PRESIDENTIELLE AU CONGO BRAZZAVILLE : La guerre des généraux aura-t-elle lieu ?
« Vrai opposant ou opposant motard ? » Ainsi nous interrogions-nous dans notre édition du 9 février dernier, lorsqu’à la surprise générale, l’ancien chef d’état-major de l’armée congolaise, le général Jean-Marie Michel Mokoko, annonçait sa candidature à la présidentielle du 20 mars prochain. Quelques jours seulement après cette annonce fracassante, la raison est en train de prendre le pas sur le scepticisme, tant les faits parlent d’eux-mêmes. En effet, de retour de la RCA où il était à la tête de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA), le Général Mokoko s’est vu réservé un accueil indigne d’un officier supérieur dont le seul péché est d’avoir manifesté son intention de briguer la magistrature suprême de son pays. Tenez ! Même escorté par des éléments de la MISCA et sa garde nationale congolaise du fait des honneurs dus à son rang, le général Mokoko a vu son cortège attaqué à coups de pierres et certains de ses partisans molestés par les sbires – pardon- les hommes liges de Denis Sassou Nguesso. A ce qu’on dit, l’objectif de tout ce ramdam, était de provoquer des troubles au cours desquels pourraient s’ensuivre des morts qui seraient mis sous la responsabilité du Général Mokoko désormais présenté comme un renégat pour ne pas dire un ingrat. C’est la preuve donc, si besoin en est encore, que la candidature du Général donne des sueurs froides au maître de Brazzaville qui, après son référendum constitutionnel controversé, ne voyait aucun obstacle à sa réélection ; l’opposition politique ayant montré ses limites, du fait de son incapacité à parler d’une même voie. Car, venant de l’intérieur, le Général Mokoko connaît les forces et les faiblesses de son ancien mentor et de ce fait, il peut lui tenir la dragée haute à la prochaine présidentielle. Dès lors, on comprend pourquoi Sassou a le sommeil trouble. Il redoute le scénario burkinabè où Blaise Compaoré, lâché par certains de ses anciens compagnons, a fini par être chassé du pouvoir et ce, après plus d’un quart de siècle de règne sans partage. Et l’accueil que Sassou a réservé à son ancien chef d’état-major n’est rien moins qu’une réponse à la volonté de ce dernier de l’affronter dans les urnes ; comme si, en tant que Congolais, le général Mokoko n’a pas le droit d’aspirer aux plus hautes fonctions de son pays.
Le Général Mokoko sait à quoi s’en tenir
En tout cas, le général Mokoko est prévenu. Sassou ne lui fera pas de quartiers. Il tentera, par tous les moyens, de le décourager. Car, si pour avoir annoncé sa candidature, cela lui a valu l’accueil que l’on sait, qu’en sera-t-il quand viendra l’heure de la campagne où le Général Mokoko sera appelé à sillonner le territoire congolais ? Et à l’allure où vont les choses, il n’est pas exclu que dans les jours à venir, Sassou et ses fidèles lieutenants montent une cabale contre « l’officier félon » qu’ils ne veulent plus voir même en peinture. Et comme sous nos tropiques, il existe des juges acquis pour connaître de ce genre de combines, on ne sera pas non plus surpris d’entendre demain que le Général Mokoko est poursuivi pour « trahison et atteinte à la sureté de l’Etat », juste pour ne pas dire pour «ingratitude notoire et aggravée envers Sassou». Le Général Mokoko sait donc à quoi s’en tenir. Il ne doit pas prêter le flanc. Du reste, on imagine bien qu’en prenant son courage à deux mains pour s’opposer à un dictateur avec qui il a collaboré, le Général Mokoko donne la preuve qu’il n’a rien à se reprocher. Car les dictateurs sont ainsi faits que quand ils ont un dossier sale contre vous, ils vous tiendront toujours par la barbichette, convaincus que vous n’oserez jamais leur tenir tête. On attend maintenant de voir ce que Sassou sortira bientôt de ses officines ; lui qui, en tant que général, et à en juger par l’accueil très peu amical réservé à Mokoko, donne l’impression de ne pas vouloir affronter dans les urnes un autre général.
Boundi OUOBA