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TRIPLE SCRUTIN AU BURUNDI


Les Burundais ont été appelés hier, 20 mai 2020, à départager, dans les urnes, les six candidats engagés dans la course pour la magistrature suprême du pays. Par la même occasion, ils doivent aussi désigner leurs représentants à l’Assemblée nationale ainsi que leurs conseillers municipaux. Ces élections générales se sont tenues après une campagne qui a été tout sauf un long fleuve tranquille. En effet, celle-ci s’est déroulée sur fond de terreur où les intimidations et arrestations d’opposants, le disputaient aux attaques des milices du pouvoir. Quand on ajoute à ce tableau déjà sombre, les conditions techniques et matérielles d’organisation de ce triple scrutin, caractérisées essentiellement par l’opacité qui entoure les listes électorales, la distribution irrégulière des cartes électorales et la constitution orientée des bureaux de vote, l’on est en droit de s’attendre à une véritable mascarade électorale. Ce n’est pas, en tout cas, l’opposant Agathon Rwasa et candidat le plus en vue dans cette élection après celui du pouvoir, Evariste Ndayishimiye, qui dira le contraire ; lui qui parle de « scandale électoral ».

L’objectif recherché, aura été moins la libre expression que la célébration de la triple victoire du président sortant

Dans de telles conditions, l’on peut se poser même la question de l’utilité de ce scrutin dont les résultats, surtout en ce qui concerne la présidentielle où tout semble plié pour le candidat du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, Evariste Ndayishimiye, sont connus d’avance. On a même l’impression, en effet, que l’objectif recherché, à travers ces élections, aura été moins la libre expression que la célébration de la triple victoire du président sortant, Pierre Nkurunziza qui, non seulement donne la preuve qu’il est parvenu à conduire à terme son mandat malgré la réprobation populaire et la pression de la communauté internationale, mais aussi qu’il a réussi à se retirer du pouvoir en assurant ses arrières tout en entrant dans l’histoire en relevant le pari de l’alternance quoiqu’en trompe-l’œil, dans un pays où le mode de transmission du pouvoir se faisait toujours dans le sang. L’on comprend donc pourquoi les Burundais qui ne sont pas dupes, ne se sont pas prêtés au jeu du pouvoir sortant puisqu’en dehors des campagnes, les électeurs des villes ne se sont pas bousculés dans les urnes. Ils ont d’autant plus raison qu’en plus du climat ambiant de terreur, il y a la menace liée à la pandémie du Covid-19 dont l’ampleur réelle a été la pomme de discorde entre les autorités burundaises et les représentants de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui ont été déclarés persona non grata. Mais que les électeurs aient sortis ou pas, on sait que le pouvoir est déjà en œuvre dans ses officines secrètes pour fabriquer ses résultats après avoir créé les conditions de la plus grande opacité en récusant tout observateur étranger. Le taux de participation et les scores des différents candidats seront donc arrangés pour faire dans le diplomatiquement correct, tout en assurant une large victoire au candidat du parti au pouvoir.  En tout état de cause, on ne peut rien attendre, en termes d’avancées démocratiques, de ce scrutin. Il ne reste plus donc qu’à prier pour ce pays où la religion est d’ailleurs devenue une affaire d’Etat, pour que le dauphin de Nkurunziza, une fois élu, surprenne agréablement le peuple burundais et la communauté internationale, en rompant les ponts avec son mentor, comme on a pu le voir en Angola, en Mauritanie, etc.

Il est plus qu’urgent de donner de l’espoir au peuple burundais

Le miracle, en tout cas, n’est pas impossible quand on sait que le général Evariste Ndayishimiye est un homme de poigne qui tire, tout autant que son mentor, sa légitimité politique du maquis et de son assise dans le parti majoritaire. Mais on peut cependant craindre que son long séjour sous l’ombre d’un pouvoir sanguinaire, ne fasse de lui un Nkurunziza bis.  Cela dit, si le futur président du Burundi ne veut pas être un faire-valoir de Nkurunziza qui quitte le pouvoir sans véritablement partir, il aura fort à faire. Parmi les défis qu’il devra relever, il y a celui de faire cesser la terreur qui aura été la marque de gouvernance de son prédécesseur qui s’est affublé du titre de Guide suprême éternel. Et cela passe nécessairement par le respect des libertés individuelles et collectives, mais aussi par le devoir d’enterrer la hache de guerre avec l’opposition exilée et les milices rebelles. L’autre défi important auquel devra s’attaquer le futur chef de l’Etat burundais, est celui du développement économique. On le sait, le pays figure parmi les plus pauvres de la planète et il est plus qu’urgent de donner de l’espoir au peuple burundais qui, en plus de souffrir le martyre du fait de la dictature politique, peine à s’assurer un repas par jour. Enfin, le nouveau président devra mettre un point d’honneur à redorer l’image du Burundi. Et cela passe nécessairement par une nouvelle dynamique dans les relations avec les pays voisins qui subissent les contrecoups de la crise politique burundaise, mais aussi avec la communauté internationale qui a été souvent éconduite, tel un malpropre. Mais en attendant cette ère nouvelle, les Burundais doivent se dire, en voyant cette élection qui consacre le retrait officiel de Pierre Nkurunziza du pouvoir : « c’est déjà ça de gagné ».

« Le Pays »


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