HomeA la uneREPUBLIQUE CENTRAFRICAINE : Le Pape saura-t-il mettre fin à la transition ?  

REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE : Le Pape saura-t-il mettre fin à la transition ?  


 

C’est en principe le 29 novembre prochain que l’avion transportant le Pape François, mettra le cap sur la RCA, après les étapes du Kenya et de l’Ouganda. Le souverain pontife débarquera sur les bords de l’Oubangui dans un contexte de transition politique à rebondissements, marqué notamment par des violences à relents ethnico-confessionnels, et des reports successifs de l’élection présidentielle qui devait mettre un terme à la profonde crise qui déchire  le pays depuis  plusieurs années. La transition qui avait été mise en place après le départ précipité de Michel  Djotodia de la présidence en 2013, se révèle être un véritable serpent de mer, puisqu’indéfiniment prorogée en raison des difficultés financières et des violences communautaires que vit le pays. La décision prise par les Etats de l’Afrique centrale de reporter une fois de plus le scrutin présidentiel au 31 mars 2016, est officiellement motivée par l’insuffisance du budget qui devrait être alloué au processus électoral, mais tout le monde sait que les problèmes sécuritaires sont les principaux obstacles à la sortie de crise. Cette situation pour le moins délétère de la RCA, a créé des frictions entre les acteurs politiques, certains comme la présidente de la transition, Catherine Samba-Panza, appelant de leurs vœux à l’organisation rapide des élections alors que d’autres estiment qu’il faut d’abord réunifier et sécuriser le pays avant de  convoquer le corps électoral. Face à ces positions tranchées des hommes politiques mus par des intérêts égoïstes, le président de  l’Autorité nationale des élections (ANE) et son vice-président ont fini par jeter l’éponge, créant ainsi une vacance au sommet de la structure en charge de l’organisation du scrutin et donnant du coup des arguments supplémentaires aux partisans du report. La question qu’on pourrait se poser est celle de savoir si le pari du 31 mars 2016 sera respecté, car les Centrafricains nous ont habitués à des retournements de situation qui ont plus d’une fois failli plonger irrémédiablement leur pays dans l’abîme. La présence et l’assistance de la communauté internationale à travers ses soldats et ses humanitaires dans ce pays situé au centre de l’Afrique comme son nom l’indique, n’a manifestement pas servi à rabibocher les deux principales communautés religieuses qui continuent de s’affronter à la machette ou à la mitraillette, instrumentalisées par des politiciens revanchards et nombrilistes comme François Bozizé et Michel Djotodia.

Le message de paix du pape aura des chances d’être entendu

Cela dit, on ne devrait pas désespérer de la Centrafrique parce que les autorités politiques et militaires de ce pays ont échoué à y ramener la paix, à cause de l’inconscience et de l’irresponsabilité de certains de ses fils. C’est ce message plein de sagesse que le Pape François, autorité morale et religieuse de premier plan s’il en est, veut transmettre aux Centrafricains et aux amis de la Centrafrique, en décidant de s’y rendre malgré les risques qu’il encourt et les mises en garde de la France. En plus du  caractère inédit de cette visite, c’est l’espoir qu’elle suscite et son impact sur les tensions communautaires et la réconciliation nationale, qu’il faut saluer.  On sait en effet que si les tueries de masse entre communautés musulmane et chrétienne ont été relativement circonscrites, c’est grâce au rôle ô combien salutaire de l’archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalaïnga et  de l’imam de Bangui, Kobine Layama, qui n’ont cessé, depuis le début de la crise, de prêcher pour la paix et pour la cohabitation pacifique des Centrafricains, tous bords religieux confondus. Et c’est certainement cet appel à la cohésion que le souverain pontife va réitérer à l’occasion de son séjour banguissois, afin que les haines et les ressentiments qui ont jusqu’ici plombé tous les efforts de réconciliation nationale en RCA, s’estompent. Ce message de paix aura d’autant plus de chance d’être entendu que même le  Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique , l’ancienne coalition Séléka composée majoritairement de musulmans, a appelé les Centrafricains à réserver un accueil chaleureux au pape. A travers un communiqué signé de son coordonnateur politique, Moustapha Saboune, l’ex Séléka « invite les musulmans centrafricains à témoigner leur hospitalité et leur gratitude au pape François, et lui démontrer que les problèmes qu’ils vivent ne sont pas des problèmes d’ordre confessionnels, bien au contraire, mais des problèmes de mal gouvernance ». C’est plutôt de bon augure, quand on sait que certains Centrafricains boutefeux et ennemis de la paix avaient déjà parié sur l’aggravation du clivage entre musulmans et chrétiens à l’occasion de cette visite papale, les premiers pouvant soupçonner la plus haute autorité de l’Eglise catholique de soutenir subrepticement les seconds, au nom de la solidarité religieuse. Si la clairvoyance et l’appel à la communion des musulmans centrafricains se confirment le 29 novembre prochain, on pourra rêver du retour de la paix au pays de Barthélémy Boganda, et de la fin probable de la transition politique le 31 mars 2016 comme l’ont décidé les pays de la région. Alors, l’histoire retiendra que ce ne sont ni les soldats français de Sangaris, ni les Casques bleus de l’Onu qui auront mis un terme au chaos en Centrafrique, mais que c’est plutôt la visite chargée de symbole du Pape François qui aura attendri les cœurs et permis aux Centrafricains de  s’accepter dans leurs différences, pour construire, enfin, les solides fondations d’une démocratie consensuelle, dans l‘intérêt de tous les Centrafricains.

Hamadou GADIAGA


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