HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE « Je ne suis ni responsable de l’attentat à la sûreté de l’Etat, ni de coups et blessures » (Djibril Bassolé)

PROCES DU PUTSCH MANQUE « Je ne suis ni responsable de l’attentat à la sûreté de l’Etat, ni de coups et blessures » (Djibril Bassolé)


Le Général Djibrill Bassolé est le dernier des accusés du putsch manqué du 16 septembre à déposer à la barre. Déjà, le mercredi 19 décembre 2018, premier jour de sa comparution, les avocats de Djibrill Bassolé avaient introduit une demande de sursis à statuer à cause d’une plainte pour faux qu’ils ont déposée, au Tribunal de grande instance de Ouagadougou relativement au rapport d’expertise des écoutes téléphoniques par rapport à une conversation entre Djibrill Bassolé et Guillaume Soro. Le juge, après avoir écouté les différentes parties, rend sa décision le vendredi 21 décembre 2018.

En cette matinée du 21 décembre, le verdict du président du Tribunal militaire, Seidou Ouédraogo, tombe comme un couperet : « Le tribunal déboute les avocats du Général Djibrill Bassolé de la demande de sursis à statuer. Par conséquent, nous poursuivons avec l’interrogatoire de l’accusé ». Vu la requête introduite le mercredi 19 dernier par les avocats de Djibrill Bassolé demandant au juge de différer l’interrogatoire de leur client afin que ses avocats étrangers puissent passer les fêtes de fin d’année avec leurs familles, il est probable que la décision du juge n’a pas fait que des heureux. Mais le président du tribunal, imperturbable, demande à l’accusé de décliner son emploi du temps pendant les évènements du 16 septembre et jours suivants. Assis, tout de blanc vêtu, celui qui a été pendant plusieurs années chef de la diplomatie burkinabè, affirme que son emploi du temps n’a pas été en relation avec les évènements des 16 septembre 2015 et jours suivants. Mais comme le juge le lui demande, il va le faire. « Le 16 septembre 2015, je reçois un sms ou coup de fil, je ne sais plus trop, me disant qu’il y a des arrestations qui s’opéraient à la Présidence. Mon reflexe a été de quitter Ouagadougou parce qu’à l’époque, je faisais l’objet de beaucoup de controverses », relate le Général. C’est ainsi que le Général dit s’être rendu à Koudougou et c’est de là qu’il a suivi l’évolution de la situation. Il est revenu à Ouagadougou le samedi, pour prendre l’avion à destination de Niamey parce que « le président du Niger m’a demandé de venir le voir ». Et au président du tribunal de demander : « ce voyage avait-il un lien avec ce qui se passait ? ». Djibrill Bassolé répond par l’affirmative. Le juge demande alors le contenu de leur conversation. Le Général se dit un peu gêné de donner le contenu de l’entretien qu’il a eu, étant donné que le président Mahamoudou Issoufou est toujours en exercice. Mais il laisse entendre que « le président du Niger souhaitait que le Général accepte la feuille de route de la CEDEAO et se conforme à celle-ci ». De retour de ce voyage, Djibrill Bassolé dit être retourné immédiatement à Koudougou et « je ne suis revenu qu’après le 25. La situation s’était normalisée ». Mais c’est avec surprise que le Général Bassolé apprend que ses avoirs ont été gelés par la Transition. « Je ne comprenais pas ». Mais il n’a pas le temps de se remettre de ses émotions qu’il est frappé de plein fouet par un communiqué de la Transition, diffusé dans tous les médias, faisant cas d’un projet de Djibrill Bassolé visant à mobiliser des forces étrangères et des djihadistes pour appuyer le RSP. « L’Exécutif a pris sur lui de porter de graves accusations à mon encontre. Le même soir, le secteur de ma résidence a été bouclé ». L’arrestation du Général est intervenue le 29 septembre. « J’ai été arrêté et incarcéré ». Mais le moins que le Général Bassolé puisse dire, c’est « la totale déconnexion de ses activités avec les évènements des 16 septembre et jours suivants» parce que, affirme-t-il, aucune déclaration de ses co-accusés ne le met en cause. Et « aucun acte concret de complicité n’a été relevé par mes co-accusés. C’est important pour moi », relève-t-il. S’agissant des écoutes téléphoniques, le Général Bassolé fait comprendre que ces enregistrements ont été fabriqués de toutes pièces et ne proviennent pas de son téléphone. Il insiste, soulignant que les enregistrements sonores ne proviennent pas d’appels téléphoniques classiques. Qu’à cela ne tienne, le juge Seidou Ouédraogo veut savoir si l’accusé a apporté une aide pour la réussite du coup d’Etat. « Non, je n’en avais pas besoin. Si le Général Gilbert Diendéré avait dans son agenda de faire un coup d’Etat, il m’aurait informé ; nous sommes des promotionnaires », répond le Général. Il ajoute que pour lui, ce n’était qu’une énième crise au RSP. Pour la manifestement de la vérité, le président du Tribunal militaire poursuit son interrogatoire : « Avez-vous soutenu le RSP ? » Le Général répond par la négative. Mais il revient pour préciser que « sa fille, une des co-accusés, en l’occurrence Fatoumata Diawara, qui était la compagne de l’un des fils de Gilbert Diendéré, lui a fait appel afin qu’il vienne en aide à certains éléments du RSP qui ont tout perdu ». Pour moi, c’est « une œuvre sociale », mais il n’a pas donné de réponse favorable à « sa fille ». Aussi, le fils de Gilbert Diendéré, Ismaël, a eu à solliciter son aide en des termes : « le vieux est dans des problèmes là-bas. Ça ne va pas à la maison ». Pour en avoir la certitude, le Général Bassolé dit avoir appelé leur maman, Fatou Diendéré avant de remettre 5 millions à Diendéré fils.

« Les mouvements armés du Nord-Mali n’ont rien à voir avec les djihadistes »

Comme il fallait s’y attendre, l’histoire des clans au sein du RSP s’est invitée dans l’interrogatoire. « Je n’en sais absolument rien », martèle-t-il. D’ailleurs, poursuit-il, « dans l’armée, il n’y a pas de nomenclature appelée clans ». Et le Général va plus loin en évoquant le cas du major Badiel, celui-là qui était considéré « comme son homme de main ». C’est à la MACA que je l’ai connu. Et pour ce qui est du Touareg Sidi Lamine Oumar, l’un des co-accusés, la main sur le cœur, le Général dit n’avoir jamais eu de contact avec lui. S’en suit alors un petit cours magistral par rapport à la différence entre « mouvements armés du Nord-Mali » et « djihadistes ». « Ces deux groupes ne sont pas à confondre. Les mouvements armés du Nord-Mali ont fait partie des accords de paix signés. Le Burkina Faso a eu des contacts avec eux, dans le cadre des accords de paix. Les mouvements armés du Nord-Mali n’ont rien à voir avec les djihadistes. Le gouvernement de la Transition et l’accusation en ont fait un tout, alors qu’ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Ce que nous avons fait pour le besoin de la paix, nous l’avons fait pour nous-mêmes. Je souhaite que nous puissions garder de bonnes relations avec ces groupes armés. Dommage qu’on en arrive à accuser des Touaregs. Le pauvre Sidi Lamine, qu’est-ce qu’il peut faire contre un pays ? ». Des propos qui ont suscité des réactions dans la salle, que le juge a vite fait de calmer. Après cet épisode, le Général Djibrill Bassolé mentionne qu’il a aussi eu un entretien téléphonique avec le président Macky Sall et qu’il serait gêné d’en parler. Mais le président du tribunal tient à ce qu’il dévoile le contenu de la conversation. « Macky Sall m’a appelé dans la nuit du 16 septembre aux environs de minuit. Il voulait comprendre un certain nombre de choses. Et il a dit que quelles que soient les motivations du RSP, il n’était pas possible de garder les autorités longtemps ». Au cours de son interrogatoire à la barre, le Général Djibrill Bassolé reconnaît avoir échangé téléphoniquement avec des autorités ivoiriennes pour voir « comment aider le Burkina Faso à sortir de la crise ». Et le président du Tribunal militaire de lancer : « Avez-vous eu des entretiens téléphoniques avec le Président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro ? » « Affirmatif » mais « avec Guillaume Soro, nous nous appelons fréquemment. Et par rapport aux évènements du 16 septembre et jours suivants, nous avons échangé relativement au processus de DDR (Désarmement, démobilisation et réinsertion). Il n’a pas été question de faire venir des forces étrangères sur le territoire national », insinue-t-il. « Dans quel intérêt je l’aurais fait et pour soutenir qui et quoi ? », interroge le Général. De toute façon, déclare-t-il, ç’aurait été un exercice périlleux de s’engager dans ce genre d’action tout en sachant que l’objectif n’était pas défini. A l’entendre, « il n’y avait aucune raison de solliciter des forces étrangères pour envahir le Burkina Faso ».  Le Général Bassolé est à la barre pour attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures et trahison. Le dialogue entre le juge Ouédraogo et l’accusé se poursuit. Le juge demande à l’accusé ce qu’il a à voir avec les infractions de meurtres, de coups et blessures volontaires. Le Général déclare que sa responsabilité ne saurait être engagée d’autant plus qu’il ne reconnaît pas l’infraction principale qui est l’attentat à la sûreté de l’Etat. « Je ne suis ni responsable de l’attentat à la sûreté de l’Etat ni de coups et blessures qui en résultent ». L’audience du vendredi 21 a été suspendue dans la matinée, au motif que les avocats avaient une assemblée générale dans la soirée. Par ailleurs, dans la matinée du vendredi, le juge a rejeté la demande de liberté provisoire de Minata Guelwaré.  Le procès du putsch manqué de septembre 2016 reprendra son cours le lundi 7 janvier 2019.

Françoise DEMBELE


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