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VISITE DU PRESIDENT FRANÇAIS AU NIGERIA


 Macron et la realpolitik

Depuis hier, 3 juillet 2018, le président français, Emmanuel Macron, est en visite au Nigeria. Au menu des échanges avec son hôte, Muhammad Buhari, les questions de culture et d’économie, de même que l’épineuse question sécuritaire devenue pratiquement incontournable, depuis que l’hydre terroriste a décidé d’étaler durablement ses tentacules dans la zone sahélienne. Et ce n’est pas tout, puisqu’en marge de son tête-à-tête avec son homologue nigérian, l’agenda du locataire de l’Elysée prévoit une rencontre avec de jeunes entrepreneurs et un passage devant le parlement nigérian, avant une escapade dans la capitale économique, Lagos, pour une visite à l’Alliance française de ladite ville et un rendez-vous culturel des plus attendus dans le mythique temple de l’afro-beat de l’emblématique roi de ce genre musical, Fela Kuti.

L’économie nigériane demeure l’une des plus prospères du continent

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au cours de son séjour nigérian, le président français n’aura pas le temps de s’ennuyer. Mieux, son agenda plutôt chargé pourrait témoigner de l’intérêt qu’il porte à un pays avec lequel il aimerait certainement renforcer ses relations d’échanges, malgré la barrière linguistique. Car, malgré un contexte sécuritaire délétère, l’économie nigériane demeure l’une des plus prospères du continent. De ce point de vue, il n’est pas exagéré de dire que ce rapprochement avec le géant anglophone de l’Afrique de l’Ouest, relève purement et simplement de la realpolitik pour le président français. Et pour cause. Le Nigeria ne fait pas partie du pré-carré de la France, en Afrique. Et si l’importance d’une visite présidentielle se mesurait à l’aune de la densité du programme de l’hôte dans son pays d’accueil, le programme de Jupiter au pays de Muhammadu Buhari serait assez éloquent sur l’intérêt qu’il porte à ce pays. Et c’est de bonne guère. Car, le Nigeria a beau être un chaudron qui véhicule, entre autres, une image de pays de violence, de corruption et d’insécurité, il demeure malgré tout une puissance économique qui se dispute sur le continent le leadership avec l’Afrique du Sud. Ne serait-ce que pour cette raison, la France peut difficilement se permettre de snober un tel partenaire. Mieux, la rencontre du locataire de l’Elysée avec de jeunes entrepreneurs nigérians, au-delà du lancement d’un club d’affaires franco-nigérian, vise à travailler à polir davantage l’image de ce pays qui n’a pas forcément bonne presse dans l’Hexagone. Histoire, dit-on,  de « changer la perception sur le Nigeria et d’essayer de faire qu’en entendant Nigeria, on n’entende pas nécessairement en premier lieu Boko Haram, insécurité ou piraterie, mais également opportunités, première économie africaine et deuxième industrie du cinéma du monde ». C’est dire si Abuja aussi pourrait tirer grandement profit de ce séjour du premier des Français. Car, ce n’est pas qu’en France que le Nigeria véhicule une image quelque peu écornée. Même en Afrique, sa réputation de pays de grand banditisme ne date pas d’aujourd’hui, à telle enseigne qu’ils étaient nombreux, les Africains  à ne pas vouloir s’y risquer.

Il n’est pas exclu que cette visite du président  Macron au Nigeria, relève aussi d’un choix politique fort

C’est dire qu’aujourd’hui encore, le Nigeria a besoin de soigner son image à l’extérieur. Et la démarche du président français, à travers la mise en place de ce club d’hommes d’affaires, pourrait être profitable à plus d’un titre.  D’autant plus que tout porte à croire qu’au-delà de la dimension affective de cette visite,  Macron a perçu tout l’intérêt que son pays pourrait encore tirer de ses relations avec la première puissance démographique du continent, malgré le fait que ce pays pétrolier d’Afrique de l’Ouest où il a de nombreux investissements, est déjà son premier partenaire commercial en Afrique subsaharienne. Avec un volume d’échanges évalué à 3,6 milliards d’euros en 2017, Abuja valait bien un détour, d’autant plus que le Nigeria, selon de nombreux indicateurs, reste un des pôles de croissance parmi les plus prometteurs d’Afrique.

En tout état de cause, au-delà des relations commerciales, il n’est pas exclu que cette visite du président  Macron au Nigeria, relève aussi d’un choix politique fort, en raison du poids de son hôte dans la sous-région. Surtout  que la présidence tournante de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) devrait bientôt échoir au président Buhari, au moment où la crise politique au Togo, qui ne laisse personne indifférent, semble plus que jamais dans l’impasse. Ceci pourrait-il donc expliquer cela ? L’histoire nous le dira.

« Le Pays » 


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