HomeA la uneRETOUR SUR SCENE D’ANCIENS DIGNITAIRES DE LA IVe REPUBLIQUE : La rançon des incohérences

RETOUR SUR SCENE D’ANCIENS DIGNITAIRES DE LA IVe REPUBLIQUE : La rançon des incohérences


Le Conseil national de la transition (CNT), l’organe législatif mis en place après les événements des 30 et 31 octobre 2014, doit en principe se prononcer aujourd’hui 7 avril 2015 sur l’éligibilité ou non des magistrats, des militaires ainsi que sur celle des personnalités de la IVe République ayant soutenu ouvertement la modification de l’article 37 de la Constitution, à l’effet de permettre à Blaise Compaoré de s’accrocher au pouvoir. Si cette loi venait à être adoptée, bien des Burkinabè dont certains ont déjà manifesté leur volonté de briguer un mandat électif, verraient leur candidature frappée du sceau de l’illégalité. Il n’en fallait pas plus pour que l’on assiste à une levée de boucliers pour dénoncer le caractère sectaire et exclusif de ce projet de loi, avant même qu’il ne soit soumis à l’appréciation des membres du CNT. Parmi ceux que cette perspective irrite le plus, il y en a qui appellent à une marche sur le CNT pour empêcher le vote éventuel de ladite loi qui va contre leurs intérêts. Mais le ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité, Auguste Denise Barry, s’est voulu ferme : « Il sera procédé à l’interpellation de tout individu ou tout groupe d’individus qui se serait rendu coupable de troubles à l’ordre public, d’atteintes à la sécurité des personnes et d’atteintes à la sûreté de l’Etat », a-t-il laissé entendre dans un message rendu public, le 5 avril dernier. Le gouvernement est dans son rôle de veiller à la sécurité des biens et des personnes et à la sûreté de l’Etat, surtout par ces temps qui courent et où le danger pourrait rôder partout. Mais l’on peut craindre que ce message ne soit pas suffisant pour dissuader les uns et les autres, surtout les partisans et orphelins de l’ancien régime, de manifester contre le CNT, coupable à leurs yeux de vouloir frapper d’inégibilité et d’ostracisme leurs camarades qui ont porté et défendu pour le compte de Blaise Compaoré et de son clan, le projet de révision de l’article 37 de la Constitution. Cette attitude a coûté, ne l’oublions jamais, la vie à de nombreux compatriotes dont la mémoire attend toujours d’être honorée et pour lesquels des mouvements des droits humains réclament à juste titre justice. Si l’on en croit les révélations faites par le ministre Barry dans son message du 5 avril dernier à propos des menaces contre la sécurité de certains acteurs de la transition ainsi que contre la sûreté de l’Etat, l’on peut résumer la situation sociopolitique en cours dans notre pays par la phrase suivante : l’heure est grave. Le gouvernement de la transition pourra-t-il se montrer à la hauteur de la situation ? L’on peut en douter. Car si l’on en est arrivé là, la faute pourrait aussi lui incomber. En effet, c’est la transition qui, par ses incohérences, a déroulé un tapis rouge aux dignitaires de la IVe République pour que ceux-ci aient aujourd’hui la latitude et le courage de faire feu de tout bois, pour tracer la voie de leur retour. Et ce retour s’annonce déjà triomphal.

Il le sera d’autant plus qu’ils ont le sentiment d’avoir été écartés injustement du pouvoir.
On ne peut pas vouloir d’une chose et de son contraire à la fois

Si la transition avait véritablement voulu faire dans la rupture, elle aurait travaillé dès le lendemain de l’insurrection à identifier et à sévir contre tous ceux qui avaient encouragé Blaise Compaoré dans sa volonté de s’accrocher au pouvoir par tous les moyens. La transition aurait dû, dès les premiers instants de sa mise en place, prendre des mesures fortes et explicites. Elle l’aurait fait qu’on aurait trouvé légitime qu’ils fussent appelés à rendre des comptes à la Nation. Pour n’avoir pas battu le fer pendant qu’il était chaud et pour avoir voulu manger la tête en prenant extrêmement soin des yeux, la transition a donné des verges à ses détracteurs pour se faire fouetter. Elle paye le prix de ses excès de scrupules, de son manque de vision et d’anticipation.
Elle doit donc s’en prendre à elle-même d’abord. Car tout ce à quoi l’on assiste aujourd’hui de la part des bonzes de l’ancien régime, notamment leur posture de non repentance et de défiance vis-à-vis de la transition, est la conséquence des errements originels des acteurs de la transition. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été prévenus. Le Pr Laurent Bado, par exemple, disait dans nos colonnes à propos de l’insurrection populaire, ceci : « Le pire n’est pas derrière nous, mais devant nous ». Et le professeur n’était pas le seul à sonner le tocsin. D’autres Burkinabè avaient eu le nez creux, comme lui, en s’insurgeant contre le fait que la révolution du peuple avait été confisquée par des acteurs qui n’avaient aucun intérêt à ce que la messe de requiem du système Compaoré fût dite. Assurément, les Cassandre, à propos de la révolution des 30 et 31 octobre 2014, n’avaient pas tort, pour peu que l’on observe l’évolution des choses aujourd’hui. De ce point de vue, l’on peut dire que l’on a permis au ver de prendre place au cœur du fruit.
Et pour l’en extraire, les choses ne seront pas aisées, ce d’autant plus que le microbe se développe et s’épanouit en terrain favorable. Dans le cas d’espèce, les conditions pour le retour des dignitaires de la IVe République sur la scène politique, ont été préparées par la transition elle-même.
De ce point de vue, il semble malséant de vouloir empêcher aujourd’hui les dignitaires du régime déchu, de vouloir revenir dans les circuits de la République. On leur a tendu la main à cet effet et ils l’ont plutôt bien saisie. On ne peut pas vouloir d’une chose et de son contraire à la fois. Et en politique, il est de notoriété publique que les errements, les manquements et les hésitations se paient cash.
Au demeurant, on peut se demander aujourd’hui si certains acteurs de la Transition jouaient en conscience, le jeu de la vérité.
Cela dit, si le Burkina venait à mal négocier cette occasion rêvée que représentent les évènements des 30 et 31 octobre derniers, de tirer la démocratie vers le haut, il retomberait dans les abîmes du pouvoir de l’arbitraire et des hommes forts. Et les conséquences seraient non seulement immenses pour lui, mais aussi pour l’Afrique dont les peuples avaient applaudi à tout rompre, la fin d’une dictature vieille de plus de deux décennies. C’est pourquoi tous les patriotes, tous les démocrates sincières, sont interpellés pour aider à sauver la « Maison Burkina » et la démocratie.

Sidzabda


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