HomeA la unePENALISATION DES DELITS DE PRESSE : Les autres progressent, le Togo recule

PENALISATION DES DELITS DE PRESSE : Les autres progressent, le Togo recule


 

Au Togo, une nouvelle disposition du nouveau code pénal hérisse les poils des journalistes. En effet,  ceux-ci s’inquiètent d’un amendement du nouveau code pénal adopté par l’Assemblée nationale, le 2 novembre dernier, qui prévoie la pénalisation des délits de presse. Ainsi, toute publication, diffusion ou reproduction de fausses nouvelles, est désormais passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 500 000 à deux millions de F CFA. Le législateur togolais a donc choisi de répondre par la répression, aux plaintes contre les gratte-papiers qui égratigneraient l’honneur et la dignité de citoyens, par des manquements aux règles de l’éthique et de la déontologie de leur métier. Pour dissuasive qu’elle puisse être, cette loi n’en demeure pas moins anachronique.  Car, au moment où la tendance générale est à la dépénalisation des délits de presse dans beaucoup de pays africains, le Togo donne l’impression de ramer à contre-courant de l’histoire en votant des lois pour envoyer les journalistes au cachot, pour des actes liés à l’exercice de leur profession. Et ce, au moment même où sous l’égide des Nations unies, le monde entier célébrait la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes.  Si ce n’est un pied de nez fait à l’organisation mondiale, cela y ressemble fort. Mais venant d’un pays comme le Togo, cela n’a rien de surprenant. Quand on voit comment la démocratie est malmenée dans ce pays, ceci pourrait bien expliquer cela. Car, en plus de ne pas être un parangon de démocratie, le président Faure Gnassingbé voudrait mettre la presse au pas  qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Surtout dans un pays où l’indépendance de la justice est sujette à caution et où l’on n’est pas à l’abri des abus.

La place d’un journaliste n’est pas derrière les barreaux, pour des raisons liées à l’exercice de sa profession

 

Un tel comportement est typique des dictateurs. Cela est à la fois grave et inquiétant. D’autant plus que, dans le cas d’espèce, le président Faure est un jeune président qui a fait ses études dans un pays comme les Etats-Unis où la liberté de presse est consacrée comme premier amendement de la loi fondamentale. De ce point de vue, l’on aurait pu s’attendre à une meilleure ouverture d’esprit de sa part en raison du rôle éminemment important de la presse dans l’édification d’un Etat de droit et le renforcement  de la démocratie. Mais Faure semble marcher sur les pas de son défunt père qui a régné sans partage sur ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest pendant 38 ans. Presque quatre décennies, pendant lesquelles la terreur, la répression et les harcèlements de toutes sortes étaient le lot quotidien des opposants. Seuls les discours laudateurs étaient entendus. Aujourd’hui, avec de telles lois rétrogrades qui peuvent paraître une façon détournée de bâillonner la presse, seule voix encore capable d’émettre des critiques sur sa gouvernance, le fils s’inscrit en digne successeur de son père. En cela, le Togo des Gnassingbé reste égal à lui-même. Car, l’on se rappelle qu’au moment où tous les pays cherchaient à introduire une clause de limitation des mandats présidentiels dans leur Constitution, le Togo  supprimait tout simplement cette clause de sa loi fondamentale. L’on comprend donc l’inquiétude des journalistes togolais. Mais en même temps, cela est une interpellation à plus de professionnalisme, et surtout à la responsabilité sociale du journaliste. Reste à savoir si le caractère répressif de la loi peut permettre d’atteindre l’objectif de dissuasion. L’on peut en douter. Quoi qu’il en soit, la place d’un journaliste n’est pas derrière les barreaux, pour des raisons liées à l’exercice de sa profession. Assurément, ce tour de vis va plomber la presse togolaise. Et pour des canards qui tirent déjà le diable par la queue, beaucoup risquent de mettre la clé sous le paillasson s’ils devaient avoir à payer de telles amendes. Et le risque, c’est d’avoir une presse au rabais. C’est peut-être l’objectif recherché par le pouvoir togolais.

Outélé KEITA


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