Toutefois, on aura remarqué que la présence d’un seul chef d’Etat à cette cérémonie, en l’occurrence le Kenyan, Uhuru Kenyatta. En effet, aux côtés de la douzaine de pays voisins d’Afrique centrale et d’Afrique australe, étaient attendus, entre autres, l’Egypte et le Maroc d’Afrique du Nord ainsi que la Côte d’Ivoire et la Sierra Leone d’Afrique de l’Ouest. Ce, devant les représentants de l’Union africaine (UA), de l’Union européenne (UE) et des Etats-Unis.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le scénario écrit par Kabila a été réalisé à la lettre jusqu’au bout. Tout est donc accompli, pourrait-on dire pour paraphraser les Saintes- Ecritures. En effet, dans ce bras de fer congolo-congolais, tout porte à croire que Joseph Kabila aura minutieusement préparé sa sortie. En tout cas, il a prouvé, aux yeux de la Terre entière, qu’il est resté, jusqu’à bout, le maître du jeu d’une compétition électorale qui aura fait couler beaucoup d’encre et de salive, fauchant au passage la vie de certains Congolais. Et c’est peu de dire que c’est lui qui a décidé du timing voire du casting des hommes admis à lui succéder, allant jusqu’à trier sur le volet les invités à la grand’messe de cette cérémonie d’investiture où il ne voulait pas voir, même en peinture, ses voisins rwandais, Paul Kagame, et zambien, Edgar Lungu, dont le tort, à ses yeux, aura été cette tentative de remise en cause du verdict d’une élection dont le doute aura pourtant persisté jusqu’au bout.

Et c’est peu dire que la cérémonie d’hier dont il était le véritable point d’attraction, est une sorte de pied de nez à tous ses contempteurs qui ne cachaient pas leur impatience de le voir débarrasser le plancher. Et Kabila a d’autant plus de raisons de fanfaronner que dès l’annonce de son retrait forcé de la course à sa propre succession, ils étaient nombreux à croire que la fin de son mandat sonnerait le glas de son pouvoir. Que nenni ! Au contraire, c’est un Kabila tout feu tout flamme, qui a visiblement surpris partenaires et adversaires en réussissant la prouesse de partir du pouvoir tout en gardant toute son influence sur la scène politique dans son pays.  Et son discours d’au revoir aux relents nationalistes où il se peint naturellement en patriote achevé, en dit certainement long sur ses intentions de rester proche des arcanes du pouvoir.

Félix Tshisékédi sait qu’il est désormais attendu au pied du mur

En tous les cas, la majorité acquise au parlement, donne de facto au terme de la Constitution, le contrôle de l’Exécutif à sa formation politique d’où sera probablement issu le Premier ministre. En outre, s’il s’avère que le désormais ex-chef de l’Etat a effectivement déjà verrouillé  les leviers économique et militaire au profit de son camp, le président Tshisékédi risque d’exercer un pouvoir qui s’apparente à une coquille vide. La question est de savoir si ce dernier s’en accommodera au risque de passer pour l’homme-lige de Kabila, ou s’il cherchera à s’affranchir de ce dernier et à quel prix. Mais avant tout, le nouveau président doit se poser en rassembleur parce qu’il est désormais le symbole de l’unité nationale. En cela, son discours d’investiture, dans lequel il a, au passage, rendu hommage à son adversaire, Martin Fayulu, qualifié de « soldat du peuple » qui aura cependant brillé par son absence, salué la mémoire de son père qualifié «d’homme d’exception » et annoncé la libération prochaine de tous les prisonniers politiques, sonne comme une main tendue et un appel à la réconciliation. De la parole à l’action, Félix Tshisékédi sait qu’il est désormais, tel le maçon, attendu au pied du mur.

En tout état de cause, si le peuple congolais,  par sagesse ou par résignation, se contente du peu que Kabila lui offre, les mois à venir seront déterminants pour le président Tshisékédi dont l’un des défis sera de montrer qu’il n’exerce pas un pouvoir a minima. Pour le moment, c’est la paix, peut-on dire, qui gagne en RDC puisque tout porte à croire qu’il n’y aura pas de mouvements sociaux d’ampleur consécutifs à cette investiture.  En attendant,  la RDC est une belle curiosité tropicale, avec un président vêtu de tous les oripeaux du pouvoir mais à qui semble échapper la réalité du pouvoir. A lui de faire mentir les mauvaises langues et de montrer qu’il a non seulement le profil de l’emploi, mais aussi qu’il a véritablement toutes les cartes en main.

« Le Pays » 


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