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PERMANENCE DE LA CRISE TOGOLAISE


Quand la médiation de la CEDEAO requinque le pouvoir de Lomé

La campagne pour les législatives du 20 décembre prochain, s’est ouverte hier, 4  décembre au Togo, dans un climat de tension. Et pour cause. En plus de boycotter le scrutin, l’opposition togolaise avait appelé à une journée Togo mort le même jour, qui dit-on, a été peu suivie.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la médiation menée sous l’égide de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) n’a pas permis d’aboutir à la décrispation souhaitée. Certes, le mercure était, entre-temps, quelque peu descendu pour laisser place au dialogue, mais à l’orée des législatives du 20 décembre prochain, force est de constater que les positions sont à nouveau en train de se radicaliser, l’opposition n’entendant pas aller aux élections tant qu’elle n’aura pas obtenu gain de cause par rapport à certaines de ses revendications, notamment la recomposition de la Commission électorale nationale indépendante (CENI)  qu’elle qualifie de « bancale, illégale et illégitime » et le toilettage du fichier électoral.

De quoi ajouter de la crise à la crise

Par ailleurs, les protagonistes sont toujours loin de s’accorder sur la question de la réforme constitutionnelle qui devrait connaître une limitation des mandats présidentiels et surtout sur la question de la rétroactivité qui devrait décider de l’avenir politique du chef de l’Etat. C’est dans ce contexte de quasi-blocage que la CEDEAO,  jouant les bons offices, a tracé une feuille de route censée décanter la situation mais qui, malheureusement, est aussi devenue une autre pomme de discorde entre les frères ennemis togolais. En effet, pour l’opposition, la date du 20 décembre, qui figure sur la feuille de route de l’organisation régionale, n’est qu’une date indicative susceptible d’être modifiée. Mais le pouvoir ne l’entend pas de cette oreille et tient à aller aux élections, arguant au passage que « l’opposition est tout simplement dans une logique de blocage ». De quoi ajouter de la crise à la crise.

Cela dit, le constat est qu’alors qu’il était pratiquement dos au mur, il y a de cela quelque mois, c’est un pouvoir de Lomé visiblement requinqué qui fait désormais la sourde oreille aux revendications de l’opposition. Pourtant, au plus fort des manifestations de l’opposition qui l’avait pris à la gorge, il n’avait eu d’autre choix que d’ouvrir le dialogue avec les contestataires. Négociations, du reste, menées sous l’égide de la CEDEAO. Maintenant que l’étau s’est visiblement desserré et que le pouvoir a pu reprendre du poil de la bête, tout porte à croire qu’il est prêt à aller au charbon parce que convaincu de tenir le bon bout. C’est pourquoi l’on est porté à croire qu’in fine, la médiation de la CEDEAO n’aura été profitable qu’au seul pouvoir de Lomé. D’autant plus que, entre-temps, l’opposition a dû mettre balle à terre pour laisser place aux négociations ; toute chose qui a quelque peu  brisé la dynamique des manifestions qui allaient grandissantes et qui avaient quelque peu ébranlé les fondements du pouvoir de Lomé. Autrement, comment comprendre qu’après avoir mis le pied à l’étrier pour conduire les négociations, la CEDEAO se réfugie derrière un silence assourdissant au moment où  on a le plus besoin d’elle pour rapprocher les protagonistes qui sont visiblement en train de déterrer à nouveau la hache de guerre ? Si ce n’est pas « enterrer le cadavre en laissant ses pieds dehors » comme le dit l’adage, cela y ressemble fort.

S’abstenir d’aller aux élections pourrait être suicidaire pour l’opposition

C’est pourquoi la CEDEAO est interpellée à terminer le travail de médiation qu’elle a commencé au Togo. Car, si ses efforts doivent aboutir à un boycott des élections par l’une des parties, en l’occurrence l’opposition, l’on se demande à quoi aura alors servi sa médiation. Du reste, à y regarder de près, l’opposition togolaise gagnerait à réorienter ses marches de protestation contre le pouvoir de Faure, en marches d’interpellation de l’institution sous-régionale. Dans le même ordre d’idée, elle gagnerait à revoir sa stratégie de lutte car, en choisissant la voie du boycott, elle file indubitablement du mauvais coton. Car, on ne le dira jamais assez, la politique de la chaise vide n’a jamais été payante sous nos tropiques. Au contraire, ce serait laisser le champ libre au pouvoir pour renforcer sa position au parlement et modifier les textes à sa guise. Et c’est peut-être l’objectif recherché. Car, sauf retournement spectaculaire de situation, l’on ne voit pas comment l’opposition pourrait empêcher la tenue du scrutin le 20 décembre prochain. Car, quoi qu’on dise, le rapport de forces a toujours été en faveur de Faure Gnassingbé qui a, pour lui, l’armée et les institutions de la République. En outre, en étant absente du parlement, l’opposition se prive d’une arme certaine pour porter la contradiction au pouvoir. A preuve, en l’absence de ses députés, la semaine dernière au parlement,  le texte proposé par le gouvernement n’a pu être adopté pour soumettre la réforme à référendum.  C’est pourquoi, sans mettre en cause la pertinence et la légitimité de ses revendications, s’abstenir d’aller aux élections pourrait être suicidaire pour l’opposition.

En tout état de cause, les dés semblent à présent jetés, et l’on attend de connaître l’épilogue de ce bras de fer entre pouvoir et opposition au « Gnassingbéland ». Mais sans jouer les Cassandre, à moins d’un retournement de situation, la cause de l’opposition semble entendue si elle ne change pas de stratégie.

 « Le Pays » 


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