ROCH MARC CHRISTIAN KABORE A PROPOS DE LA SITUATION NATIONALE:« Ce n’est pas que l’opposition a peur d’aller au référendum »
Le président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Roch Marc Kaboré, a été l’invité de la télévision Africa 24 le vendredi 11 juillet 2014, à l’émission « LE TALK ». Au cours de celle-ci, l’ancien président de l’Assemblée nationale et ex-président du parti majoritaire, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), a répondu à des questions relatives à la situation politique nationale. Nous vous avons retranscrit l’intégralité de cette interview. Lisez !
Africa 24 : En tant qu’observateur averti de la vie sociopolitique du Burkina Faso, dites-nous comment se porte ce pays aujourd’hui.
Roch Marc Christian Kaboré: Le Burkina Faso traverse une période difficile, mais tout à fait compréhensible dans la mesure où le mandat du président Blaise Compaoré arrive à échéance en 2015. A cet effet, nous avons un débat national qui est posé sur la question de savoir s’il faut modifier la Constitution ou la respecter. Pour notre part, il est évident qu’en tant qu’opposition, notre souci est le respect de la Constitution. Du côté du parti majoritaire (NDLR : Le CDP), il y a une volonté manifeste de modifier cette Constitution, afin de permettre au président du Faso de poursuivre un mandat supplémentaire.
Dites-nous les raisons profondes qui ont occasionné votre départ du parti au pouvoir.
Nous avons quitté le parti au pouvoir pour plusieurs raisons. D’abord, pour des questions de gouvernance du parti au plan de la démocratie interne.
« Depuis que nous avons nous-même quitté les responsabilités à la tête du CDP, nous avons assisté à une chasse aux sorcières au sein dudit parti »
Deuxièmement, parce que nous avons considéré également qu’un certain nombre de questions, qui sont fondamentales, ne font pas l’objet de véritables débats démocratiques au sein du parti. Il s’agit des questions relatives aux préoccupations de liberté au plan national, notamment la question de l’article 37 de la Constitution et le Sénat. Enfin, depuis que nous avons nous-mêmes quitté les responsabilités à la tête du CDP, nous avons assisté à une chasse aux sorcières au sein dudit parti qui ne nous permettait pas de nous exprimer librement dans ce parti. Ainsi, il était tout à fait normal et nécessaire que nous pussions créer notre parti pour défendre nos idéaux et nos points de vue.
Après 27 ans avec le parti au pouvoir, on se demande, de nos jours, ce qui est l’élément déclencheur de votre adhésion à l’opposition.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Nous avons toujours pensé qu’il y aurait certainement un sursaut qui permettrait, et au parti (NDLR : CDP) et au pays de prendre une autre direction. Mais force est de constater que nous allons inlassablement vers une situation qui pose de sérieux risques à notre pays.
Mais la plus grande ambiguïté, ce sont les propos que vous teniez quand vous étiez de l’autre côté, notamment sur la question de la révision de l’article 37 de la Constitution où vous avez déclaré que : « Refuser de réviser l’article 37 de la Constitution est anticonstitutionnel ». Est-ce que vous regrettez actuellement ces propos ?
Ces propos, je les assume. Je vous rappelle qu’au moment où nous étions en train de discuter de l’article 37 de la Constitution, c’était pour préparer le Conseil consultatif pour les réformes politiques (CCRP) qui est un cadre de concertation des partis politiques. Nous sommes allés à ce cadre de concertation avec nos positions les plus hautes, dont la modification de l’article 37 de la Constitution. Je précise qu’il était entendu qu’au terme des discussions du CCRP, tous les points qui ne feraient pas l’objet de consensus, ne fassent pas l’objet d’application. Je l’ai défendu en son temps.
« Rien ne s’oppose à la modification de l’article 37 »
Avant de créer mon parti, le MPP, j’ai fait mon mea culpa par rapport à cette conception des choses parce que j’ai estimé que l’intérêt de l’alternance politique est de permettre non seulement une respiration démocratique, mais également de renforcer la stabilité et la démocratie dans notre pays.
Alors quels sont les griefs qui sont portés à la modification de cet article ?
Je dirai simplement ceci : au plan constitutionnel, rien ne s’oppose à la modification de l’article 37. Le second problème, c’est que je pense que nous ne sommes pas dans une question juridique. Là, nous sommes dans une question d’éthique politique, de morale et du respect d’engagements.
La convocation d’un référendum n’est pas interdite par la Constitution et le président du Faso peut faire usage de ses prérogatives pour convoquer la population et c’est ce qu’il est en train de prôner. En quoi le référendum vous dérange ?
Ce n’est pas que le référendum dérange quelqu’un. Nous disons tout simplement que nous ne sommes pas dans un débat juridique. Ceux qui vous amènent sur ce terrain, nous les amenons sur le débat de la parole donnée au peuple burkinabè.
Attention, si vous parlez de parole donnée, on va vous faire écouter les propos que vous avez tenus auparavant.
Ce n’est pas le même type d’engagement. Cet engagement est pris à un moment où le pays est en train de basculer dans une difficulté majeure. J’ai fait mon mea culpa et je peux effectivement m’expliquer et je l’ai déjà fait devant le peuple burkinabè. Si de nos jours, quelqu’un affirme que c’est moi qui étais le premier à le dire, je dis oui et je l’admets. Pour moi, de nos jours, c’est une erreur de l’avoir dit et je demande à ces personnes de me suivre dans la même voie, car c’est moi qui l’avais dit et je sais pourquoi je l’avais dit.
Pensez-vous que le peuple a bien accueilli votre mea culpa ?
L’intérêt pour moi, c’est d’être moi-même en phase avec ma conscience.
Le parti au pouvoir veut faire le forcing pour aller au référendum. Qu’allez-vous faire ?
Par principe, nous avons dit que nous sommes contre le référendum. A cet effet, nous travaillons en mobilisant et en conscientisant le peuple avec les arguments que je viens de vous donner. En tout état de cause, le peuple nous comprend.
« Les élections qui ont régulièrement eu lieu au Burkina Faso ont connu toujours, non seulement la participation d’observateurs, mais aussi de partis politiques de l’opposition »
Ainsi, si le référendum est engagé, nous allons utiliser tout ce que la Constitution nous autorise, parce que nous sommes une opposition républicaine.
Si on est d’accord que vous êtes un leader politique mobilisateur, il est tout à fait évident que le peuple pourra suivre vos recommandations au référendum pour dire non à la modification de l’article 37. Alors pourquoi en doutez-vous ?
Le problème est que nous ne nous sommes pas fondés sur le même principe d’approche. Vous êtes déjà sur le principe juridique alors que moi, je n’y suis pas.
Dans le cas extrême, on envisage tous les cas possibles.
Nous espérons que nous n’irons pas au référendum. Pour l’instant, on pense certainement que chacun a raison de part et d’autre.
Est-ce que vous pensez que les élections qui se sont déroulées dans ce pays ont toujours été transparentes ?
Les élections qui ont régulièrement eu lieu au Burkina Faso ont connu toujours non seulement la participation d’observateurs, mais aussi de partis politiques de l’opposition qui ont toujours eu à formuler des plaintes où elles devraient le faire. D’année en année, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a amélioré ses compétences pour minimiser la fraude. Cependant, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de fraudes dans une élection, mais la CENI a fait de son mieux pour que les élections soient transparentes.
N’est-il pas possible d’accorder toujours sa foi, sa confiance à toute consultation qu’il y aura dans ce pays, soit-elle référendaire ou autre ?
Ce n’est pas que l’opposition a peur d’aller au référendum. Cependant, de nos jours, ni eux, ni nous ne sommes capables de dire qui du président ou de nous, l’opposition, remportera le oui ou le non au référendum.
Parlons un peu des conditions de votre départ du CDP. Il est certain que cette démission a été suivie de représailles. Dites-nous ce que ce que le CDP vous a fait subir pour vous empêcher de partir.
Nous n’avons pas subi de représailles. On est parti de bon gré. Nonobstant, nous avons eu, par la suite, un certain nombre de difficultés lorsque nous avons demandé certaines salles pour nos réunions et congrès. Dans l’administration, nos camarades qui sont à des postes de hautes responsabilités ont été relevés de leurs fonctions.
N’est-ce pas ce que vous avez fait à d’autres, notamment vos opposants auparavant, surtout quand vous étiez président du parti ?
Oui, j’étais président du parti. Mais quel que soit ce qui se passait, nous n’en avons pas fait un problème particulier. Nous avons considéré que ce sont des actes posés qui renforcent notre conviction de combat politique.
Certains de vos camarades qui vous ont suivi ont vu leurs passeports diplomatiques annulés. Avez-vous subi le même sort?
Je n’ai pas subi le même sort. En tout état de cause, j’ai fait mon passeport ordinaire et je voyagerai désormais sous cet angle.
Est-ce que vous savez que vous risquez gros en adhérant à l’opposition, si jamais le combat que vous menez de nos jours n’arrivait pas à terme ou connaissait l’échec?
J’assume toutes les responsabilités.
« Je n’ai jamais assisté à une rencontre entre le président Blaise Compaoré et les partis politiques de l’opposition »
Le combat que nous menons, c’est en connaissance de cause. Je pense que tous ceux qui mènent un combat politique s’attendent forcément à des mesures plus ou moins victorieuses ou pas.
Quelles sont les relations que vous avez de nos jours avec le président Blaise Compaoré ?
On n’a pas de relations particulières. Nous avons quitté le parti pour nous rendre à l’opposition. Pour l’instant, je n’ai jamais assisté à une rencontre entre le président Blaise Compaoré et les partis politiques de l’opposition.
Avez-vous des relations particulières ?
Non !
A quand la dernière fois que vous vous êtes eus au téléphone ?
Non, on ne s’est pas eu depuis longtemps. Cela fait vieux.
Est-ce à dire que le pont est complètement rompu ?
Non, on n’a pas eu de relation de contact à ce niveau.
Interview réalisée par Africa 24 et retranscrite par Mamouda TANKOANO