HomeA la unePROVINCE DU KOULPELOGO : Le torchon brûle entre les populations et les forces de l’ordre

PROVINCE DU KOULPELOGO : Le torchon brûle entre les populations et les forces de l’ordre


Dans la matinée du 16 juin dernier, une foule d’environ 400 personnes a pris d’assaut la brigade de Ouargaye qu’elle accuse de la mort d’un fraudeur, lors d’une altercation qui a eu lieu entre fraudeurs et éléments de la brigade de Ouargaye en patrouille sur l’axe Ouargaye-Kom Yanga, dans la nuit du lundi 15 juin 2015.

« C’est en s’enfuyant qu’un des fraudeurs est tombé et s’est retrouvé sous sa propre charge. Sauvé par l’équipe de patrouille, il est néanmoins conduit à la brigade pour être auditionné, puis il est relâché dans la même nuit. Le lendemain, la gendarmerie est informée de la découverte d’un cadavre, non loin des lieux de la course-poursuite de la veille. Le rapport de la police indique que l’homme est mort suite à un accident. Mais la foule en colère récuse cette version. Elle estime que c’est la gendarmerie qui est responsable de ce drame et elle doit donc payer pour cela. Les gendarmes en service ce jour, au nombre de trois, étaient menacés de mort par les manifestants », explique le Commandant de Brigade qui pense que cette furie des manifestants pourrait être plutôt en rapport avec une affaire antérieure, un projet d’installation d’une brigade de gendarmerie à Komin-yanga, qui avait été fortement contesté par les fraudeurs.

« La Gendarmerie condamne avec fermeté les actes de vandalisme»

Les manifestants, en colère, ont incendié un hangar abritant des engins à deux roues en fourrière à la Gendarmerie de Ouargaye. Ces actes, selon le colonel Almissi Savadogo, relèvent de l’incivisme et ne peuvent être tolérés dans un Etat de droit: « Dégrader volontairement le matériel d’une Gendarmerie et emporter, au pire, une arme de service n’est pas acceptable. Ces actes-là, nous les condamnons avec fermeté», a-t-il martelé.

Pour lui, les citoyens devraient se garder de poser de tels actes, car cela les amènera à répondre devant la Justice. En tout cas, le commandant de brigade est déterminé : « Tant que nous n’aurons pas retrouvé l’arme et le matériel, nous continuerons les investigations dans les villages ».

Après la Gendarmerie de Tenkodogo, nous voilà de nouveau en route pour Ouargaye, localité située à 57Km à l’Est de Tenkodogo. Non sans la peur au ventre car nous avons été, chemin faisant, avertis de l’insécurité récurrente sur cet axe routier. Ce fut donc un ouf de soulagement que nous avons poussé, lorsqu’enfin, nous avons aperçu de très loin, le panneau indiquant l’entrée de la ville de Ouargaye.

Notre point de chute a été le poste de gendarmerie de cette localité. Là-bas, c’est le Maréchal des logis (MDL) Daouda Baguian qui nous a reçus. Après les salutations d’usage, difficile de lui arracher le moindre mot : « Tout vous a été déjà dit par le Colonel Almissi Savadogo. Je ne vois pas ce que je peux ajouter de plus comme information », nous a-t-il avancé.

Même ton au poste de gendarmerie de Komin-yanga, situé à une trentaine de kilomètres de Ouargaye. Les gendarmes en service ont aussi préféré s’en tenir aux propos de la hiérarchie, depuis Tenkodogo. Néanmoins, ils ont eu la sagesse de nous mettre une fois de plus en garde contre l’insécurité qui est permanente dans la zone. La fraude y est florissante et les actes de vandalisme ne sont pas en reste.

Après les gendarmes, nous avons voulu avoir la version des habitants de la localité. Les premiers à qui nous avons tendu notre micro, nous ont simplement répondu que « la crise a fait peu de bruit » dans leur village. Vérité ou choix délibéré de garder le silence ?

Finalement, c’est de notre guide que nous apprenons que les villages les plus concernés étaient situés beaucoup plus loin, à une vingtaine de kilomètres de Komin-yanga. Après un trajet difficile, du fait de quelques ennuis mécaniques auxquels nous avons dû faire face sur la route, nous arrivons enfin dans un des villages dénommé Konzéogo-Sambila. Là, nous sommes reçus par Naba Kougri, grâce à qui les langues se sont facilement déliées tout au long de notre visite. Les témoignages des habitants de Konzéogo-Sambila sont plus qu’édifiants sur les jours qui ont suivi les émeutes à Ouargaye.

Retour sur un dimanche noir

Les habitants de Konzéogo-Sambila, Combembogo et Gelain ont eu une journée bien épouvantable, mouvementée, selon les témoignages des victimes du 21 juin 2015. Certains d’entre eux nous ont même montré les stigmates qu’ils portent encore sur leurs corps. En effet, selon les différents témoignages, dès les premières lueurs de l’aube, la Gendarmerie a pris d’assaut les villages, dans l’objectif de retrouver les objets dérobés dans ses locaux lors de la grogne populaire. Selon les villageois, la brutalité employée ce jour-là, était sans égal. Les gendarmes pénétraient dans les concessions et les fouillaient de fond en comble. Certaines personnes sont passées à tabac. Beaucoup ont simplement préféré déserter le village pour se mettre à l’abri de la répression.

Sibidi Daniel Zongnaba, habitant de Konzéogo Sambila, explique en ces termes sa mésaventure : « Ce jour-là, je me suis rendu au champ pour chasser les animaux qui viennent détruire mes plantes. Quand j’ai vu les gendarmes venir vers moi, je pensais qu’ils s’étaient trompés de chemin. Mais ils sont arrivés et m’ont arrêté ; puis ils m’ont conduit au poste pour me questionner. Je leur ai fait comprendre que je n’étais pas présent le jour des évènements et que je n’avais jamais fait de fraude de ma vie. Ils m’ont gardé toute la nuit et m’ont libéré le lendemain».

A Combembogo, village dont est originaire le jeune homme retrouvé mort, la violence a été extrême et personne n’a été épargné, à en croire la mère du défunt, Kantagba Kayaba. Encore inconsolable, elle dit avoir subi une double peine : celle de la perte de son fils et celle d’avoir été brutalisée ce jour-là : « Je suis seule actuellement et sans aucune aide ».

Depuis qu’ils ont retrouvé le corps de mon fils Ousseni (NDLR, prénom de celui dont la mort dans la nuit du 15 juin a été à l’origine de la crise à Ouargaye), je n’ai que des peines. J’ai perdu mon fils qui m’aidait beaucoup dans mes travaux. Sa mort m’a beaucoup affectée. Par la suite, quand les gendarmes sont venus fouiller le village, ils ont aussi arrêté un autre de mes enfants qu’ils gardent jusqu’à présent. Depuis, je suis seule et sans aucune aide, alors que la saison pluvieuse a débuté. Les enfants qui sont là, sont en bas-âge et ne peuvent pas travailler.

Je voudrais simplement les supplier de libérer mon enfant afin qu’il puisse venir m’aider. C’est tout ce que je demande. »

Dans la famille Moyenga, on déplore aussi la mort d’un quinquagénaire qui serait survenue lors de sa tentative d’échapper aux gendarmes. Cela reste toutefois une hypothèse, selon le frère du défunt Wanebrilla Moyenga. « Comme nous n’avons pas vu les gendarmes le poursuivre, nous ne pouvons pas les incriminer, mais nous pensons que c’est après leur descente au village que mon frère a trouvé la mort en tentant de s’enfuir. Nous avons même constaté des traces de motos non loin du lieu où son corps a été retrouvé», a-t-il confié avant de conduire notre équipe sur les supposées traces évoquées.

Mais de traces de motos, nous n’avons rien pu constater ; il n’en restait que quelques sillons à peine visibles. « C’est le ruissellement d’eau après la pluie qui les a effacées, sinon elles étaient bel et bien visibles », a affirmé Wanebrilla.

A Gelain dans un autre village, la panique provoquée par la descente des gendarmes a aussi, aux dires des habitants, provoqué la mort d’une petite fille qui a fini sa fuite dans un puits. Cependant, si la mort de cette fille nous a été confirmée sur les lieux, les circonstances de son décès restent encore à élucider.

Le choix de ces trois villages n’est sans doute pas anodin. Tout porte, en effet, à croire que ceux-ci abritent de nombreux fraudeurs ainsi que les auteurs des actes de vandalisme orchestrés et enregistrés à la brigade de Ouargaye.

A ce jour, la gendarmerie poursuit toujours ses interpellations, ont confié les populations. Une quinzaine de personnes sont encore, selon ces populations, détenues dans les locaux de la gendarmerie de Tenkodogo.

Entre peur, indignation et approbation

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la réaction de la Gendarmerie a créé un effroi au sein des habitants des villages visités, à telle enseigne que ceux qui assurent la sécurité des populations de cette zone sont désormais considérés comme une menace pour leur sécurité. A l’instar du conseiller du village de Combembogo, Soubidou Daogo Hamado, tous sont d’avis que la psychose a gagné les esprits depuis cette intervention musclée. « A cause de ces évènements, les gens ne font plus confiance aux hommes de tenue. Ils sont tellement craints que si l’un d’eux venait à se présenter ici, vous verriez que ce serait le sauve-qui-peut », a-t-il confié.

A en croire Sibidi Daniel Zongnaba du village de Konzéogo-Sambila, en plus de la peur, les habitants sont aussi très remontés. « Ce qui ne nous a pas plu, c’est surtout le fait que les gendarmes s’en sont pris à tout le monde, sans distinction. Nous sommes des cultivateurs et nous n’avons jamais fait de fraude. Quand les gendarmes nous ont arrêtés, nous leur avons signifié que si nous rentrons au village, nous nous en prendrons aux fraudeurs même si cela devait dégénérer. A cause d’eux, aujourd’hui, tout le monde souffre et nous ne pouvons pas l’admettre. Malheureusement, à notre arrivée, après avoir été libérés, nous avons trouvé qu’ils ont tous fui. », a-t-il expliqué.

Pour Naba Kougri, chef de Konzéogo-Sambila, par contre, même si l’intervention de la Gendarmerie est à déplorer, il faut reconnaître qu’elle a permis de rappeler à ceux qui s’adonnent aux actes d’incivisme, que tout ne leur est pas autorisé. « Avant, nous n’arrivions pas à déconseiller les jeunes de s’adonner à la fraude. Mais maintenant, ils savent qu’ils ne sont pas au-dessus de la loi », a-t-il ajouté.

Abondant dans le même sens, Sibidi Daniel Zongnaba trouve que cette action va permettre à tous ceux qui s’investissaient dans le trafic illicite, de savoir que même si cette activité génère des revenus conséquents, elle reste illégale et répréhensible.

Par ailleurs, Naba Kougri a invité les populations à plus de respect envers les institutions de l’Etat et les Forces de l’ordre en particulier. Concernant l’installation de la Brigade de gendarmerie à Komin-Yanga, le Naba Kougri a dit approuver l’idée et estime que la présence des gendarmes va permettre de lutter efficacement contre l’insécurité dans la localité.

Le Colonel Almissi Savadogo, pour sa part, a invité les détenteurs du matériel dérobé à le ramener, pour leur propre sécurité. Mais jusqu’à l’heure où nous tracions ces lignes, l’arme subtilisée n’avait pas encore été retrouvée.

Cette localité située à une trentaine de kilomètres de Ouargaye, s’avère être le passage privilégié des fraudeurs. On en voit fréquemment faire la navette d’un centre urbain à l’autre, notamment au niveau des villes frontalières du Togo et du Burkina. C’est un fléau qui a vraiment la peau dure. Jusque-là, la fraude a encore de beaux jours devant elle à Ouargaye particulièrement, malgré la présence des unités mobiles de la Gendarmerie qui patrouillent régulièrement dans la zone et qui procèdent aux arrestations des fraudeurs et à la confiscation des marchandises illégalement importées. Au regard de l’ampleur du phénomène de la fraude dans la zone, la transformation du poste de Komin-Yanga en une brigade permanente devrait contribuer à lutter efficacement contre ce commerce illicite. Pour les trafiquants, cela signifie la fin de la prospérité de leurs activités, ce à quoi ils ne sont pas du tout prêts à renoncer.

Cela dit, il est urgent de tout faire pour mettre fin au climat très délétère, voire tendu entre populations et Forces de l’ordre, afin que la quiétude et la confiance se réinstallent entre les deux protagonistes. Mais à enttendre les populations, cela doit d’abord commencer par l’arrêt des fouilles et des maltraitances dont elles se disent constamment victimes depuis le début du mois de juin. Les populations exigent également la libération de ceux des leurs qui ont été interpellés et détenus à la Maison d’arrêt et de correction de Tenkodogo.

(Correspondance particulière)

 

Les péripéties d’un voyage

’Koro-mandcé’’ ou les pickpockets de la gare de l’Est

Il n’y a pas que les voleurs de nuit et autres cambrioleurs, qui peuvent vous rendre la vie dure. Il existe une autre race dont la stratégie est tout aussi subtile qu’ignominieuse. Eux, ce sont les pickpockets, communément appelés « Koro-mandcé », une déclinaison du terme en langue mooré. Leurs lieux de prédilection sont les gares routières. Une petite minute d’inattention de votre part en ces lieux suffit pour qu’ils vous soutirent un bien, notamment votre porte-monnaie. Dès que vous y mettez pied, ils sont les premiers à vous accoster et à vous proposer leurs services : « C’est où ? », « Laissez-moi porter votre sac », « Vous allez payer combien pour qu’on vous aide avec vos bagages ? ». Ce sont entre autres les formules que vous entendrez de ces hommes sans foi ni loi. Ils vous scrutent de tous côtés, à la recherche d’objets précieux ou de sacs qu’ils pourront dérober à votre insu et se fondre dans la foule. Cette mésaventure, un membre de notre équipe de reportage l’a vécue à ses dépens à la gare de l’Est. Les faits se sont déroulés à notre arrivée aux environs de 11h. Pendant que le chauffeur s’affairait dans ses dernières manœuvres pour stationner, nous entendions crier : « C’est pour qui la moto, ça fait 500 F CFA pour la faire descendre ». Décidés à ne pas nous laisser arnaquer, nous faisons comprendre à ses ‘’dockers déguisés’’, qu’il n’en est pas question, étant donné que les frais pour le transport de la moto avaient déjà été réglés.

Après une âpre discussion avec ces « koro-mandcés », l’un deux finit par lâcher : « C’est bon, si vous n’avez pas d’argent, il suffit seulement de le dire au lieu de nous parler mal ». Puis, il fait signe à ses camarades de nous laisser partir, après avoir fait descendre notre engin.

 Enfin, nous sommes-nous dit, voilà quelqu’un de raisonnable qui va nous permettre de rentrer rapidement. Que nenni ! Grande fut notre surprise, lorsqu’une fois à la maison, un de nos confrères constate la disparition de son porte-monnaie qu’il avait soigneusement placé dans la poche arrière de son pantalon.

Séance tenante, nous décidons de retourner à la gare, mais peine perdue. Plus aucune trace des jeunes ni du porte-monnaie. 37 500 F CFA et des papiers ont été emportés par ceux que nous avions pris pour des enfants de chœur.

Si un appel téléphonique de la police de la gare, le lendemain, nous a permis de récupérer le porte-monnaie et les papiers qui y étaient, l’argent, il ne fallait plus y penser. Nos voleurs ont eu l’amabilité de nous laisser une pièce de 50 F CFA dans le porte-monnaie retrouvé.

Débarrasser les gares de cette vermine serait salutaire pour les usagers. Mais en attendant, prudence !


Comments
  • On a laissé les choses pourrir et il sera difficile de les redresser, sinon comment comprendre que des fraudeurs se croient plus fort que les forces de l’ordre? Il faut les mâter fermement ces fraudeurs pour qu’ils comprennent que la fraude est un crime contre notre pays et que c’est à cause d’elle que les Guiro emmagasinent des milliards au détriment de notre économie.

    30 juillet 2015

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