HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE « Nous prenons acte de la position radicale de la défense », selon Me Halidou Ouédraogo

PROCES DU PUTSCH MANQUE « Nous prenons acte de la position radicale de la défense », selon Me Halidou Ouédraogo


 

Comme annoncé, l’audience du procès du putsch manqué de 2015 a repris dans la matinée du 22 mars 2018, dans la salle des Banquets de Ouaga 2000. Et, après avoir examiné les mémoires en défense, le président du tribunal a suspendu l’audience jusqu’au 26 mars prochain afin de délibérer.

 

« L’audience a été suspendue aux environs de 17h. Elle reprend aujourd’hui (22 mars) dans la matinée, avec l’examen des « préliminaires et observations » et des exceptions ». Ainsi a été la chute de notre article sur le 2e jour de l’audience de ce qu’il convient d’appeler « affaire Gilbert Diendéré et autres ». Le jour indiqué, soit le 22 mars, l’audience a repris à 8h 30 mn comme prévu. A son entrée, le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, a fait savoir aux différentes parties que l’audience allait se poursuivre avec l’examen des exceptions contenues dans les mémoires de la défense. Mais, cette dernière n’en convient pas. Pour elle, avant d’en arriver là, il est de bon ton que le président se prononce sur la récusation qui a été faite la veille, sur sa personne. Cela, de son avis, conformément à  l’article 27 du Code de justice militaire qui dispose en substance que tout inculpé, tout prévenu dispose du droit de récusation à l’égard des membres d’une juridiction militaire. De même, poursuit l’article, tout membre de ladite juridiction qui a motif de récusation en sa personne, est tenu de le déclarer et dans tous les cas, le tribunal statue par décision motivée. Sur ce point, la partie civile a renchéri en faisant d’abord savoir que la question avait été vidée depuis hier (Ndlr : le 21 mars). « Reposer le problème, c’est tourner en rond », a déclaré Me Prosper Farama. Me Bayala de la défense fera noter à la suite de l’intervention de la partie civile que c’est la loi qui dispose que le président du tribunal vide la question avant de poursuivre avec l’examen des exceptions. Mais, pour Seydou Ouédraogo, le débat n’est pas à ce niveau. « La question qui mérite d’être posée est celle de savoir si nous avons l’obligation de statuer avant de poursuivre. Mais, aucune disposition ne nous contraint à une décision immédiate sur la demande de récusation », a-t-il expliqué aux différentes parties. Et de trancher que le tribunal se prononcera donc sur la question en même temps que sur les exceptions soulevées par la défense. Ce qui revient donc à dire que le tribunal poursuivra l’examen des mémoires. Suite à cette décision du président, les avocats demandent une suspension de 30 minutes pour se concerter. Il a fallu environ 10 minutes au tribunal pour se prononcer sur cette demande de suspension. Le procureur militaire, lui, a opposé son refus à cette requête des avocats, estimant qu’elle n’est pas appropriée. Quant à la partie civile, elle n’a pas trouvé d’inconvénient à la demande de la défense. Après s’être longuement entretenu avec les autres membres du tribunal, Seydou Ouédraogo accepte finalement de donner un avis favorable à la défense. L’audience est suspendue pour 30 minutes. Il était 9h 08. A la reprise, à 9h 35, la parole est donnée aux conseillers des accusés. Me Bonkoungou qui a pris la parole, dira à la Cour que depuis le début du procès, la défense a fait des concessions. Entre autres, a-t-il justifié, donner la parole à la partie civile en dernier alors que ce sont eux les accusés qui devraient intervenir en dernier lieu et accepter aussi la constitution du tribunal.

« Nous ne quittons pas la salle, mais nous n’allons pas participer aux débats »

 

« Mais, pour que tout marche bien, il y a des choses que nous n’allons pas accepter », a-t-il prévenu. En plus de cela, toujours selon Me Bonkoungou, la défense a fait des observations sur le décret qui nomme le président du tribunal, mais celui-ci n’a pas donné une réponse à cette observation.  A cela, pour l’avocat de la défense, il faut ajouter le fait que le tribunal n’entend toujours pas se prononcer sur la récusation du président Seydou Ouédraogo, alors que son impartialité est mise en cause.  « Nous ne sommes pas là pour faire du spectacle. Nous ne jouons pas non plus, car il s’agit de nos droits. Nous demandons donc que des préalables soient respectés, à savoir qu’un juge qui est récusé, puisse quand même se prononcer », a relevé Me Bonkoungou. Et d’ajouter que si cela n’est pas le cas, les avocats de la défense ne participeront pas aux débats sur l’examen des requêtes contenues dans les mémoires. « Nous ne quittons pas la salle, mais nous n’allons pas participer aux débats », s’est-il prononcé. A entendre le parquet militaire, ce sont des arguments que la défense développent pour ne pas que les choses avancent. Mais qu’à cela ne tienne, le procureur militaire a indiqué au président que le parquet prenait acte de la position des conseils des accusés. «Nous prenons acte de la position radicale de la défense», a-t-il soutenu. C’est à ce moment qu’est intervenu Me Halidou Ouédraogo, l’un des avocats de la défense. Pour ce dernier, ce que la défense veut, c’est que le président applique l’alinéa trois de l’article 117 qui dispose que les exceptions et incidents relatifs à la procédure en cours fassent l’objet d’un seul jugement motivé rendu avant la clôture des débats. Dans leurs plaidoiries, les avocats de la partie civile diront d’abord qu’ils représentaient des clients qui ont été traumatisés par des kalachnikovs et d’autres sont morts en défendant la liberté. En tant que tel, pour Me Farama, l’on ne peut pas, aujourd’hui, pour une virgule ou un point-virgule, se cramponner. « De ma petite expérience, c’est la première fois que je vois la défense, parce qu’elle n’est pas d’accord avec la position de la partie civile ou du parquet, vider la salle. Parce qu’on n’est pas d’accord avec eux, ils estiment que c’est un crime contre la légalité », a-t-il relevé. Après cette intervention, c’est le président du tribunal qui a pris la parole. Pour lui, l’audience allait se poursuivre avec l’examen des mémoires. Ainsi en a-t-il été, mais sans l’intervention des conseils des accusés. Il était 10h 40mn quand les requêtes ont été toutes examinées, à l’exception de celles reçues récemment par le tribunal. Ces dernières seront examinées à l’audience prochaine. Mais en attendant, a conclu Seydou Ouédraogo, l’audience est suspendue jusqu’au 26 mars prochain, aux fins de délibérer sur les mémoires examinés.

Adama SIGUE

Légende

 

 

Me Mathieu Somé, avocat de la défense

 

« Le Président du tribunal n’est pas en mesure de juger parce qu’il y a une procédure de récusation contre lui »

 « Nous avons posé un certain nombre de problèmes pour lesquels on n’a pas eu de réponse. On a d’abord insisté sur le fait que le tribunal était irrégulièrement constitué et on a voulu qu’il régularise la situation pour qu’on puisse avancer. On est venu pour qu’on ne nous dise pas qu’on  fuit le débat. On est venu pour poser le problème, mais ils sont passés outre. Ensuite, on a posé le problème de la composition du tribunal. Ils sont passés outre. Et là, le président du tribunal avait dit « laissez-moi composer le tribunal et après on va discuter ». Voilà comment il a pu nous amener à accepter qu’il compose son tribunal. Mais il y a eu une composition irrégulière que nous avons constatée. Enfin, nous avons dit que lui-même n’est pas en mesure de juger, parce qu’il y a une procédure de récusation contre lui. Et l’article 27 du Code de justice militaire dit que le tribunal doit statuer. Ils nous demandent que c’est quel tribunal ? Mais on est convoqué devant le tribunal militaire. II doit statuer avant de continuer, parce qu’on dit que vous n’êtes pas à même de juger. Donc, statuez là-dessus pour nous dire si vous êtes à mesure ou non avant de recevoir les exceptions. C’est face à cette obstination que nous avons décidé de ne pas partir, mais de nous taire et de laisser faire jusqu’à ce qu’il tranche la question de la récusation. Il vient de nous dire que cette question sera tranchée lundi. Quand on plaide, c’est pour soutenir ce qu’on a écrit. La preuve est qu’il a pu faire les résumés, mais on n’a pas eu l’occasion de répondre au parquet militaire et à la partie civile. Mais tout cela procède d’une stratégie que nous avons comprise ; c’est pourquoi nous acceptons. Les problèmes se posent quelque part. Ce n’est pas dans la rue. Et c’est pourquoi nous avons déposé les mémoires.  Moi, mon mémoire sera abordé lundi. Cela doit être fait avant tout débat au fond. Si je laisse atteindre les débats au fond, ça ne sera plus recevable. On a posé des préalables, mais quand on a constaté qu’il ne voulait pas répondre aux différents préalables, on a décidé de ne pas parler et le laisser faire jusqu’à ce qu’il rende sa décision sur sa propre compétence. Nous demandons la récusation du président du tribunal parce qu’il a eu connaissance d’une partie du dossier en cours d’instruction. Et il y a une disposition qui dit que dès lors que vous avez eu connaissance d’une partie en tant que président, et cela a été son cas, il ne peut plus présider. En plus, on a estimé qu’ils ont été tous désignés par une partie au procès. Un ministre peut être partie civile mais dès lors que vous devez contribuer à choisir des juges, vous choisissez vos propres juges et ceux qui ont été choisis par lui, doivent être récusés parce qu’on doute de leur impartialité. »

Me Prosper Farama, avocat de la partie civile

 

« Nous  avons accepté ce jeu  parce qu’il est propre à une justice indépendante »

 

« Si la défense estime qu’ayant déposé des requêtes elle n’a pas à les développer oralement, c’est son droit, c’est sa stratégie. Mais en tout cas, cette stratégie est préférable à celle de quitter la salle. La défense dit avoir accepté des choses mais c’est plutôt nous, avocats de la partie civile, qui avons accepté des choses. Je viens tous les jours ici et après les audiences, mes clients, notamment les analphabètes,  me demandent qu’est-ce qui s’est passé, parce qu’ils ont perdu des enfants, ils ont perdu des maris et ils pensaient qu’en quelques jours on leur dirait ce qui s’est passé, mais on en n’est pas là. Mais nous, nous  avons accepté ce jeu  parce que c’est un jeu qui est propre à l’Etat de droit, à une justice indépendante. Mais nous refusons que des personnes présumées innocentes mais accusées d’actes très graves estiment être en position de force, de prendre des juridictions en otage par des attitudes tendant à dire si nous développons un argument de droit dans un sens ou dans un autre, si le tribunal n’est pas avec nous, c’est un crime contre la légalité et là nous ne pouvons pas l’accepter et nous quittons la salle. Nous disons que c’est une insulte aux autres confrères de la partie civile que nous sommes, parce que le minimum de respect voudrait que quand on développe un argument, l’on accepte que l’autre partie en développe un autre et qu’il y ait un tribunal qui tranche sans qu’il y ait une tentative de chantage. Des Burkinabè sont tombés et cela ne peut pas rester impuni. »

Me Sayouba Néya, avocat de la partie civile

 

« Que les avocats parlent ou qu’ils ne parlent  pas, ils ont déjà écrit »

 

« Depuis le début, c’est cette manière de faire que les avocats de la défense ont adoptée. Ils ont décidé de ne pas participer loyalement. Ils utilisent donc des techniques pour ne pas rentrer dans le débat mais nous, nous voulons aller au débat. La loi nous aide parce que ce qui est en train de se passer, est conforme à la loi. Ils ont décidé aujourd’hui de se taire. L’article 117 du Code de justice militaire dit que le Président ne peut pas statuer indépendamment sur les décisions. Le même article dit qu’on doit statuer en une seule décision sur tous les incidents et toutes les exceptions qui ont été présentés. Vouloir imposer à la juridiction de statuer  seulement sur l’incident de récusation, c’est vouloir violer la loi et utiliser leur capacité de ne pas participer ou de se taire pour pouvoir faire pression sur la juridiction, mais la juridiction est indépendante. Elle n’a pas à subir de pression, ni des parties au procès, ni de quiconque. Le juge, en décidant d’examiner de façon groupée tout ce qui a été soulevé, a respecté la loi. Le président a reçu des mémoires  en défense. Donc, que les avocats parlent ou qu’ils ne parlent  pas, ils ont déjà écrit. Vous ne pouvez pas écrire et vouloir vous taire. Si vous vous taisez, vous êtes d’accord avec ce que vous avez écrit et vous n’entendez pas ajouter quoi que ce soit à ce que vous avez écrit. Pour nous, cette attitude n’entache en rien la crédibilité de la décision qui va venir. L’audience a été suspendue pour le délibéré. Donc, ce n’est pas une victoire pour la défense. Nous sommes partie civile et nous avons demandé au tribunal de rejeter toutes les demandes. Comme le dit un confrère, ce procès, c’est comme la mort ; que ce soit aujourd’hui, demain ou après-demain, tôt ou tard, il faut qu’il se tienne et il se tiendra. »

Propos retranscrits par FD

 

 


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