REELECTION DE SASSOU AU CONGO : Un autre président à vie nous est né
Le président congolais, Denis Sassou Nguesso, est bien parti pour mourir au pouvoir. Sauf, si d’aventure, le peuple congolais sortait de sa torpeur pour reprendre son destin en main. Pour l’heure, les résultats de l’élection présidentielle du 20 mars 2016 déclarent Sassou gagnant dès le premier tour. C’est un non-événement. On savait que la messe était dite avant même le début du scrutin. L’intéressé lui-même l’avait prédit. Il a transformé son penalty en but. Et il ne se gêne pas d’avoir tiré dans une cage vide, lui l’arbitre-joueur. Sassou a pris grand soin de museler ses adversaires politiques et d’imposer l’omerta sur ce scrutin. En effet, le dictateur de Brazzaville a pris le soin de couper son pays des influences extérieures « nocives » pour lui, pendant cette élection. Une véritable chape de plomb a pesé sur le pays. Ses sbires se sont chargés de faire le ménage, face aux curieux. C’est du moins ce que donne à penser l’agression dont ont été victimes des journalistes déployés par des médias internationaux, en vue de la couverture de l’événement.
Sassou Nguesso est déterminé à s’accrocher au pouvoir et ne s’embarrasse pas de fioritures
Le péché de ces journalistes, c’est d’avoir osé assister à une conférence de presse de l’opposant Mokoko. Les choses sont, on ne peut plus claires pour la dictature Sassou. Tout œil impertinent tenté de voir ce qu’il ne devrait pas voir, doit être fermé. Et ce, par tous les moyens. Un dicton populaire dit en substance que celui qui choisit de manger une tête n’a pas à se gêner du fait que les yeux explosent sous sa dent. Sassou Nguesso qui est déterminé à s’accrocher au pouvoir, ne s’embarrasse pas de fioritures. Pour lui, bâillonner la presse est un moyen de l’empêcher de révéler ce qu’il ne veut pas laisser éclater en plein jour : sa dictature dans toute sa laideur. Les manœuvres du camp présidentiel ont réussi au point que Sassou lui-même semble se surprendre de ce succès. En tout cas, c’est ce qui ressort quand il dit « espérer que ces résultats reflètent vraiment la volonté du peuple congolais ». Le tireur de penalty est visiblement lui-même surpris d’avoir si bien tiré son ballon dans la cage! Cette absence de certitude du vainqueur apporte de l’eau au moulin de l’opposition qui conteste les résultats publiés. Dans une démocratie, le débat aurait été mené sereinement et les instances habilitées auraient tranché en âme et conscience. Hélas, on est au Congo de Sassou où règne la loi du satrape. Elu contre ou malgré son peuple, il s’en moque. Il ne manquera certainement pas de féliciter ses officines pour avoir eu la décence et la « clairvoyance » de lui fabriquer des chiffres raisonnables. Un score à la soviétique aurait amplifié le discrédit. Mais, ce jeu ne trompe pas grand-monde. En se faisant ainsi réélire par tous les moyens, Sassou a achevé de convaincre même les plus optimistes, qu’il est un dictateur de la pire espèce. Un dictateur qui n’est pas prêt de faillir à sa mauvaise réputation. Que le ministère de l’Intérieur congolais se mêle de la publication des résultats, achève de convaincre que ce pays est loin de respecter les standards démocratiques. Un ministre de l’Intérieur est toujours redevable au prince régnant ! C’est à croire que la forêt de l’Afrique centrale tout comme ses hautes collines, se dressent comme des obstacles à la démocratie. En effet, du Congo au Burundi en passant par le Rwanda, la République démocratique du Congo, le Cameroun et la Guinée équatoriale, c’est la bérézina en matière de démocratie.
Sassou se sent pousser des ailes face à l’inaction de la communauté internationale
Entre l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest, la ligne de démarcation est nette. Alors qu’en Afrique de l’Ouest, les pays, dans leur grande majorité, sont sur la bonne voie ou affichent une bonne tenue en matière de démocratie, en Afrique centrale, la tendance est encore à la dictature. Ce qui explique aussi la misère des populations dans l’écrasante majorité de ces pays, cancres patentés de la démocratie, en dépit des abondantes richesses naturelles dont ils regorgent. Face à cela, le meilleur service que la communauté internationale, surtout l’Occident, puisse rendre à la démocratie, c’est de rendre un hommage appuyé aux pays résolument engagés sur la voie de la démocratie. Cela, par des aides conséquentes de nature à permettre à ces derniers d’amorcer de façon effective leur décollage en matière de développement. Une telle option serait du reste conforme à l’esprit du discours de la Baule. En tout état de cause, il ne sert à rien de jouer aux chantres de la démocratie tout en étant les meilleurs amis et soutiens des dictateurs comme Sassou Nguesso. Car, si le président congolais assume à ce point et de façon décomplexée, son statut de satrape, c’est parce qu’il sait que la communauté internationale excelle dans l’hypocrisie. En effet, cette Communauté sait ce qui se passe au Congo, mais elle a opté de fermer les yeux. Elle se rend de ce fait complice de la dictature. C’est une lapalissade de dire que Sassou se sent pousser des ailes face à l’inaction de la communauté internationale en général et de la France en particulier. A présent qu’il a réussi son passage en force à la suite de Pierre Nkurunziza et de Paul Kagamé, maintenant qu’en lieu et place des effets escomptés du printemps arabe, on assiste à l’installation d’un hiver rigoureux en termes de satrapie dans cette zone, les opposants n’ont plus qu’à choisir entre mieux s’organiser ou se tenir tranquilles. Avec l’hypocrisie notoire de la communauté internationale, il faut craindre, en effet, que l’opposition congolaise soit abandonnée à elle-même et que Sassou tire prétexte de la moindre contestation pour régler ses comptes avec ses contempteurs. En tout état de cause, en Afrique, un autre président à vie nous est né ! Et il n’y a pas de quoi être fier d’être congolais aujourd’hui.
« Le Pays »