HomeA la unePOSTE DE GARDIEN DE BUTS EN FOOTBALL AU BURKINA : A la découverte d’un secteur en mutation

POSTE DE GARDIEN DE BUTS EN FOOTBALL AU BURKINA : A la découverte d’un secteur en mutation


 

Dernier rempart entre le ballon et les poteaux, le gardien occupe une fonction essentielle, mais pas toujours considérée à sa juste valeur. Au football, le gardien de buts (également appelé gardien, goal, portier) est le joueur chargé de protéger les buts de son équipe, de manière que le ballon n’en franchisse pas la ligne. Il a le privilège, à l’intérieur de sa surface de réparation, de pouvoir utiliser toutes les parties du corps, contrairement aux joueurs de champ. Il peut également, à tout moment, évoluer sur toute la surface du terrain. Dans ce cas, il est assujetti aux mêmes restrictions que les autres joueurs. Avec l’avènement du football moderne, ce secteur du sport-roi est en train de se moderniser à son tour, comme les autres secteurs. Confiné jadis dans son « bois », aujourd’hui plus que jamais, le gardien de buts doit se distinguer de par son physique, son caractère, son savoir-faire, sa perspicacité et sa lecture du jeu. Considéré comme « un médecin généraliste qui se spécialise », il lui est affecté désormais un entraîneur spécial. Du moins, c’est ce qui se passe dans les grandes nations de football. Quel regard peut-on porter sur ce joueur spécifique dans le Fasofoot ? Bénéficie-t-il des mêmes égards dans le football national, comme ce qui se passe ailleurs ? Les clubs burkinabè sont-ils au fait des exigences internationales concernant le poste de gardien de buts ? Constat !

Qui ne se souvient pas de l’Allemand Jens Lehmann, du Russe Lev Yachine considéré comme le meilleur gardien du XXe siècle, d’un autre allemand, Oliver Khan ? Revenons à plus près de nous avec l’Ivoirien Alain Gouaméné, le Togolais Kossi Agassa ou encore les Camerounais Joseph Antoine Bell et Thomas N’kono. Pourquoi pas chez nous ? Ibrahim Diarra, Abdoulaye Soulama, Mohamed Kaboré dit Kouassa ? C’est dire combien certains portiers ont laissé leurs empreintes dans l’histoire du football. Pourtant, bon an mal an, ce poste fait l’objet de clichés qui empêchent souvent de voir l’importance de son apport sur le rectangle vert. Il n’y a qu’à considérer la plus prestigieuse des récompenses du football, le Ballon d’or, pour comprendre le peu d’égards conférés à ce poste. Métier ingrat ? Il est possible de le penser. De nos jours, ne devient plus gardien de buts qui veut. Le football moderne a prescrit des qualités pointues que doit avoir tout gardien de buts. En plus des qualités naturelles comme la taille, le goal keeper doit développer des aptitudes que peu de joueurs peuvent acquérir. Dans les grands clubs, par exemple, lors des tests de recrutement, il arrive que  des radiographies du poignet soient faites pour apprécier la future taille du gardien postulant. De nos jours, en plus d’être un bon joueur dans les détentes, le portier doit exceller avec ses pieds. Il doit avoir les qualités des joueurs de champ. C’est-à-dire savoir faire des passes précises, maîtriser ses relances et être bon en technique balle au pied. C’est pourquoi, de plus en plus, on ne considère pas le portier comme un simple gardien de buts. Selon les dernières statistiques de la FIFA, le gardien touche le ballon à 78% avec ses pieds. Il lui reste 22% avec les mains. Parlant de sa spécificité, le Directeur technique national (DTN) de la Fédération burkinabè de football, Ousmane Savadogo, est prolixe : « Nous disons en football que le gardien de buts, c’est une personne qui occupe une fonction particulière dans l’équipe de football. Même les lois de jeu confèrent au gardien de buts une particularité ». Ainsi, poursuit-il, « lorsqu’il n’y a pas de gardien de buts, le match ne peut pas démarrer. Lorsqu’il est blessé, l’arbitre arrête le match, permet au soigneur d’entrer sur le terrain pour soigner le gardien avant que le match ne reprenne ».

Autre rôle conféré au gardien de buts dans le football moderne, c’est sa mission d’entraîneur sur le terrain. Un gardien de buts est considéré de nos jours comme le deuxième entraîneur dans un match. Il doit parler plus qu’un entraîneur. C’est au regard de toutes ces exigences qu’il lui est affecté, dans le football moderne, un entraîneur spécifique : l’entraîneur des gardiens de buts.

Si dans les équipes nationales, aux dires du DTN, depuis des années, un entraîneur des gardiens de buts est toujours recruté, dans le championnat national, cela n’est pas tout à fait le cas. Cette exigence est à la recherche de ses marques. Le nombre de clubs de première division au Burkina qui ont un entraîneur de gardien de buts ?…

Sur cette question, le DTN, Ousmane Savadogo a sa petite idée : « Le football subit aussi l’évolution de l’humanité. De par le passé, les différents secteurs d’activités étaient beaucoup plus animés par des autodidactes et ce monde a tendance à être révolu. De nos jours, c’est la spécialisation, la professionnalisation dans tous les secteurs. Effectivement, c’était un seul entraîneur qui s’occupait de tout. Préparation physique, psychologique et de l’entraînement technique et tactique. De plus en plus, les différents secteurs ont tendance à être spécialisés. On a des spécialistes en psychologie dans les clubs, des spécialistes en coaching des gardiens de buts, de la préparation physique », a-t-il déclaré. Il affirme par ailleurs que dans certains clubs comme l’Ajax d’Amsterdam aux Pays-Bas, il y a des coaches pour les différents secteurs. Un coach des gardiens de buts, un autre pour les défenseurs, un pour les milieux de terrain, un pour les attaquants. Et ils sont tous à la disposition du coach principal. Cela signifie qu’il y a une diversification des spécialités et il y a aussi une spécialisation progressive des différents secteurs.

« L’entraîneur des gardiens de buts est d’abord un généraliste avant de se spécialiser »

Malgré le manque de moyens, le Burkina ne saurait être totalement en marge. Des dirigeants de clubs font des efforts dans ce sens, pour coller aux exigences du moment. Pour l’instant, les clubs qui ont la possibilité de le faire se sont dotés de spécialistes en goalkeeping et de spécialistes en préparation physique et c’est le minimum qu’on puisse faire. L’Etoile filante de Ouagadougou (EFO), le Raïl club du Kadiogo (RCK) font partie de la short list des clubs qui se sont dotés d’entraîneurs de gardiens de buts et il y en a bien d’autres. Quand on connaît la modestie des moyens des clubs burkinabè, on ne peut qu’admirer cette initiative. En tout cas, pour ces acteurs, avoir un entraîneur de gardien de buts est un passage obligé pour atteindre le sommet. L’entraîneur Kamou Malo, double vainqueur du Fasofoot avec le RCK (2015-2016 et 2016-2017), lève le voile sur l’importance de son entraîneur des gardiens, Adama Simporé. « D’abord, je n’ai pas été gardien de buts. Il y a des subtilités que seul le gardien connaît, par l’expérience qu’il a acquise. Adama Simporé, notre entraîneur de gardien de buts, fut d’abord gardien de buts avant de se spécialiser dans ce poste. Le gardien fait 80% des résultats dans un match. Sans un bon gardien, vous ne pourrez jamais remporter un match. Le gardien de buts est très important, d’où l’importance de l’entraîneur de gardien de buts », dixit le coach du RCK. « L’entraînement des gardiens de buts ne ressemble pas à celui des joueurs de champ. Il est difficile de s’occuper déjà de 25 joueurs et s’il faut encore y ajouter les gardiens de buts, ce n’est pas évident. L’entraîneur des gardiens a une grande importance, parce qu’il y a une particularité. Il prépare les gardiens de buts et les met à ma disposition», renchérit Boureima Kaboré, coach de l’EFO. Comment les entraîneurs des portiers apprécient-ils leur apport dans la construction du jeu d’ensemble ? Adama Simporé, l’entraîneur des gardiens de buts du RCK, répond : « Je travaille sur les techniques de base, les déplacements, les détentes avec mes trois gardiens de buts. Je fais mon programme, le coach ne se mêle pas. Pour choisir le gardien de buts, on discute ensemble »,  a-t-il affirmé. Dans son club, le choix du gardien titulaire lors des matchs ne se pose pas, car Aboubacar Sawadogo est le gardien n°1. Idrissa Konaté, entraîneur des gardiens de buts de l’EFO, abonde dans le même sens: « Je m’occupe des gardiens de buts en travaillant avec eux pour qu’ils soient en forme le jour du match. Je travaille seul avec eux mais, lorsqu’il y a quelque chose qui ne va pas, j’approche mon coach et il me donne des explications et ensemble, nous essayons de voir comment mettre tout en pratique. J’ai mon programme pour les gardiens de buts et des fois, je viens un peu plus tôt pour travailler avec les gardiens en attendant que le coach arrive pour voir le travail d’ensemble à faire avec les gardiens. Je travaille avec les gardiens et rends compte à mon coach qui est le patron », a-t-il laissé entendre. Dans le lot des clubs de référence de l’élite du football burkinabè, l’ASFA-Y semble déroger à la règle en  cette saison 2017-2018, pour n’avoir pas encore dans son staff technique, d’entraîneur de gardien de buts. Qu’est-ce qui peut bien expliquer cela, alors que la plupart des clubs de première division en possèdent. A cette question, le technicien ghanéen, Malick Jabir, qui était l’entraîneur du club jusqu’à son redéploiement comme directeur technique, réagit : « j’ai demandé au président de l’ASFA-Y de nous trouver un entraîneur des gardiens de buts et nous sommes dans l’attente. En attendant, mon adjoint s’occupe de temps en temps des gardiens et il arrive que je m’implique également ». Les choses n’ont pas évolué avec l’arrivée du technicien malien, Cheick Oumar Koné, comme coach. Et Malick Jabir de nous parler de l’importance du dernier rempart. « Le gardien de buts est certes comme les autres joueurs, mais il n’a pas droit à une quelconque erreur. Une erreur de sa part et c’est un but de l’adversaire ». Avant de signifier que c’est pour cela que leur entraînement est différent de celui des joueurs de champ. Et d’ajouter : « c’est le seul joueur qui voit le reste des 21 autres joueurs (NDLR : ils sont 22 sur le terrain) qui sont sur le terrain. C’est un avantage pour le gardien de buts, puisqu’il est en mesure de donner des directives à ses défenseurs sur le marquage des adversaires ». Et c’est pour cela, souligne Malick Jabir, qu’on dit de lui qu’il est le dernier rempart.

« En matière de formation des gardiens de buts, le Burkina doit poursuivre plusieurs lièvres à la fois »

Quid de la formation de ces entraîneurs dans notre championnat ?

A ce tire, le DTN Ousmane Savadogo a laissé entendre qu’au Burkina, avant de devenir coach spécialiste de l’entraînement des gardiens de buts, il faut avoir les diplômes d’entraîneur, avoir au moins la licence B avant de pouvoir se spécialiser. C’est un domaine de spécialité parce que l’entraînement du gardien de buts revêt actuellement une autre connotation que de par le passé. Le gardien de buts doit performer tout en s’intégrant dans l’équipe et cela demande un entraînement particulier. Cela demande que les entraîneurs des gardiens de buts aient des notions tactiques générales sur l’ensemble de l’équipe. « Donc, il faut avoir des diplômes d’entraîneur avant de pouvoir prétendre à la spécialité de coach de gardien de buts », explique-t-il.

Le hic, à l’en croire, c’est que de par le passé, les entraîneurs de gardiens de buts n’avaient jamais imaginé qu’il leur fallait avoir des diplômes d’entraîneur tout court avant de se spécialiser et c’est à ce niveau que nos entraîneurs et même dans beaucoup de pays en Afrique, ont pris du retard.

Toute chose qui oblige la FBF à poursuivre plusieurs lièvres à la fois. D’abord, pour parer au plus pressé et pallier l’insuffisance de spécialistes au niveau des clubs. « Nous avons regroupé, à plusieurs reprises, ceux qui s’intéressaient à l’activité. En général, ce sont d’anciens gardiens de buts qui ont soit joué dans les clubs de première division soit en sélection nationale et qui désirent se reconvertir en coach de gardiens de buts. Nous leur avons donné ce que nous appelons la formation classique à l’ancienne. Ce que la FIFA donnait de par le passé. Nous faisons des formations tous azimuts, qui ne débouchent pas forcément sur des diplômes parce que pour pouvoir délivrer des diplômes, il faut des contenus d’enseignements validés aux niveaux national et continental », a-t-il précisé. Il faut ajouter que les sélectionneurs étrangers en charge de l’équipe nationale ont été d’un apport considérable dans la formation des gardiens de buts. C’est, du reste, le témoignage du DTN : « Nous avons travaillé en synergie avec les coaches de gardiens de buts de l’équipe nationale depuis le premier passage de Paulo Duarte où il avait un bon coach de gardiens de buts, Victor Valente qui a dispensé des cours à nos coaches de gardiens de buts. Cela s’est poursuivi avec Paul Put, Gernot Rohr et maintenant avec le retour de Paulo Duarte ».

Il nous faut d’autres Abdoulaye Soulama

Le Burkina, au regard des normes internationales, peut-il dire enfin qu’il a des gardiens de haut niveau ? Affirmatif, répond sans sourciller Adama Simporé. « On a de grands gardiens. Mais on ne leur fait pas confiance. Par exemple, Hervé Kouakou Koffi était là. Il a fallu la blessure de Daouda Diakité pour qu’on découvre de quoi il est capable. Aboubacar Sawadogo a été élu deux fois meilleur gardien du championnat national. Il a été appelé en équipe nationale sans jamais jouer, ne serait-ce que quelques minutes, en dehors des Etalons locaux. Mohamed Baïlou n’a pas eu la chance d’être essayé en équipe nationale. Il faut essayer nos gardiens de buts pendant les journées FIFA », s’est-il exclamé.  Dans le championnat national, certains noms reviennent fréquemment. On cite Aimé Zongo, Aboubacar Sawadogo. et bien d’autres.

Le DTN est moins péremptoire. Selon lui, le Burkina, en matière de gardiens de buts, n’est pas démuni. La qualité y est, mais il nous faut travailler sur la quantité. « C’est un motif de satisfaction, même si nous sommes conscients qu’il y a beaucoup à faire », a-t-il relativisé. Qu’à cela ne tienne, espérons que notre football secrétera d’autres grands gardiens, à l’instar du regretté Abdoulaye Soulama.

Antoine BATTIONO

 

 

 

 

 

 


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