HomeA la uneREFUS DES MOUVEMENTS PRO-BAMAKO DE QUITTER MENAKA : La signature de l’accord de paix compromise ?

REFUS DES MOUVEMENTS PRO-BAMAKO DE QUITTER MENAKA : La signature de l’accord de paix compromise ?


C’est en principe le samedi 20 juin prochain que le gouvernement malien et les rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) signeront à Bamako l’accord de paix d’Alger. Avant ce rendez-vous sur lequel le peuple malien fonde beaucoup d’espoirs, les deux parties avaient signé récemment un arrangement sécuritaire à Alger, qui prévoit le départ de Ménaka des groupes armés pro-Bamako. Mais ces derniers, à deux jours de la signature de l’acte final de la paix, ne se sentent plus liés par cet  arrangement sécuritaire. En effet, par la voix de leur porte-parole, maître Harouna Tourer, les mouvements pro-Bamako ont annoncé qu’ils ne quitteraient pas Ménaka. En  guise de justification à ce coup de théâtre, Harouna Tourer a dit ceci : « On a rencontré les populations, on a rencontré les notables, des hommes politiques. Ils nous ont demandé de rester parce qu’ils estiment que ni la MINUSMA (Mission multidimentionelle des Nations unies pour la stabilisation au Mali) ni l’armée malienne en l’état actuel, ne peuvent apporter la sécurité ».

L’on pourrait difficilement balayer du revers de la main les aspirations légitimes des populations

Ce refus catégorique des milices armées pro-Bamako de libérer la ville, qui a suscité, comme l’on pouvait s’y attendre, une vive protestation de la CMA, pose un problème de conflit entre la  légitimité et la légalité. Dans l’hypothèse où les dires des milices armées pro-Bamako seraient avérés, l’on pourrait difficilement balayer du revers de la main les aspirations légitimes des populations à plus de sécurité dans leur localité. Et dans cette hypothèse, ce sont les actuels maîtres de Ménaka qui se seraient montrés plus aptes à donner aux populations de cette ville plus d’espoirs en matière de sécurité. Elles seraient donc dans leur bon droit de demander aux milices d’y rester. Cela serait d’autant plus légitime que ces populations ont eu la latitude de faire la différence entre la situation sécuritaire qui prévalait dans leur localité quand elle était occupée par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et celle qui prévaut aujourd’hui. Mais cette légitimité, de toute évidence, entre en conflit avec la légalité fondée sur l’arrangement sécuritaire négocié récemment à Alger et auquel ont souscrit toutes les parties en conflit, qui prévoit que tous les groupes armés libèrent Ménaka. Face donc à ce combat entre la légitimité et la légalité, Bamako doit impérativement trancher de manière à ne pas servir sur un plateau d’or, des arguments à la CMA pour boycotter le rendez-vous du 20 juin prochain de Bamako. Bamako doit impérativement le faire si elle ne veut pas qu’on lui fasse le reproche d’avoir instrumentalisé les populations de Ménaka via les groupes armés qui leur sont proches. Ce reproche pourrait être fondé. Car la  manipulation des populations a déjà été utilisée, de par le passé, notamment par le MNLA pour saborder toutes les tentatives allant dans le sens de la paix. Bamako doit, par conséquent, apporter la preuve qu’elle n’est pas dans cette logique, en usant de son influence sur ses milices pour les amener à quitter au plus vite Ménaka. Ce faisant, elle couperait l’herbe sous les pieds de tous ceux qui pensent à tort ou à raison, que l’attitude des groupes armés qui tiennent aujourd’hui Ménaka, a été suscitée par le gouvernement malien.

La paix au Nord-Mali a de nombreux ennemis dans les deux camps

Cela dit, autant l’on pourrait faire le reproche à Bamako d’être derrière le refus de ses milices de confier la gestion exclusive de la localité à la Minusma, comme le recommande l’arrangement sécuritaire d’Alger, autant l’on peut contester le fait que Kidal, qui est aussi une partie du territoire malien, soit administré aujourd’hui par le MNLA. Le parallélisme des formes aurait voulu que cette localité fût aussi débarrassée de la tutelle du MNLA pour passer dans le giron des forces onusiennes présentes au Mali. En réalité, toutes les peaux de banane jetées sur le chemin de la paix par les uns et les autres et qui ont fini par exaspérer tous ceux qui s’arrachent les cheveux pour la cause du vivre-ensemble au pays de Modibo Keita, illustrent à souhait ceci : la paix au Nord-Mali a de nombreux ennemis. Et ces ennemis pourraient se recruter dans les deux camps. Tous se rejoignent sur le recours à la  mauvaise foi pour faire reculer l’avènement de la paix, chaque fois que celle-ci se profile à l’horizon. Les nombreuses tergiversations de la CMA, constatées à l’occasion des pourparlers intermaliens d’Alger, tout comme le refus des groupes armés pro-Bamako de quitter Ménaka, pourraient participer de cet état d’esprit. C’est pourquoi, aujourd’hui avec la situation qui prévaut à Ménaka, l’on peut légitimement se poser la question de savoir si cela ne va pas compromettre la signature de l’accord de paix qui, en principe, doit être faite sur les bords du Djoliba le 20 juin prochain. L’on aimerait y répondre par la négative. Mais ce serait faire preuve d’un optimisme béat. A l’appui de cela, l’on peut citer l’un des membres de la CMA, Almou Ag Mohamed

 qui, en guise de réponse à la question de savoir si le refus des mouvements pro-Bamako ne va pas compromettre la présence de sa structure à Bamako le 20 juin prochain, a dit ceci : « Je ne peux pas vous en dire quelque chose pour l’instant. On va se concerter ». Cette réponse, à elle seule, suffit pour dire que les choses s’annoncent mal.

« Le Pays »


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